Depuis quelques années, les recherches qui étudient la notion de la culture en adoptant une perspective rigide et statique -tel que la courant culturaliste- sont remplacées par celles qui adoptent une perspective dynamique.
Par conséquence, la culture n’est plus étudiée en tant qu’un phénomène social indépendant des individus qui la porte. Ainsi, le rôle de l’individu n’a plus un simple rôle passif, mais un rôle productif puisqu’il participe à modifier et développer sa culture. Donc, une nouvelle perspective s’impose : le relativisme culturel, qu’en est-il ?
Résultant du fait de l’immigration et de la mondialisation, le brassage socioculturel représente un phénomène social massif qui s’impose actuellement. Suite à cette situation, un nouvel horizon a vu le jour : l’horizon du « contacts de cultures ».
Selon cet horizon, le traitement de la différence culturelle entre les groupes humains aussi bien que les sociétés « ne peut se faire qu’à partir d’une attitude de relativisme culturel. Le grand anthropologue Claude Lévi-Strauss l’a exprimé ainsi :
« Le relativisme culturel se contente d’affirmer qu’une culture ne dispose d’aucun critère absolu l’autorisant à appliquer cette distinction aux productions d’une autre culture. En revanche, chaque culture le peut et le doit s’agissant d’elle-même car ses membres sont à la fois des observateurs et des agents ».366
Alors, l’utilisation d’une conception homogène de la culture n’est plus explicative et le relativisme culturel implique une désacralisation de la culture. Cette dernière est le fruit des changements et des interactions sociales émergeant de l’idée qu’il n’existe plus de culture « pure »et d’autres métissées. C’est pourquoi « les anthropologues nous ont, depuis la fin du siècle dernier, habitués peu à peu à mettre le mot culture en pluriel » 367 .
Dans cette perspective, nous sommes en présence d’une prise de conscience de la différence culturelle, et de l’instabilité de chaque culture tout au long de son parcours historique parce que « la civilisation se construit à la fois du dedans et du dehors(…) et la culture …se construit donc aussi (…) du dehors (…). Ainsi, la différence est au cœur de la formation de la culture» 368 .
Donc, la notion de la culture commence à être détachée de la croyance en l’unicité des cultures. Elle est de plus en plus visée contre la pensée unique en se développant au sein d’un horizon ouvert et dynamique qui débouche à la reconnaissance et le respect de la différence culturelle.
Adopter un tel point de vue, c’est chercher à comprendre l’acteur social en le restituant dans le cadre qui l’entoure. Il s’agit de rendre compte du facteur culturel et ses conditions socio-historiques en situation de la rencontre des cultures. Pour mieux saisir cette situation, il faut dépasser le point de vue de l’acculturation (qui analyse le contact des cultures sous forme d’une relation entre dominant et dominé obligé à la conformité aux conditions du dominant) pour arriver à reconnaître les participations propres à l’agencement de nouvelles réalités socioculturelles et psychosociales englobant les populations en présence. « A ce propos, la notion cultures de contact avance que toute situation de contact entre porteurs de cultures distinctes est potentiellement génératrice d’une nouvelle culture : celle de ce contact même. Au delà du taux démographique atteint par les minorités, c’est la valeur inhérente à chaque culture, en tant que production humaine originelle, qui doit être considérée » 369 .
C’est alors que toutes les productions culturelles sont plurielles et résultantes d’un apport collectif. Par conséquence, la culture est envisagée comme un processus en construction permanent, elle est intrinsèque à la dynamique relationnelle des individus engagés dans des situations qui se transforment. Elle est inséparable du contact interculturel et de l’hétérogénéité culturelle.
Nous attirons votre attention que le contact interculturel met en question l’ancien concept de l’homogénéité culturelle et « l’ancienne modalité de gestion du rapport similitude différence, il ébranle à la fois les limites entre le moi et le non-moi et les attributions qui accompagne les opérations de catégorisation sociale » 370 .
Ainsi, cette notion de contact interculturel permet d’aliéner les jugements des valeurs, du point de vue hiérarchisant, et toute approche évolutionniste ou ethnocentrique. Elle nous invite à comprendre et juger les productions culturelles en partant de sa propre logique au lieu de les juger de l’extérieur.
