II.4-Identité et religion 

En tant que deux objets symboliques, chargés affectivement, l’identité et la religion permettent d’articuler différents niveaux d’explications de l’existence, de nos conduites et de nos relations inter et intra-individuelles. Elles permettent à l’individu de se définir par rapport à l’Autre, d’avoir un statut dans la société, de se positionner, et de tisser un certain type des rapports sociaux. Ces rapports qui peuvent être réels ou symboliques, et qui ont la puissance d’orienter notre pensée, nos attitudes et nos comportements.

Parler de ‘’l’identité’’ et de la ’’religion’’, cela signifie découvrir « une sorte de relation ou d’interpénétration entre le domaine psychique et l’espace culturel, entre la réalité psychique et sa dimension culturel […], comme l’explique Devereux : psychisme et culture deux concepts, bien qu’entièrement distincts, se retrouvent l’un par rapport à l’autre en relation de complémentarité heisenbergienne ». 275

Ainsi, c’est par la culture que s’articulent le monde psychique et le monde religieux. C’est pourquoi traiter la relation entre identité et religion nous semble-t-il utile, spécialement dans notre temps où la violence au nom de la religion et de la protection de son identité religieuse flotte à la surface de la plupart des sociétés. Ce traitement permet d’éclaircir quelques caractéristiques de la dynamique relationnelle entre la personne et sa culture qui suggère, actuellement, une nouvelle réalité : l’identité de l’individu est associée corrélativement à la valorisation exclusive de la religion.

Au-delà de cette question, nous remarquons l’existence d’une ‘’nouvelle réalité’’ qui jaillit et se propage : l’identité et la culture sont dans le récipient de la religion (après avoir était la religion dans le récipient de la culture), ce qui rend la problématique de l’identité, spécialement culturelle, indissociable de la religion. Signalons que cela ne signifie pas que le fait identitaire est réduit à un simple rapport avec la religion qui rend les individus limités à être des ‘’acteurs religieux’’, car ce n’est pas le cas effectivement. En fait, l’identité n’est pas une substance religieuse stagnante, elle est pour nous une entité symbolique (représentation), une structure psychosociale et culturelle dynamique, constamment renouvelée, un processus aussi bien qu’un rapport à autrui, à la culture et à l’histoire. Et d’emblée, le comportement humain n’est pas justifié par l’intériorisation des normes culturelles et religieuses seulement, car la religion, ne définit pas toute seule, la culture, elle en constitue un de ses multiples piliers. Mais actuellement, elle représente le pilier le plus brillant.

En effet, la religion est l’instrument qui participe à reproduire l’identité à travers la reproduction des valeurs, des symboles du passée, des rites qui  luttent contre leur disparition dans le néant et l’oubli. Elle garde sa survivance et sa continuité dans le temps.

La religion donc, a double vocation : elle se considère comme une modalité culturelle simple et universelle d’une part, et elle est exploitée à des fins de sauvegarde de l’identité, d’autre part. La religion est -d’une certaine façon- le garant de l’immortalité de l’identité « c’est sans conteste dans le domaine de la conservation patrimoniale que le rôle des religions est le plus largement apprécié. Plus de la moitié des édifices protégés par l’Unesco au titre du patrimoine mondiale sont d’ailleurs religieux » 276 .

Ajoutons que le partage des croyances religieuses au sein d’un même groupe social, permet à la fois de définir ses frontières et son identité traduites par l’adoption de certains codes comportementaux prescrits qui reflètent un certain système de valeurs choisi par ce groupe, fondé sur une optique spéciale de l’existence, du monde, de la mort et de l’au-delà. La religion ici ressemble à un instrument conceptuel qui dessine le contour du groupe.

Donc, la religion est bien posée comme un fait social et culturel, strictement lié à la dynamique psychique des personnes, et à leurs besoins et motivations. Par conséquent, la continuité d’une religion est inséparable de sa fonctionnalité, c’est grâce à cette fonctionnalité que la religion survit et que le registre social est lié au personnel à travers la notion de la religiosité : « avec le concept de religiosité, la signification des expressions religieuses permet de relier le sujet et le groupe social » 277 . Sachant que chaque lien entre le registre social et personnel est guidé par une dynamique particulière, dont les facteurs culturels et psychiques s’enchevêtrent, ce qui exprime la relation de complémentarité entre les deux concepts : identité et religion, cette complémentarité qui est actuellement au risque de domination religieuse accroissant aussi bien qu’au risque de l’interculturel.

Notes
275.

Majzoub, F., (1998), Contribution à l’étude de l’identité culturelle libanaise, Thèse d’habilité à diriger des recherches, université Picardie Jules Verne, faculté de philosophie, sciences humaines et sociales : Département de psychologie, Amiens, P : 3.

276.

Ibid., Identité culturelle, P : 146.

277.

Ibid., Identité culturelle, P : 161.