III.4- Mondialisation et l’Etat-nation 

En effet, la mondialisation en général, et l’Internet, en particulier, jouent un rôle primordial en dégradant le pouvoir et le rôle de l’Etat-nation.

Etant une identité collective renfermant dans ses entrailles des groupes sociaux qui lui appartiennent officiellement selon les lois internationales, l’Etat-nation se trouve face à une situation de mise en cause s’effectuant par un certain nombre des replis communautaires, par la généralisation des flux économiques et des réseaux culturels transnationaux.

Alors, l’espace de communautés politiques (l’Etat-nation), est dessiné et redessiné toujours en fonction de l’évolution des flux économiques, des flux de communication, et des flux culturels. Ainsi, « l’Etat-nation comme fondement des relations internationales, subit une crise liée à la mondialisation. Loin d’être moribond, il doit cependant composer de nouveaux acteurs économiques ou culturels transnationaux, ainsi qu’avec des revendications identitaires ou fondamentalistes » 314 .

En effet, pour mieux comprendre le rôle du flux, remarquons par exemple la manière dont s’est développée la chine côtière. « Il y a là, une reconstruction complète de l’espace qui n’est plus défini dans une logique territoriale, ni dans des logiques de fixations politiques et définitives des frontières. De plus en plus, l’espace est reconstruit en fonction des stratégies d’entreprises, des circuits marchands, des effets de communications » 315 .

Suite à cette nouvelle situation, un nouveau facteur apparaît à la surface de la vie sociale qui l’influence en toutes ses dimensions, surtout les dimensions économiques et politiques : le pouvoir des réseaux transnationaux et le pouvoir du fait de ‘’l’influence ‘’ considéré comme « pouvoir invisible » 316 .

Donc, dans ce présent incontournable, le rôle de l’Etat-nation devient de plus en plus faible. Il ne peut plus imposer son pouvoir avec fermeté comme avant : Il ne peut plus dessiner des stratégies nationales, (particulièrement économiques) à long terme, ni contrôler les groupes et les individus qui l’adhèrent car la notion de territoire et celle de frontière sont elles-mêmes remises en questions.

Il devient de plus en plus un acteur parmi d’autres. Bref, l’idée de monopole est fortement ébranlée.

Mais cela ne signifie pas nécessairement que l’Etat-nation est en effondrement et déclin total. Effectivement, Il résiste et a les moyens de résister plus que les individus ; ce qui le rend dans une situation ‘’pas totalement menacé’’, car il continu à épargner des ressources financières et fiscales ainsi que des ressources coercitives. Il continue à accumuler des ressources symboliques et perpétue à être considéré comme le sauveur supérieur par ceux-là mêmes qui le contestent. Il a encore une utilité sociale et politique, certes, mais son rôle devient plus ou moins relatif !

Ainsi, la mondialisation ressemble à un tourbillon qui fait bouger tous les corps sociaux. Tout est mobile et précaire, tout devient un variable incontournable et a un rôle relatif et à cours terme même l’Etat-nation et les allégeances à son égard. D’où il nous semble possible de constater que le domaine politique, et les notions sociopolitiques sont en corrélation rigide avec la culture et les changements culturels qui ont accompagné la mondialisation, particulièrement celle des moyens de communication. La culture et les facteurs politiques ne sont plus seulement liés à des territoires.

D’ailleurs, les consciences supranationales ont vu le jour, mais ils sont faibles et fragiles. Ils sont incapables de faire naître une véritable citoyenneté comme par exemple la notion de la citoyenneté européenne : L’apparition d’une monnaie commune à certains Etats membres de l’Union Européenne ne cache pas la persistance des divisions linguistiques et culturelles. Les consciences infranationales semblent plus robustes. D’où le succès actuel du ‘’festival de régionalisme et nationalisme’’ et l’importance de l’identité culturelle collective et la nécessité de la ‘’cohabitation’’ culturelle car « l’ONU, l’OMC [organisation mondiale du commerce], l’ONG [organisations non gouvernementales]… ne suffisent pas à traiter la question de la diversité culturelle, et même pas l’Unesco » 317 . Que signifie, donc, la cohabitation culturelle ? Et Quelle est sa relation avec la mondialisation  et l’Etat-nation en tant qu’identité collective ?