D’après ce nouvel horizon, « les psychologues comprennent qu’il est impossible d’étudier sérieusement les comportements sans tenir compte des données contextuelles » 371 , d’où la « nouvelle perspective qui s’impose aujourd’hui : la psychologie et l’anthropologie doivent s’allier, pour permettre une meilleur saisie des phénomènes humains dans leurs globalité » 372 .
Un environnement complémentaire et une conception interactive, entre psychisme et culture se sont donc développés. Un horizon de l’entre-deux domaines (psychologie et anthropologie) existe en tissant des liens dynamiques entre ces deux entités (psychisme et culture) qui se construisent et se fécondent mutuellement en étaiements réciproques dans un mouvement de va-et-vient continu et constant. « Se préoccuper simultanément de la culture et du comportement suppose l’adoption d’un point de vue que les psychologues disent interculturel ; les anthropologues parlent alors d’anthropologie psychologique » 373 .
En parlant de ce nouvel horizon, nous soulignons l’intervention du relativisme culturel et l’extrême prudence qu’il exige en interprétant les comportements humains aussi bien que les productions culturelles. Cette relativisme ressemble à un plaidoyer en faveur « d’une éducation respectueuse du pluralisme […] une éducation interculturelle qui ne doit pas avoir pour cible uniquement les personnes qui appartiennent à des groupes minoritaires, mais l’ensemble des citoyens d’une société » 374 . Soulignons aussi, que cet relativisme ne doit pas rester sous sa forme ‘’vulgaire’’ repose sur l’idée générale qu’il n’est pas légitime ni possible de porter des jugement de valeurs sur des conceptions et sur des pratiques et des normes qui émanent d’un système culturel différent à partir de celles qui émanent du système culturel dont on fait soi-même partie. Dans ce sens, le relativisme ne doit pas privilégier une tendance idéologique particulière, partant de l’influence de sa propre culture, en interprétant un fait culturel étranger. Alors, nous signalons la pertinence d’un relativisme critique qui « vise précisément à neutraliser le plus possible cette influence dans l’interprétation des cultures étrangères. Voilà qui suppose un effort constant pour saisir les ressorts cachés de sa propre culture, si bien qu’il est juste de dire que l’apprentissage de la compréhension interculturelle exige que l’on attache tout autant d’importance à l’exploration de sa propre culture qu’à celle des cultures étrangères » 375 .
D’ailleurs, le relativisme culturel ne postule pas l’unité ou la stabilité culturelle, il prétend la coexistence de la diversité, là où se situe un nouveau critère d’évaluation des matières culturelles qui reste toujours soumises à la possibilité d’un jugement à partir d’une instance qui les dépasse. Il s’agit d’accepter la coexistence des valeurs culturelles différentes et « d’admettre que toute situation de contact entre porteurs de cultures différentes porte en elle les possibilités créative d’une nouvelle culture qui est celle de ce contact même » 376 .
Surgit alors la notion «culture de contact » démontrant la nécessité de la psychologie interculturelle -fruit de ce contact des cultures - qui a vu le jour grâce à quelques recherches considérées des apports fondamentaux puisqu’elles abordent la problématique de l’interculturelle en adoptant une orientation pluridimensionnelle.
Strauss, C-L., et al., (1996), De près de loin, Paris, Jacob, P : 229.
Verbunt, G., et al., (1985), Actes du colloque : Diversité culturelle, société industrielle, Etat national, Paris, L’Harmattan, P : 260.
Kaës, R., (1998), Différence culturelle et souffrance de l’identité, Paris, DUNOD, P : 1.
Ibid., L’identité culturelle, P : 15.
Ibid., L’identité culturelle, P : 60.
Ibid., L’identité culturelle, P : 101.
Ibid., Culture et comportement, P : 5.
Ibid., Psychologie et culture, P : 101.
Ouellet, F., (2000), Relativisme, tolérance religieuse et compréhension interculturelle in Essai sur le relativisme et la tolérance, Canada, Les Presses De L’Université Laval, P : 25.
Ibid., Relativisme, tolérance religieuse et compréhension interculturelle, P : 35.
Labat, C., Vermès, G., (1994), Cultures ouvertes sociétés interculturelles : Du contact à l’interaction, Paris, L’Harmattan, P : 32.