La mondialisation annonce le crépuscule des évidences identitaires en posant un redoutable défi à l’individu envahit par un flux d’informations venues de d’Altérité. Son inscription dans l’univers social n’est plus une donnée facile à gérer, elle devient une construction personnelle qu’il lui appartient de mener à bien. La personne est obligée de choisir les appartenances qui lui correspondent, de savoir ‘’qui’’ l’on souhaite être, et de conjuguer ses identités diverses potentiellement contradictoires, d’où la difficulté majeure qu’impose la mondialisation et l’ouverture sur autrui qu’elle accompagne.
Pareillement, pour le groupe, la mondialisation a bouleversé sa situation en imposant des nouvelles conditions et situations qu’il doit prendre en considération telles que : l’imposition des appartenances supranationales, la croissance rapide des organisations qui influencent non seulement la structure et le pouvoir de groupe, mais même l’opinion mondiale ; par exemple : les organisations non gouvernementales et leur rôle en obligeant les Etats-nations de les prendre en compte : Green peace, médecin sans frontière…etc.
Innombrables sont les cas de dissonances identitaires auxquels les individus et les groupes doivent faire face. Grâce à la mondialisation et le développement des moyens de communication, l’ouverture sur la vie sociale a un spacieux horizon qui s’étend jusqu’aux bouts de la planète. D’emblée, l’Altérité n’a plus la même signification. L’Autre, hier, était celui qui est différent et souvent éloigné. Aujourd’hui, « il est tout aussi différent, mais omniprésent, dans le téléviseur de la salle à manger comme au bout des réseaux. Il va donc falloir faire un effort considérable pour se comprendre. En tout cas pour se supporter » 302 .
Ainsi, on ne parle plus d’une Altérité réduite par la notion de l’Etranger-Différent ou de l’Immigré dont il y une dimension ethnologique (et parfois imaginaire), mais des Altérités qui ne sont plus des Différents, des Etrangers ou des Immigrés venus d’ailleurs. Ceci, grâce au développement des techniques qui rend le monde un ‘’village global ’’ dont les distances physiques sont abolies. Alors, l’altérité, est une entité plurielle et une réalité objective qui s’impose sur notre conscience. Par conséquence, l’Autre qui était hier « une réalité ethnologique, lointaine ; aujourd’hui il est une réalité sociologique, avec laquelle il faut cohabiter. Les distances ne sont plus physiques, elles sont culturelles » 303 .
De même pour la question de l’identité. Influencée par le phénomène de la mondialisation, l’identité a subit des déchirements croissantes qui rendent cette question vitale pour les individus aussi bien que pour les groupes et les sociétés. Alors, on ne parle plus d’une identité individuelle mais d’une mosaïque des identités que l’individu contemporain est obligé à confronter, et d’une nouvelle situation dont « la ‘’relation à l’autre’’ est bien au cœur du processus de l’identité personnelle, comme elle l’est de la vie privée et des relations interculturelles» 304 .
Puisque « les périodes de crises économiques, politiques, culturelles sont particulièrement propices à l’éclosion de nouvelles théorisations de l’identité personnelle, parce que les formes identitaires qui lui servent de substrat sont, pour un temps, sont ébranlées » 305 , il est normal qu’avec la mondialisation ( fait considérée pour certaines sociétés comme crise, surtout, les sociétés sous-développées) la notion de l’identité personnelle et même collective aie des nouvelles dimensions et que les anciens formes identitaires soient sur le déclin.
S’appuyant sur les recherches du sociologue Max Weber, le sociologue française Claude Dubar analyse l’évolution de la question identitaire en la considérant comme un glissement d’anciennes identités ‘’communautaires’’, où l’individu était fortement uni dans le groupe, à de nouvelles identités ‘’sociétaires’’, collectives et multiples, « variables, éphémères auxquels les individus adhèrent pour des périodes limités et qui leur fournissent des ressources d’identifications qu’ils gèrent de manière diverse et provisoires » 306 .
Ainsi, avec la mondialisation tout est temporaire, rapide et bouge en vitesse de plus en plus accélérée. Tout est en mutation le plus souvent brutale. Cette brutalité des changements accompagnée par la situation de mal à l’aise avec l’Autre (qui s’impose avec sa différence culturelle en ébranlant notre système de valeurs et notre identité) ont encouragé le phénomène de repli identitaire considéré comme réponse à un sentiment de menace senti par les groupes. Les conflits identitaires ont alors une nouvelle configuration avec la mondialisation : soit une lutte micro-nationalisme pour une identité collective suite à une menace : effective ou fictive (Rwanda, Liban…), soit une lutte régionalisme à cause « des aspirations localistes de plus en plus répandues » 307 , d’un côté, et de l’affaiblissement du rôle de l’Etat-nation suite à la mondialisation.
Ajoutons la régression au passé et les islamistes, ou bien les idéologies fondamentalistes qui voient dans le ‘’retour à l’islam’’ une arme identitaire face à l’envahissement de la mondialisation et la civilisation occidentale ’’menaçante’’. En effet, les islamistes s’appuient sur « le rayonnement de la lointaine civilisation arabo-musulmane contraste cruellement avec son marasme actuel » 308 . Ce sont des nostalgiques figés dans les coulisses d’un passé idéalisé dont la religion et l’identité sont intimement liées. Sachant que l’islamisme représente l’exemple le plus flagrant et le plus borné de la régression identitaire.
