Une fois que l’individu reconnaît les particularités d’autrui, il sera obligé de traiter une quantité d’informations illimitées qui dépassent sa capacité à cause de la complexité de l’univers des stimulis auxquels il est soumis ; c’est pourquoi il devient urgent pour lui d’appliquer la catégorisation sur la base de la possession d’une certaine caractéristique afin de rassembler les informations qui se ressemblent, et simplifier le coût du traitement d’individus considérés à la fois équivalents entre eux et différents de soi. La catégorisation est une tâche cognitive qui permet à la personne de se positionner face à autrui afin de mieux s’adapter avec lui.
Ainsi, d’après le traitement catégoriel d’autrui en niant ses particularités, il apparaît que la question de la différence culturelle des individus est en corrélation avec la question de l’injustice sociale, dont « l’infériorisation ou la marginalisation frappent constamment des groupes dont les membres sont victimes de discriminations ( dans l’emploi, l’accès aux études, le logement, etc.), mais aussi désavantagés dès le départ dans la vie sociale en raison de leur origine nationale, de leur religion, de leurs attributs physiques, de leurs sexe, de leur préférences sexuelles, etc. » 215 .
C’est sur cette imbrication de l’injustice sociale et de la disqualification culturelle qu’il faut fonder le traitement de la différence culturelle, afin que l’expérience du contact des cultures associe le culturel et le social en proposant des mesures qui concernent simultanément la reconnaissance culturelle de tel ou tel groupe, et la lutte contre les inégalités sociales dont pâtissent ses membres.
Donc, nous sommes devant une distribution inéquitable des valeurs dont les membres de notre catégorie ou bien de notre groupe d’appartenance ont des valeurs positives tandis que les autres, qui n’appartiennent pas à notre catégorie sociale sont rejetés dans le ‘’ghetto’’ de la négativité. Le partage des attributions causales est donc inéquitable entre les individus, il dépend de leurs appartenances catégorielles. Par exemple, si de bonnes choses arrivent au sein du groupe d’appartenance, c’est que dans ce groupe on a une bonne nature ; les comportements indésirables n’apparaissent que brusquement et sous l’effet des facteurs extérieurs. Mais, chez les étrangers les choses s’opposent : les événements désagréables sont résultants de la mauvaise nature des personnes, tandis que les événements agréables y sont inattendus et s’expliquent par l’effet du hasard.
On pourrait dire que les attributions causales et celles de la valeur sont différentielles et inéquitables, elles reflètent la tendance à la discrimination sociale et « conduisent à l’ontologisation des phénomènes. Le bien et le mal sont ancrés dans les êtres, ils enferment l’essence et deviennent explicatifs de la dynamique sociale » 216 .
Lorsque la rencontre des groupes sociaux se caractérise par l’hétérogénéité culturelle, les membres du groupe dominant justifient les inégalités sociales qui se pratiquent à leur avantage aux manques de responsabilité des membres du groupes dominé, ils sont marqués de défauts propres qui les conduisent à l’échec et, par conséquence, à la mauvaise position qu’ils occupent dans la société. Cette justification a une fonction psychique, elle évite « un malaise du fait d’un rapport culpabilisant avec autrui (injustice, domination, exploitation…), se persuader que celui-ci ‘’mérite’’ sa position désavantagée par différents manques et défaut… » 217 . Donc, la justification devient le moyen d’absorber le sentiment de culpabilité chez le groupe ou l’individu dominant.
Quand la supériorité du groupe dominant est menacée, en mettant en cause les privilèges que possèdent les adhérents, le mécanisme de différenciation catégorielle se réactive en occasionnant l’augmentation simultanée de l’homogénéité intra-catégorielle et de l’homogénéité inter- catégorielle. Ce qui rend possible de rétablir un écart et une distance sociale entre les dominants et les dominés et, d’emblée, éviter les risques d’assimilation avec eux ce que l’on considère ‘’inférieurs’’.
Wieviorka, M., (2001), La différence, Paris, Balland, PP : 83-84.
Ibid., L’identité culturelle, P : 207.
Ibid., Psychologie et culture, P : 65.