Afin de développer une approche concrète de la culture, l’anthropologie américaine, vers les années 1930 s’orienta vers une nouvelle destination : l’Ecole, ‘’ culture et personnalité ‘’.
Soucieuse d’intégrer les acquis de la psychologie scientifique et de la psychanalyse, l’école ‘’ culture et personnalité ‘’ cherche à interpréter les influences de la culture sur le modelage des acteurs sociaux.
L’hypothèse qui anime les recherches de ce courant suppose un lien entre la culture et le type de personnalité. Ce lien a été considéré, au début, comme unilatéral, autrement dit, la perspective adoptée est celle du déterminisme culturel : la personnalité résulte d’un modelage culturel.
Par la suite, la perspective causale s’est orientée avec l’apport des chercheurs qui ont essayé de démontrer comment les acteurs sociaux réagissent dans leur milieu culturel et contribuent au développement de leur culture au cours de sa transmission d’une génération à une autre.
Ruth Benedict (1987-1948), comme par l’usage du concept « modèle culturel », a essayé d’identifier les « types » de cultures.
Pour elle, le modèle culturel est un aspect spécifique qui se concrétise par un style de vie spécifique, et il serait identifiable au sein de toute configuration culturelle.
Tous les éléments de la culture s’harmonisent et s’organisent logiquement, c’est pourquoi la culture est cohérente. Cette dernière poursuivrait des buts choisis parmi l’ensemble des possibilités dont ils disposent, ce que l’auteur appelle un « arc culturel ». Quel est donc cet arc culturel ?
Pour Benedict, l’arc culturel est la gamme théorique qui renferme l’ensemble de tous les choix et les possibilités culturelles dans tous les domaines.
La culture se forme en tant qu’un tout, en prenant quelques parties à cet arc et la variété des combinaisons ainsi faits expliquent la différenciation entre les cultures que Benedict considère comme discontinues.
Etablir les cultures ne signifie pas inventer des traits possibles mais essayer de comprendre est d’explorer leur mode d’orientation global, autrement dit, leur « pattern »- qui est relativement cohérent de pensée et d’action- qui sous-tend le « schéma » inconscient qui est à l’origine de l’action des individus qui les véhiculent, d’après ce que nous conseille Benedict.
En utilisant les outils d’analyse offerts par la psychologie scientifique, Margaret Mead (1901-1978) cherchait, vers 1930, à relier certaines caractéristiques psychologiques des acteurs sociaux aux contextes culturels particuliers dans lesquels ils évoluent.
Intéressée aux processus de transmission culturelle et à la socialisation de la personnalité, Mead refuse l’hypothèse de l’universalité de la crise d’adolescence d’après son ouvrage « Comming of age in Samoa » 363 . Elle y décrit une étude comparative concernant le vécu de l’enfance et de l’adolescence, basée sur l’observation participante de ce qui se passait à -Manus- et aux Etats-Unis, puis principalement en Nouvelle-Guinée entre 1931-1935, terrain nouvellement découvert.
L’auteur propose de rallier la perspective des ethnologues (qui considèrent que l’apprentissage est implicite et automatique) à celle des psychanalystes (qui insistent sur les conséquences des événements dramatiques et isolés de l’existence humaine).
Nous prenons l’exemple du servage, de l’emmaillotage excessivement serré suivi d’une brusque libération du corps du nourrisson…Cette succession d’épisodes contrastés mérite d’être un point de départ pour expliquer la genèse de la personnalité. C’est pourquoi Mead a essayé de joindre la perspective historique et individuelle des psychanalystes d’un côté, et celle peu analytique des ethnologues, d’un autre côté.
Quant au processus de socialisation, selon Mead, il se réalise au moyen des séries d’apprentissages qui ne prennent leurs significations, en provoquant leurs effets, qu’en liaison avec leur contexte culturel, autrement dit, qu’en les restituant dans les cultures qui les font surgir.
