Le melting-pot (le creuset) est d’abord, une pièce de théâtre de l’écrivain juif anglais Israël Zangwill, présentée aux Etats-Unis en 1908. L’immense succès de cette pièce est fondé sur la narration de l’histoire américaine qui ne cesse de mettre en relief les avantages et les mérites de l’hybridité et du mélange de différentes races et ethnies.
Alors, toutes les races, fusionnées dans le creuset américain, donneraient ensemble naissance à une race supérieure, à un nouveau type d’homme, c’est-à-dire l’immigré qui a réussi à réaliser l’assimilation parfaite : ‘’le véritable américain’’. Mais la question qui se pose, qui est ce véritable américain ?
En fait, la notion du véritable américain est multidimensionnelle, c’est pourquoi le ‘’Bon américain’’ aussi bien que ‘’l’immigrant idéal’’ font les facettes du même cube qui est ‘’ le véritable américain’’.
Benjamin Franklin, dans son livre : ‘’ Information to Those Who Would Remove to America ‘’, propose une définition instrumentale en déterminant le critère essentiel de l’immigration réussie. L’américain, écrivait-il : « ne posera jamais à un étranger la question : Qui êtes-vous, mais bien plutôt que faites-vous ? S’il a un métier utile… » 329 .
L’homme qui mérite le titre ‘’Citoyen ‘’ est la deuxième facette du ‘’Bon américain’’ ou bien encore son corollaire.
Selon cette dimension, le citoyen est celui qui a de nouvelles mœurs, un nouveau travail et une nouvelle société et de nouvelles obligations, bref il est un ‘’converti’’.
Ainsi, l’américain est un homme qui a choisi librement sa nouvelle patrie, il doit oublier ses racines, sa notion d’origine et il doit participer au travail qui reste au cœur de sa conversion car l’Amérique est ‘’le pays du travail ‘’.
‘’ L’immigrant idéal ’’ est la troisième facette. Ce concept était courant la première moitié du XIX ème Siècle.
Selon cette perspective, l’étranger se convertit à la nation en oubliant son origine ethnique et sa religion ; le véritable américain, c’est l’immigrant qui n’a aucun lien avec Rome pour se convertir au républicanisme anglo-protestant.
A la même époque, l’historien américain George Bancroft propose, en 1834, un modèle qui exprime l’idée de creuset, mais la métaphore du creuset n’est pas encore crée ni utilisée.
D’après Bancroft, l’Amérique est le pays de la religion universelle, la république de l’humanité où se retrouvent les hommes de tous les pays. L’Amérique est le lieu de tout mélange possible, sa ‘’ race’’ est l’humanité.
En 1845, la première référence explicite au creuset (melting-pot) dans laquelle il essaye d’illustrer les progrès de l’histoire humaine et dénoncer la xénophobie. Comment pourrait-on définir le melting-pot ?
Le melting-pot est « un creuset utilisé pour extraire un métal de son minerai, ou pour procéder à son affinage. Son synonyme, le Melting-pot, est aussi un pot, un chaudron à fusion utilisé pour fondre des métaux ou créer des alliages » 330 .
Penser le melting-pot, c’est donc, une chaudière qui fond ou refond les idées ou les institutions afin de nier le fait de la race, et rendre l’Amérique une métisse gouvernée.
Ainsi, l’idée du melting-pot se concrétise par l’amalgame des acteurs sociaux de toutes les ethnies, fusionnant en un bloc national. Leur dynamique sociale et particulière rend ce mélange explosif, ce que « les américains, dès 1990, appellent le multiculturalisme » 331 . Alors, ce multiculturel, qui est son fondateur, et à quelle époque l’usage de cette notion remonte-t il ?
Le multiculturel est un terme ayant une dimension quantitative. C’est « une société qui recèle, en son sein, plusieurs cultures, ou peut-être même de multiples cultures » 332 .
Le fondateur de ce concept est Horace Kallen. Il a proposé une nouvelle notion (1915) : « une symphonie musicale » rejetant ainsi tous les arguments des américanisateurs qui défendent la notion du melting-pot.
Il considère que la nature humaine est inaltérable, « les hommes peuvent d’une certaine façon, changer d’habits, de politique, de femme, de religion, [ou] de philosophie, ils ne peuvent pas changer de grands-pères » 333 .
Par cette théorie, Kallen s’oppose ainsi à la théorie de Zangwill et par suite celle du melting-pot.
Ce mot d’origine anglaise est un emploi relativement récent puisqu’il remonte à 1941.
Il représente un nouveau phénomène à l’époque, considéré comme un objet de fiction, décrit par le romancier Edward Hasskel en imaginant une société cosmopolite, pluriraciale multilingue.
A partir de 1959, ce multiculturel considéré comme objet de fiction n’est plus un phénomène imaginaire, mais une notion qui décrit bien la réalité quotidienne de grandes métropoles cosmopolites du Canada. Ajoutons que le sens de cette notion a été évoqué dans la presse anglo-canadienne des années 1960-1970. C’était l’époque de l’apparition du mot multiculturel aux Etats-Unis lié au mouvement des droits civiques des années 1960 et plusieurs évènements relativement importants tels que « ‘’le mouvement féministe’’ mettait l’accent sur… le droit à la différence…‘’la fragmentation sociale ‘’de l’Amérique des années 1960, aggravée par la révolte des étudiants contre la guerre du Viêt-Nam et les émeutes urbaines des ghettos noirs, est à la source des passions multiculturelles des années 1980-1990 et des premiers emplois du mot » 334 .
De plus il y a la crise de l’enseignement qui a joué un rôle principal pour encourager les attitudes favorisantes du multiculturalisme. En orientant le débat vers une nouvelle direction qui apprécie la diversité des méthodes et des matières d’enseignements, il a rendu le cours plus vivant et touché la vie sociale des minorités et des nouveaux immigrés.
Pour conclure, on peut dire qu’il n’y aurait pas une identité nationale clairement définie, ni véritablement d’« Américain ». C’est une nouvelle expérience de la diversité que le Président de Harvard, Neil Rudenster explique bien en disant : « Nous sommes un melting-pot, mais aussi une nation d’individus libres, égaux et uniques ; une mosaïque de cultures et de groupes différents ; un assemblage de cinquante Etats ; une nation Une et indivisible; une coalition arc-en-ciel, une foule solitaire; un agrégat, enfin des communautés ethniques ou raciales qui forment des clans » 335 .
De ce multiculturalisme est né l’interculturel, concept qui refuse la pensée unique et le discours unanime.
Cette notion, est marquée par la tolérance et son caractère hétérogène depuis le début de son développement et tout au long de son parcours historique que nous aborderons ci-dessous.
Lacorne, D., (1997), La crise de l’identité américaine : Du melting-pot au multiculturalisme, Paris, Fayard, P : 194.
Ibid., La crise de l’identité américaine, P : 198.
Ibid., La crise de l’identité américaine, P : 19.
Ibid., Complexité des cultures et de l’interculturel, P : 26.
Ibid., La crise de l’identité américaine, P : 273.
Ibid., La crise de l’identité américaine, P : 21.
Ibid., La crise de l’identité américaine, P : 22.