D’autres types de réactions du repli identitaire existent dans des coins différents du globe, par exemple en Europe. Elle est le siège d’un penchant réactionnaire qui s’exprime par l’éclosion d’une multitude de mouvements populistes gagnant de remarquable succès électoraux. « En Autriche comme en Hollande, en France comme en Russie, l’extrême droite réussi à sortir de la marginalité. Elle titille généralement la fibre nationaliste tout en captant à son profit le désarroi des populations face au déclin des valeurs traditionnelles. La xénophobie est ici la réponse aux angoisses générées par une mondialisation hors contrôle » 309 . Ainsi, un brouillage des identités collectives caractérise la période de la mondialisation. Ces nouvelles identités ne sont que des « crispations populistes » 310 qui encouragent des mouvements régionalistes ou ethniques qui fragmentent l’univers social car la région ou l’ethnie est un sous- ensemble de la nation.
En profitant de la mondialisation et du progrès des médias, ces mouvements identitaires se sont servis de lobbies médiatiques efficaces. D’où l’importance du rôle des réseaux de communications et celui de la mondialisation des informations par rapport à la question identitaire et celle de l’Altérité.
Pour identifier cette importance d’une façon tangible, il suffit d’observer l’influence des réseaux du marché sur le fonctionnement de l’économie mondiale. L’espace local, national et international n’est plus imperméable. C’est pourquoi, actuellement, dans le cadre d’un marché mondialisé, chaque entreprise doit avoir une stratégie à la fois locale et internationale-globale, jusqu’à un jour d’arriver à « construire de vaste communautés transnationales de consommateurs partageant les mêmes ‘’sociostyles’’, les mêmes formes de consommation et de pratiques culturelles » 311 .
Par ailleurs, le rôle de l’Internet, en tant que réseau de communication, a influencé la question de « l’identité-altérité ». Signalons, par exemple, la mondialisation de l’information. A côté de son aspect positif, d’être au courant de tout ce qui est actuel, elle peut être une cause du rejet de l’Autre, qui est source de menace identitaire et d’invasion culturel. Bien plus, l’apparition des nouvelles appartenances plus abstraites et au-dessus des appartenances courantes de l’individu, telle que l’appartenance surnationale (l’appartenance à une identité européenne) : est un facteur qui complique la situation du sujet et rend sa mission de gérer ses multiples appartenances est beaucoup plus compliqué.
Alors, l’Internet oblige l’individu à mettre en cause ces anciennes appartenances, l’encourage à adopter des nouveaux types d’appartenance. Elle bouleverse ses convictions, même elle change la signification de certaines conceptions, par exemple : la citoyenneté.
En fait, la citoyenneté a été un concept central dans l’Etat-nation, grâce auquel se détermine le cadre de la participation de l’individu dans l’espace publique, d’emblée, ses devoirs et ses droits…
Cette notion était un moyen de catégorisation sociale qui dessine le contour de l’engagement de la personne dans la société, dont tous ses droits, aussi bien que sa situation sont son corollaire. Etre Etranger ou Immigré pourvu d’une vraie participation sociale, est suffisant pour comprendre l’importance de la citoyenneté et ses avantages !
Avec la mondialisation et l’Internet « l’individu serait de moins en moins définit comme un citoyen ayant un droit de regard et un droit d’intervention dans l’espace des décisions politiques et publiques. Dans la société informatisé et mondialisée, l’individu serait le plus souvent réduit à n’assumer qu’un rôle de consommateur face à l’ensemble des messages et des marchandises qui lui sont offerts dans le cadre d’un marché ayant des caractéristiques à la fois locales, nationales et globales » 312 . Pourtant, l’aspect positif de l’influence de la mondialisation sur la notion de la citoyenneté consiste à considérer que « le consommateur est définit comme étant le ’’roi’’ […] d’un marché régi par des règles de concurrence mondiale …» 313 . De même, la problématique de la citoyenneté renvoie particulièrement à la capacité des individus constituant la société civile d’agir de façon créatrice et autonome, loin de la surveillance de l’Etat et du marché. La question qui s’impose ici : Quelle place pour l’Etat-nation dans l’ère de la mondialisation ? C’est ce que nous allons savoir en abordant la mondialisant en tant que ‘’fait omniprésent ‘’.
Ibid., L’Autre mondialisation, P : 9.
Ibid., L’Autre mondialisation, PP : 9 -10.
Dubar, C., (2000), La crise des identités, Paris, P.U .F, P : 213.
Ibid., La crise des identités, P : 179.
Ibid., La crise des identités, P : 5.
Dupin, E., (2004), L’hystérie identitaire, Paris, Le cherche midi, P : 23.
Ibid., L’hystérie identitaire, P : 130.
Ibid., L’hystérie identitaire, P : 134.
Ibid., L’hystérie identitaire, P : 134.
Ibid., La nouvelle idéologie globalitaire, P : 46.
Proulx, S., L’individu face à la mondialisation, in La mondialisation, Sciences Humaines, Auxerre, 1997, n° 17, P : 63.
Ibid., L’individu face à la mondialisation, P : 63.