En fait, plus il y a de communication, d’interaction et donc de mobilité, plus il y a conjointement, un besoin d’identité et de maintenir des racines. « Ce qui est vrai au niveau individuel l’est aussi au niveau de la communauté et de la société […] Plus les individus circulent, s’ouvrent au monde, participent à la modernité et à une sorte de ‘’culture mondiale’’, plus ils éprouvent le besoin de défendre leurs identités culturelles, linguistiques, régionale » 318 .

Donc, avec la mondialisation, malgré l’affaiblissement qu’il a subit, l’Etat-nation existe encore car il représente le besoin des racines et de l’appartenance à une communauté. La relation ambivalente entre eux, a suscité des aspirations culturelles contradictoires chez les individus. Ils veulent être à la fois ouverts aux cultures du monde mais toujours attachés à leur territoire, leur culture, et à leur histoire. C’est pourquoi la cohabitation culturelle représente une nécessité inévitable à construire dans un monde ouvert pour protéger la paix personnelle, nationale aussi bien que mondiale.

Avec la cohabitation culturelle, qui signifie une sorte de familiarité et de coexistence entre des cultures distinctes et différentes, on est face au carrefour de trois notions : culture, communication, identité considérées comme « triangle infernal » 319 . On est, aussi, « sur le fil du rasoir [car] soit le lien avec un projet politique démocratique peut s’établir, et un modèle de communication culturel relativement pacifique parvient à s’installer. Soit le lien entre cohabitation et projet politique ne peut se construire, et c’est le triomphe de tous les irrédentismes culturels… » 320 . Dans le premier cas, l’identité est reliée à un projet démocratique de cohabitation tandis que dans le deuxième l’identité est à l’origine des conflits politiques. Mais dans les deux cas on ne sera pas à l’abri d’un débat à la fois sur la cohabitation culturelle et ses défis, et sur les rapports entre identité, culture et communication.

Par conséquent, l’information et la communication sont un des secteurs les plus conflictuels des siècles à venir, car la mondialisation de l’information ne crée pas nécessairement la communication. Or, une fois la communication et la cohabitation culturelles s’établissent ils seront un facteur aidant à résoudre les différences liées à la mondialisation des informations. Jusqu’à maintenant il y a « peut-être une mondialisation des techniques et des industries de l’information et de la communication, mais il n’y a pas de communication mondialisée. De même il y a des industries culturelles mondiales, mais pas de culture mondiale » 321 . C’est pourquoi nous considérons qu’il est indispensable, au temps de lamondialisation, de comprendre l’importance de la dimension culturelle de la communication. La fin de la distance physique dévoile l’importance de la distance sociale et culturelle, et l’Internet représente le meilleur exemple. En tant qu’assimilés « à l’impérialisme culturel occidental, [l’Internet et l’ensemble des techniques de communication] …créant des réactions violentes […] où s’exacerbent les questions de territoire, les irrédentismes culturels et religieux » 322 .

En fait, la cohabitation culturelle, une fois existante d’une façon pacifique peut empêcher la mondialisation d’être une bombe à retardement. Elle est une des conditions qui atténue la fatalité de la mobilité de la mondialisation qui bouleverse rapidement la situation des Etats-nations grâce à la révolution mondiale des moyens de communication. La cohabitation culturelle, a une relation étroitement liée avec la mondialisation et les identités collectives. Elle est un des éléments nécessaires pour leur continuité et son absence peut être un élément de leur explosion.

Notes
314.

Badie, B., Quelle place pour l’Etat-nation ?, in La mondialisation, Sciences Humaines, Auxerre, 1997, n°17, P : 17.

315.

Ibid., Quelle place pour l’Etat-nation, P : 18.

316.

Mugny, G., L’influence un pouvoir invisible, Sciences Humaine, Auxerre, 1997, n° 74, P : 20.

317.

Ibid., L’Autre mondialisation, P : 99.

318.

Ibid., L’Autre mondialisation, P : 23.

319.

Ibid., L’Autre mondialisation, P : 11.

320.

Ibid., L’Autre mondialisation, P : 12.

321.

Ibid., L’Autre mondialisation, P : 24.

322.

Ibid., L’Autre mondialisation, P : 25.