Après avoir réalisé plusieurs recherches dans des sociétés différentes, Mead a essayé de révéler les liens entre le mode d’éducation, le mode culturel et la structure de la personnalité. Elle attribue à la socialisation précoce des enfants le pouvoir de forger une personnalité conforme à un certain modèle culturel, particulier à chaque société puisqu’elle « conclut que la nature humaine est éminemment malléable, obéit aux impulsions qui lui donne le corps social. Si deux individus appartenant chacun à une civilisation différentes ne sont pas semblables, c’est avant tout parce qu’ils ont été conditionnés de façon différentes, particulièrement au cours de leurs premières années : or, c’est la société qui décide de la nature de ce conditionnement …» 364 .
Ainsi, l’apport considérable de Mead consiste à montrer :
L’importance de connaître les cultures humaines partant de l’intérieur de chaque société qui les renferme : le chercheur doit partager la vie quotidienne des membres des populations étudiées afin de bien comprendre l’essence et par suite la logique de la culture.
L’intérêt scientifique de l’observation participante en tant qu’un outil qui empêche les risques de l’ethnocentrisme à cause de l’insuffisance de la simple observation directe.
Il est impossible d’étudier la personnalité séparément du facteur culturel, la personnalité et la culture font deux entités inséparables.
En essayant d’analyser la personnalité et les comportements des acteurs sociaux aux îles de Marquises, Ralf Linton a proposé la notion de ‘’ la personnalité de base ‘’. Intéressé à l’influence du facteur culturel sur la personnalité, Linton a remarqué comment la société essaye de renforcer positivement les conduites qu’elles préfèrent au détriment d’autres, en les référant aux diverses circonstances de la vie quotidienne.
Ces types de comportements privilégiés ne restent pas dispersés, ils forment une structure en se reliant à plusieurs positions réelles et matérielles dans le système social.
L’auteur estime qu’il est important de prendre en considération le statut et le rôle des individus en étudiant sa « personnalité de base ». Il croit que « la place q’un individu occupe dans un système particulier, à un moment donné, sera appelée son statut par rapport à ce système, alors que le terme rôle désigne l’ensemble des modèles culturels associés à un statut particulier » 365 . Ces modèles culturels renferment le système des valeurs, les attitudes aussi bien que le comportement que la société attribue à n’importe quel acteur social occupant ce statut.
Linton considère que le rôle est l’aspect dynamique du statut, et le représentant d’une conduite que l’individu manifeste, il est ce qu’il faut faire afin de confirmer ses droits à son statut.
En généralisant ses convictions, Linton croit qu’il existe dans chaque société des institutions éducatives, son rôle consiste à transmettre par l’intermédiaire de plusieurs voies les moyens et les outils nécessaires pour établir ce qu’il nomme ‘’ les fondements culturels de la personnalité ‘’.
Kardiner (1891-1981) s’est intéressé à la manière d’acquisition de la ‘’ personnalité de base ‘’. Il croit que la culture doit être examinée d’une perspective objective aussi bien que subjective. Elle constitue une totalité concrète. Pour mieux comprendre chaque élément culturel, il faut faire recours à l’ensemble qui lui donne son sens et sa signification. La culture n’existe qu’à travers les individus qui la font vivre.
En opposition au courant culturaliste nord-américain, Lévi-Strauss s’est intéressé aux invariants de la culture, autrement dit au « capital commun » de toute l’humanité, fruit de toutes les particularités culturelles distinctives. Ces ressources communes et partagées par toute l’humanité seraient des classes des objets de nature inconscientes structurantes de la pensée humaine et la source de son unité.
S’inspirant de l’analyse structurale en linguistique, le structuralisme de Lévi-Strauss essaye d’établir l’universalisme culturel qui sous-entend l’apparente diversité.
L’auteur considère que les relations entre le langage et la culture font un tissu très complexe parce que le langage n’est pas seulement un produit et une partie composante de la culture mais une condition de celle-ci. C’est par l’intermédiaire du langage que se transmet la culture d’une génération à une autre, voilà pourquoi la structure de la culture et du langage se ressemblent.
Mead, M., (1954), Comming of age in Samoa : a psychological study of primitive youth for western civilisation, foreword by Boas,F., Newyork, The new American library.
Ibid., L’identité culturelle, P : 36.
Ibid., L’identité culturelle, P : 39.