I.2.2 - L’apport de Berry : Les modèles des attitudes d’acculturation 

D’après les recherches concernant les relations interculturelles, il est clair que les conduites et les réactions des acteurs ne sont pas les mêmes en situation de l’endogroupe et celle de l’exogroupe.

De même, les Etats-nations, les sociétés et les groupes culturels se diffèrent dans leurs politiques d’aborder la question de l’immigration selon les cas, la complexité de la situation et le contexte socio-politique qu’elles traversent.

C’est ainsi, que les chercheurs ont arrangé plusieurs types théoriques afin de conceptualiser les modalités de ‘’contact culturel’’ ainsi que les réactions psychologiques des individus, et les conséquences sur les adhérents de ces groupes.

J-W. Berry, professeur de psychologie à l’Université Queen’s, Kingston, Ontario à Canada a essayé de présenter un modèle théorique intitulé au début : le modèle des attitudes d’acculturation (1986 106 , 1987 107 , 1988 108 , 1989 109 ).

Le modèle théorique de Berryest celui du caractère dynamique. Il refuse l’optique qui considère l’identité en tant que finalité inéluctable, essentielle et substantive. Il agrée d’affronter la problématique de la détermination de soi, face aux changements culturels qui envahissent la société d’origine sous l’influence de son contact avec une autre culture.

Ce modèle théorique permet de reconnaître les attitudes des membres de groupes minoritaires, vis-à-vis de leur affiliation dans les contextes dessinés par chacune des communautés culturelles en présence.

En décrivant ce modèle théorique, Berry dit qu’il « est fondé sur la prémisse que des groupes non dominant et leurs membres aient la liberté de choisir la manière dont ils veulent s’acculturer » 110 .

Donc, l’auteur considère l’individu en tant que participant à l’acculturation de sa communauté. Il est  libre de favoriser entre les deux cultures et de choisir à quel système de valeurs il se réfère, que ce soit au niveau privé ou social de son quotidien.

En présentant son projet théorique, Berry commence par la détermination de la notion d’acculturation et les groupes d’acculturation. De quoi parle-t-il ?

Pour l’auteur, l’acculturation s’exprime comme un mécanisme à plusieurs niveaux.

Au début, tel que défini par Redfield, Linton et Herscovits (1936), le concept signifie le changement culturel résultant du contact entre des membres de cultures différentes, à la fois dominantes et non dominantes. Par la suite, il a remarqué que les acteurs impliqués dans de tels contextes de contact culturel subissent des modifications psychologiques (Graves, 1967).

Il est clair que les deux aspects (culturel et psychologique) sont complémentaires et reliés l’un avec l’autre, le premier représente le contexte du second et le second participe à soutenir le premier.

Entre ces deux niveaux, l’auteur s’intéresse également au changement institutionnel dans les sociétés composées d’une multitude de groupes culturels. Par exemple, il a essayé d’examiner de quelle façon les institutions dans le domaine de l’éducation, de l’emploi et de la justice prennent en considération la pluralité culturelle dans leur mode de fonctionnement, et quelles sont les stratégies d’acculturations qu’ils adoptent ? Mais avant d’exposer les stratégies d’acculturation, nous abordons d’abord les groupes d’acculturation, toujours, d’après Berry.

L’auteur considère que la majorité des recherches étudiant les effets de l’acculturation résultent d’études menées sur un seul type de groupe. Pour lui, il existe plusieurs types susceptibles d’inciter des ajustements variables.

Les principaux types de groupes sont identifiés selon trois dimensions particulières : la mobilité, la volonté et la permanence de contact.

Mobilité Volontaires Non volontaires
Sédentaires Groupes ethniques Autochtones
Migrants Immigrants (permanents)
Résidents (temporaires)
Réfugiés

Les deux premières dimensions permettent de prendre en considération quatre variétés de groupes : parmi les migrants, il y a les immigrés qui ont choisi l’immigration, leur attitude est positive à l’égard de l’immigration puisque c’est leur choix. A côté de ce groupe, il y a les réfugiés, qui sont moins libres dans leur choix ; leur décision est moins volontaire puisqu’ils ont dû quitter leur pays pour des raisons de survie : la guerre, la famine…etc.

Parmi les communautés sédentaires, il y a les Autochtones : bien qu’ils vivent sur leur terre natale, ils sont dominés par des groupes migrants plus forts. Nous y ajoutons les groupes ethniques, ils sont issus des anciens immigrants et participent à la vie de la société d’accueil.

