Dans cette partie, nous ne posons que les processus de construction identitaire des acteurs sociaux inscrits dans une histoire qui pose la question des rapports intergroupes, aussi bien que la question de ‘’contact des cultures’’ et sa dimension symbolique.
En effet, les apports de la psychologie sociale sont considérables dans l’étude de l’identité, particulièrement en étudiant l’identité sociale. Ils sont portés sur l’aspect structurel des relations entre groupes. Nous désignons, par exemple, les travaux de Willem Doise, qui propose quatre niveaux d’explication des phénomènes psychosociaux, permettant d’étudier le fait identitaire :
1- Le niveau intra-individuel correspond aux mécanismes permettant au sujet d’organiser ses expériences. Dans ce cas l’identité se rapporte à des processus internes à l’individu (tels que la perception de soi, évaluation de soi, attitudes à l’égard de soi-même) et aux caractéristiques particulières de la personne (sentiment d’individualité, singularité, particularité personnelle).
2- Le niveau inter-individuel relatif aux processus inter-individuels mais il ne prend pas en considération les différentes positions sociales que les acteurs sociaux occupent. Les analyses de phénomène identitaire favorisent les modalités des rapports entre les individus comme constitutives de l’identité tels que la reconnaissance, la différenciation et l’identification qui se tissent au cours de l’interaction social.
3- Le niveau positionnel où la position et / ou l’insertion réelle des individus est central dans l’analyse. Dans ce cas, l’identité est restituée aux différences de statut entre sujets socialement bien définis tels qu’ils appartiennent à des catégories aux positions sociales asymétriques : hommes/femmes, adultes/enfants ; ou simplement définies comme antagonistes et opposées : camps des blancs /camps des noirs.
En fait, dans ce niveau, on considère que les processus de relation entre groupes sont au centre des analyses de l’identité, tels que la comparaison sociale, la compétition sociale (conflit d’intérêts, conflit de valeurs entre groupes aux statuts antagonistes).
4- Le niveau idéologique qui est relatif au fait que chaque société produit des systèmes d’idéologies, de croyances, des représentations, mettant en jeu des processus d’évaluation et de normes, qui doivent justifier et garder un ordre établi de relations sociaux. Ici, l’étude de l’identité est restituée à une dimension plus globale de la société ou de la culture partagée.
Ces quatre niveaux d’analyse ainsi présentés ne sont pas exclusifs les uns les autres. Des articulations sont envisageables et possibles entre différents niveaux d’explication. C’est dans le champ de ces articulations possibles que l’étude de l’identité trouve sa richesse et sa spécificité comme objet d’étude de la psychologie sociale.
En tant qu’objet psychosocial, l’identité peut être découverte en adoptant une lecture ternaire des faits telle que l’a définie Serge Moscovici en (1984). D’après cette optique l’identité est située dans la relation entre un Ego (individu ou groupe) et un Alter (individu ou groupe) par rapport d’un objet (différencié, réel ou symbolique, social ou non). Donc, le fait identitaire se construit, s’étudie inséparablement du rapport à l’autre. L’identité est indissociable du lien social et de la relation à l’environnement « les façons dont l’individu, le groupe se définissent, et sont définis, sont en étroite relation avec l’alter, individuel ou de groupe dans un environnement » 274 .
En se basant sur les quatre niveaux d’analyse, nous pouvons dégager quatre approches ou orientations des questions suscitées par la problématique de l’identité en psychologie sociale :
L’identité comme concept de soi, l’identité comme cognition sociale issue de la localisation du rôle dans l’écologie sociale, l’identité résultante de la catégorisation sociale, et enfin l’identité comme représentation sociale.
Si nous appliquons une lecture ternaire à ce champ théorique, d’après Baugnet, seule l’approche de l’identité conçue comme phénomène représentationnel répond à la triade paradigmatique d’un Ego en relation à un Alter dans leur rapport à l’environnement.
Nous proposions en ouverture à cette partie, l’approche interculturelle en étudiant la problématique identitaire, car les approches précédentes sont, soit focalisées sur un seul des pôles de la triade identitaire : approche du concept de soi, approche de la catégorisation sociale qui sont centrés sur le pôle Ego (défini comme entité personnelle singulière ou comme groupe catégoriel dans ses relations avec un alter-groupe), soit elles ont proposé de rendre compte de deux pôles proposées par des théories différentes telles que la théorie de représentations sociales ou la théorie du rôle. L’analyse de l’identité d’une perspective interculturelle qui prend en compte le facteur social et particulièrement le facteur culturel traduit par le fait du ‘’contact des cultures’’, nous semble-t-il renferme la triade Ego, Alter et Objet d’Environnement. Et par conséquence, l’identité sera étudiée, non seulement dans la simple relation entre Ego, et un Alter, mais elle sera se définie, se construit et s’étudie dans le rapport d’interaction sociale à l’autre en prenant en considération sa particularité et sa différence culturelle qui peuvent apporter un enrichissement culturel qui rend le processus de la construction identitaire fondé sur une base solide et riche culturellement dans laquelle on trouve le support qui nous aide à comprendre la construction identitaire d’autrui aussi bien que soi-même.
Ce regard interculturel qui s’intéresse au contact des cultures concilie les approches précédentes : il étudie le phénomène identitaire en tant que soi, cognition et représentation sociale résultants d’une catégorisation sociale. Et elle les a enrichis en ajoutant l’étude du facteur culturel existant dans l’écologie sociale qui influence notre cognition, nos représentations de soi, d’Autrui et de notre identité dont la définition est liée à une appartenance à une catégorie socio-culturelle, question certainement essentielle surtout dans les sociétés multiculturelles et les situations de contact des cultures.
En fait, dans la vie sociale, les individus sont amenés à rencontrer d’autres personnes du même groupe ou de groupe différent que le leur. Ces groupes entretiennent des rapports historiques, sociaux et symboliques qui leur confèrent des positions bien spécifiques dans le système social dans lequel ils sont inscrits. Ajoutons que chaque groupe, a une particularité culturelle, à côté des traits culturels communs chez toutes les communautés composantes la société.
L’approche psychosociale qui aborde la question de l’identité comme phénomène représentationnel, permet d’articuler différents niveaux d’explication et surtout le niveau inter-individuel (l’identité dans l’interaction) et/ou positionnel (identité et relation intergroupe) du niveau idéologique (croyance et représentations). La théorie de la représentation sociale permet de comprendre l’identité comme cet objet social chargé affectivement qui permet au sujet de se définir par rapport à l’alter.
L’approche psychosociale et les représentations sociales ne permettaient pas de bien saisir la dimension culturelle. C’est avec l’approche interculturelle que ce fossé est comblé. L’identité est de concevoir comme objet culturel et symbolique résultant d’une interaction socio-culturel fruit de contact des cultures, qui permet à l’acteur de se définir par rapport à l’alter issu d’une culture particulière et souvent différente de la sienne.
Ibid., L’identité sociale, P : 17.