En accompagnant la pensée humaine dès ses débuts philosophiques, le thème de l’Altérité est encore une problématique actuelle, comme si elle ne vieilli pas avec le temps.
Avec l’hétérogénéité culturelle omniprésente à cause de la ’’Mondialisation’’ et les ‘’contacts des cultures’’ qui en résultent, l’Alter n’est plus ’’ l’Etranger’’ qui habite ailleurs et qui nous impressionne, il est celui qui s’impose sur nous en sa présence effective en tant qu’immigré, ou bien par sa présence par l’intermédiaire des médias, de l’Internet…il est l’Inconnu provenant d’une autre société, qui adopte une autre culture, qui a des valeurs et des pratiques quotidiennes différentes, celui qui nous oblige à mettre en question les habituelles manières de voir le monde, de penser, d’agir… Par conséquent, cela exige de nous de redéfinir les frontières du monde des objets et des identifications qui fondent notre ‘’moi’’. C’est pourquoi il n’est plus celui qui suscite notre curiosité de le découvrir, mais celui qui suscite notre prudence et nos peurs… !
Partant de cette hétérogénéité et ce contact inter-culturel qui mettent en cause l’ancienne modalité de gestion du rapport similitude/différence, ce rapport n’est plus, donc, des ‘’données naturelles’’, ils sont devenus des ‘’constructions sociales’’ qui lancent ‘’le défi de l’Autre’’. Un phénomène qui nécessite de prendre en considération la question de la différence culturelle en traitant la problématique de l’Altérité, et cela afin d’éviter toute possibilité de discrimination sociale ou de nuisance à autrui. Cette discrimination, qui surgit à la surface de la vie sociale quand certains stéréotypes ou préjugés deviennent rigides et accompagnés des réactions comportementales (considérées comme conduites non objective) à l’égard d’Autrui. Celui-ci qui contribue, d’une façon directe et indirecte, à notre processus de construction identitaire. D’où il s’impose en tant qu’une référence identitaire, qu’elle soit semblant ou différente, source des soucis ou de la protection.
Pour que nous gardions l’objectivité, nous signalons que malgré la mauvaise réputation des stéréotypes (qui est parfois indiscutable), nous attirons l’attention qu’eux-mêmes en tant que mécanismes cognitifs ils ne sont pas négatifs. En effet, « c’est certains usages de la catégorisation, de la stéréotypie, et du pré-jugement qui s’avèrent nocifs dans la vie sociale » 323 . Ces usages qui essayent de consacrer l’aire de l’injustice sociale et la disqualification culturelle à l’égard toute différence culturelle.
C’est sur cette imbrication de l’injustice sociale et de la disqualification culturelle qu’il faut fonder le traitement de la différence culturelle, afin que l’expérience du contact des cultures associe le ‘’culturel’’ et le ‘’social’’ en proposant des mesures qui concernent simultanément la reconnaissance culturelle de tel ou tel groupe, et la lutte contre les inégalités sociales dont pâtissent ses membres.
Ainsi, nous venons de voir comment la connaissance d’autrui (spécialement en tant que référence identitaire) participe à cette pratique ’’connais-toi toi-même’’, disait le fronton du Temple de Delphes. Pour nous, connaître une personne ce n’est pas la regarder de l’extérieur et là démontrer comme on le ferait pour une marchandise. Connaître autrui c’est vivre avec lui en respect mutuel, parcourir avec lui un bout de chemin sur la route de l’existence en commun, dans le dialogue et la communauté d’action. L’objectivité de la connaissance d’autrui, ce n’est pas l’extériorité de l’objet de connaissance, c’est la communauté de l’interconnaissance…
Concernant la problématique de l’identité, nous sommes devant une notion ambiguë qui refuse d’être prisonnière du caractère unidimensionnel. En fait, l’identité récolte une richesse sémantique et terminologique qui rend son champ épistémologique soigné par un paradigme varié. Grâce à la fortune de ce dernier nous avons plusieurs approches en abordant la question identitaire : qu’elle soit Wallonienne, psychosociale, anthropologique ou cognitive…etc., l’identité reste ce thème rebelle insoumis à un langage commun ce qui explique que sa définition varie selon les chercheurs et leurs perspectives.
D’abord, l’identité est considérée comme un synonyme du terme ‘’le Soi’’ (entité purement individuelle et cognitive). Puis comme entité sociale : des processus dynamiques de la relation à autrui. Elle est aussi une structure dynamique des croyances, des aptitudes, et des représentations sociales ; et elle se réalise par la catégorisation sociale pour une valorisation positive.
Ainsi, le fait identitaire se construit en tenant compte, non seulement, de la société mais de sa culture, d’où l’importance du facteur culturel dans l’étude de la question d’identité et de la dynamique identitaire. C’est pourquoi nous avons proposé l’approche interculturelle comme ouverture et maillon complémentaire à celle psychosociale. L’approche interculturelle adoptant la perspective que l’identité est consubstantielle du rapport à l’Autre et de l’environnement, spécialement celui socioculturel.
D’après cette approche, interculturelle, nous ne sommes jamais des êtres isolés, notre rapport à autrui est la source de notre élaboration identitaire fortement liée à la religion, moyen de la reproduction identitaire et de sa continuité dans un temps où la Mondialisation représente une ‘’nouvelle religion’’ qui envahit le globe terrestre. De quoi s’agit-il ?
Que se soit un fait qui représente l’inauguration de période nouvelle, ou un prolongement des tendances anciennes, la mondialisation est un fait omniprésent dans les sociétés actuelles qui change le visage selon le domaine pour s’adapter avec.