Le cinquième type de groupe, c’est celui des résidents temporaires : leur séjour est non permanent (les travailleurs étrangers saisonniers, les étudiants étrangers, les diplomates en pays étrangers, etc.).

Plusieurs variations sont aussi observables entre les groupes dominants tels que leur degré de tolérance à l’égard des différences culturelles. L’auteur a remarqué qu’il existe les sociétés pluralistes, tolérantes et multiculturelles, et d’autre part, il y a des sociétés monistes intolérantes à toute autre culture.

En se basant sur l’étude de Morphy (1965) 111 , l’auteur attire l’attention sur l’importance de la tolérance en tant que facteur joue un rôle primordial dans la vie sociale des sociétés multiculturelles. En effet, il n’exige pas que les individus changent leurs modes de vie mais au contraire, il y a des réseaux importants de support social qui aident les acteurs durant le processus d’acculturation. Dans les sociétés monistes, par contre, le sujet subit des pressions pour changer son mode de vie, et il est privé du support social pour y arriver.

L’auteur ajoute que même dans les sociétés pluralistes et tolérantes, il existe une grande variation interindividuelle et intergroupale pour ce qui est des attitudes à l’égard des groupes ethniques (Berry, Kahn et Taylor, 1977) 112 . Ces attitudes suscitent des stratégies d’acculturation différentes. Quelles sont donc, ces stratégies ?

D’abord, l’auteur nous raconte les commencements de la notion, il nous dit : « le concept de stratégies d’acculturation a vu le jour durant mon travail sur les Aborigènes d’Australie dans les années 60. Je les appelais à l’époque ‘’attitudes relationnelles’’…peu après, j’ai élargi le concept aux groupes dominants en incluant à la fois les politiques nationales et les préférences des membres de groupes dominants » 113 . En général, la notion se penche aux préférences des membres de groupes culturels non dominants dans leur manière de s’identifier à leur propre culture ainsi qu’à celle des autres dans leur interaction sociale.

En 1996, l’auteur a utilisé le concept de stratégies d’acculturations pour examiner dans quelle mesure les structures des institutions et leur mode de fonctionnement s’adaptent au pluralisme culturel, dans une société donnée.

D’après ses études ethnographiques, Berry (1990-1997) suggère que le choix identitaire de l’individu résulte de sa réponse à deux questions fondamentales qui s’imposent aux individus résidant dans les sociétés pluriculturelles :

1- Faut-il maintenir sa culture et son identité d’origine ?

2- Faut-il avoir des contacts avec les membres de la société environnante et participer à la vie sociale ?

En effet, ces deux questions font les postulats de sa théorie en stratégies d’acculturations. Et les réponses à celles-ci nous permettent d’identifier quatre stratégies d’acculturation. Ces stratégies portent des noms différents selon le groupe, s’il est considéré comme ‘’dominant’’ ou ’’dominé’’ et selon le désir (ou non) de préserver la culture d’origine, et celui de maintenir (ou non) des contacts culturels avec la culture dominante. Quels sont, donc, ces noms différents ?

Du croisement de ces questions, apparaissent quatre attitudes d’acculturations :

Notes
106.

Berry J.W., Trimble J., Olmeda, E. (1986). The assessment of acculturation. In W. J. Lonner, J. W. Berry, Field methods in cross-cultural research, London, Sage.

107.

Berry J.W., Kim U., Minde T., et al., Comparative studies of acculturative stress. International Migration Review, 1987, n° 21, PP : 491-511.

108.

Berry J.W., (1988). Acculturation in mental health, In, Health and cross-cultural pathology, Dasen, P., Berry J.W. et al., London, Sage, PP : 207-236.

109.

Berry J.W., Kim, U., Acculturation attitudes in plural societies.Applied psychology, 1989, n° 38,

PP : 185 - 206.

110.

Franchi, V., Andronikof-Sanglade, A., (2001), Les modèles de l’identité de Camilleri, Markus et Berry : Réflexion épistémologique, in la psychologie au regard des contacts de cultures, Limonest, L’Interdisciplinaires, P : 57.

111.

Murphy, H.S.M., (1965), Migration and the major mental disorders a reappraisal, in M.B., Kantor, Mobility and Mental Health, Springfied, Thomas.

112.

Berry, J.W., Kalin, R., Taylor, D.M, (1977), Multiculturalism and ethnic attitudes in Canada, Ottawa, Goverment of Canada.

113.

Berry, J. W., (2000), Acculturation et identité, in pluralité des cultures et dynamiques identitaires, Paris, L’Harmattan, P : 82.