I.2.1.1 La notion d’acculturation : délimitation conceptuelle 

En 1936 l’acculturation est considérée comme étant « l’ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entre groupes d’individus de cultures différentes, avec des changements subséquents dans les types de culture originaux de l’un ou de deux groupes » 83 .

A ce propos, Camilleri exprime une réserve car cette définition ne prend pas en considération le contact indirecte entre les cultures ni les modalités de l’acculturation qui se situent entre deux pôles extrêmes : la séparation et l’assimilation. Selon lui, ces deux pôles extrêmes représentent l’imperméabilité à la culture étrangère. La séparation se produit sous l’effet d’une attitude indifférente ou réactionnelle de la part de l’individu. L’auteur nous donne comme exemple la ghettoïsation où le sujet y est plongé entièrement. Cependant, dans l’assimilation, l’acteur social ne se retrouve plus comme affilié d’une façon légitime à son ancien système culturel ni, comme adepte ou partisan au groupe défini par ce système.

Entre ces deux situations, dit Camilleri, «on observe une quantité de positionnements différents, qui se traduisent par des manipulations diverses des codes de l’une et l’autre culture. Elles débouchent sur des formations variées, plus ou moins ‘’ logiques’’ aux yeux de l’observateur, vécues comme plus ou moins satisfaisantes par le sujet lui-même. Elles sont d’une grande importance pour le théoricien comme pour le praticien…l’intégration résulte de l’une de ces formations, lorsque le sujet estime qu’elle lui permet d’éliminer, dans ses rapports avec l’environnement étranger, les tensions dues aux différences des groupes en présence, tout en restant ancré de façon variable dans ses anciennes références» 84 .

Ainsi, l’existence d’une marge malléable, perméable culturellement qui permet à l’individu de se situer avec liberté est indispensable -même s’il est, parfois, apparemment illogique-, parce qu’il joue le rôle d’une « valve de sécurité » qui empêche la séparation culturelle entre les cultures en contact aidant à réaliser l’intégration qui aplanit le chemin de l’interculturel. Cet espace de l’entre-deux est nécessaire pour éviter l’éclatement culturel.

Après avoir exposé l’attitude de l’auteur à l’égard de l’acculturation et de ses propositions concernant ce concept, nous abordons maintenant sa théorie en stratégies identitaires . Quelles sont ces stratégies ? Quelles fonctions ont-elles pour l’individu ?

En se basant sur les travaux de l’identité sociale et de la catégorisation sociale de Tajfel entre (1971-1981) et les recherches de Berry sur les stratégies identitaires (1969-1985), Camilleri a présenté son projet théorique en insistant sur l’importance de ne pas confondre la notion de l’identité à celle du psychisme pour ne pas réduire la première « à la [simple] totalité des événements qui traversent notre subjectivité au cours d’une vie» 85 .

Alliant psychisme et culture dans une perspective dynamique, l’acteur social contribue à son tour à modifier, non seulement les conditions socioculturelles auxquelles il appartient, mais, même sa culture. Camilleri a insisté sur le primat de l’effet de la culture sur les processus de la construction identitaire qu’elle soit au niveau de l’individu ou du groupe, ainsi que le rôle que joue l’environnement culturel en influençant le choix des stratégies identitaires adoptées par le sujet.

Notes
83.

Ibid., Chocs des cultures, P : 29.

84.

Ibid., Chocs des cultures, P : 30.

85.

Ibid., Chocs des cultures, P : 43.