Dans l’économie c’est la globalisation financière, l’émergence des firmes multinationales globales intégrant les activités financières, commerciales et industrielles (les télécommunications, l’informatique, l’audiovisuel…), et l’intensification du commerce mondial en renforçant l’interdépendance des économies nationales. D’ailleurs, dans la société s’exprime culturellement par la convergence des modes de vie et la tendance à créer une culture universelle planétaire à travers des marques emblématiques : Coca-cola, Disney…
Dans la géographie c’est l’articulation accrue des territoires locaux à l’économie mondiale et la constitution d’une ‘’économie d’archipel’’ : « archipel mégalopolitain mondial organisé autour des mégalopoles nord-américaines, européennes et Sud –Est asiatiques » 324 .
Dans les relations internationales c’est la fin de la bipolarité et l’accentuation des phénomènes de transnationalité (acteurs organisés en réseaux) et d’interdépendance.
Dans le domaine des communications et des techniques, c’est la fusion d’innovations et de technologies émanant de nombreux territoires, en un même savoir, c’est la mise en place de ‘’macro-systèmes techniques’’ dans les transports, la production, la communication (câble, satellites) qui rend le monde ’’ village global’’.
En effet, la mondialisation ressemble à un vent qui fait bouger tous les corps sociaux. Tout est mobile et temporaire, tout devient un variable incontournable et a un rôle relatif et à cours terme même l’Etat-nation.
Ainsi, la mondialisation est « un fait omniprésent mais ancien dont l’intensification au cours de ce siècle a modifié la nature » 325 . Ses multiples logiques s’accompagnent aussi bien d’une érosion de diversité à l’échelle mondiale que d’une différenciation accrue au sein d’un même territoire.
Elle a influencé par des événements mondiaux qui représentent des étapes de son parcours du développement : la création de l’ONU à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, qui a posé les conditions d’un ordre international, sur la base du respect des nations, des cultures, des religions, en vue d’organiser pacifiquement et démocratiquement, la Communauté internationale. C’est l’étape de la mondialisation politique.
Le deuxième est la révolution économique avec les Trente Glorieuses qui concerne l’économie avec l’ouverture des frontières, partant d’une optique d’étendre au monde entier l’économie du marché et le modèle du libre-échange. C’est l’étape de la mondialisation économique.
La troisième mondialisation n’est pas seulement politique ou économique mais culturelle. Elle concerne la cohabitation culturelle au plan mondial.
Avec cette nouvelle situation, la structure conceptuelle a subit des changements notionnels. La culture et l’identité n’ont plus les mêmes significations. « Le culturel n’est plus un secteur à part mais une part de tout secteur d’activité humaine […] la culture n’est pas un secteur parmi d’autre mais concerne tous les secteurs […] elle est une dynamique d’ensemble qui conjugue passé, présent et futur » 326 . De même pour l’identité, elle n’est plus une appartenance ‘’héritée’’ à une culture figée ou attachement à une catégorie sociale donnée, immuable ; elle est « un processus d’appropriation de ressources et de construction des repères, un apprentissage expérientiel […] elle se construit durant toute la vie » 327 . D’après cette situation de changement notionnel identité et culture sont deux notions qui s’enchevêtrent fortement, ils sont presque inséparables.
Par conséquence, et face à la mondialisation, toutes les identités et les mouvements de revendications identitaires, qu’ils soient graves comme les mouvements islamistes, ou simples comme les crispations populistes…dans tous les cas, nous sommes face à des mouvements fondés sur l’idée d’une identité culturelle-refuge. Ils n’illustrent pas l’échec de la problématique de l’identité : au contraire ils l’appellent. Non seulement l’identité renvoie à la culture, mais elle renvoie aussi à la nécessité de gérer identité et pluralisme culturel au sein des relations internationales.
Ajoutons l’apparition de nouvelles sortes d’identités actives qui ne se reposent pas sur des fondements nationaux telles que la culture des ancêtres, l’histoire et la langue commune. C’est le cas des associations humaines. Elles ont une identité, citons par exemple l’association ‘’green peace’’ et son rôle qui influence la politique des Etats-nations en attirant l’opinion mondiale sur le danger qui nous entoure et nous menace. Ce genre de l’identité existe grâce au développement des moyens de communication et à la mondialisation des informations. Signalons aussi l’apparition vive de nouveaux cadres identitaires pour affronter les vagues de l’Altérité qui accompagne la mondialisation, tels que, la région et la nation.
Donc, la mondialisation d’informations, des moyens de communication, et, la question de l’identité, de la connaissance d’Altérité et la coexistence culturelle avec elle, sont des questions, à certaines mesures, dépendantes et complémentaires.
Il semble vain de penser le monde contemporain sans prendre en considération l’articulation des rapports entre culture, communication, société et politique, car la communication devient un acteur central de la politique du XXI° siècle. Il est nécessaire de faire comprendre la nécessité d’une réflexion théorique sur le rôle de la communication, particulièrement interculturelle, dans nos sociétés.
Ibid., L’identité culturelle, P : 204.
Ibid., Les espaces de la mondialisation, PP : 10-13.
Bou Taleb, A., (1997), La nécessaire complémentarité entre la mondialisation et l’identité, in Mondialisation et identité, Rabat, L’Académie du Royaume Marocaine, P : 120. (En arabe).
Ibid., Complexité des cultures et de l’interculturel, PP : 11-12.
Ibid., La crise des identités, P : 200.