III.1- La dimension éducative 

La psychologie interculturelle à l’école, un nouveau besoin surgit dans les sociétés pluriculturelles, confrontés par des flux d’immigrations. C’est sur un constat de carence qu’il nous faut aborder la question de l’interculturelle à l’école, question liée à l’intégration dans les sociétés européennes, particulièrement en France là où s’est posée de façon aiguë au cours des dernières décennies.

Malgré quelques tentatives aient été effectuées, sous la pression de la présence d’enfants étrangères dans les classes accompagnée par des nobles intentions d’une école encourageant la compréhension de l’Autre ‘’différent ‘’, défendant contre le racisme…la situation effective n’as pas dépassé le stade de proclamation théorique et verbale qui ponctuent occasionnellement les cours de morale et d’instruction civique, en exception les journées nationales sur la lutte contre le racisme. 

La présence des étudiants étrangers à l’école est souvent considérée en tant qu’handicap, difficulté à résoudre, au lieu de se considérer comme source de richesse, comme une chance que l’école se doit en profiter : une nouvelle perspective que la psychologie interculturelle s’en occupe.

Alors, la question de l’interculturel s’est imposée comme problème à l’école en période que l’Education nationale, au niveau de ses orientations et celui de son idéologie, n’était pas prête à aborder les perspectives ouvertes, et adopter cette nouvelle optique résultante de la diversité culturelle. «C’est à la fin des années 70 que ce phénomène apparaît avec force et s’amorce une réflexion sur les réponses que l’école peut y apporter » 377 .

Les raisons essentielles qui rendent la question de la différence culturelle à l’école s’imposent d’une façon flagrante, sont :

-L’immigration massive vers la France dans les années 1970, spécialement l’immigration Maghrébine.

-La crise économique.

Concernant l’immigration, il est important d’attirer l’attention que la majorité des immigrés maghrébins sont musulmans, ayant vécu dans une société traditionnelle guidée par la religion, appartiennent à un système de valeurs très différent que celui de la société française de nature laïque. Situation rend les jeunes de l’école confrontés à la définition de leur identité aussi bien qu’à leur insertion sociale. Ils se sentent tiraillés entre deux cultures, deux systèmes de valeurs souvent antagonistes, ils n’arrivent pas à participer vraiment ni à l’une, ni à l’autre.

A propos du contexte économique, on remarque que dans la période plein emploi, les entreprises ont joué un rôle majeur dans l’intégration des immigrés. Mais avec le développement du chômage, les immigrés ce sont trouvés marginalisés pour des raisons multiples comme le problème de la langue, la préférence de choisir les autochtones pour éviter des procédures administratifs nécessaire pour régler la situation des travailleurs immigrés qu’exige le département de travail…ce qui pousse les entreprises, étant machines à l’intégration, à stopper cette intégration. Par conséquence, l’école devient la seule entreprise qui porte cette charge très lourde qui est l’intégration.

Alors, l’école devient la dépositaire de cette mission d’intégration, confrontée à une tâche difficile à cause de la situation paradoxale : comment faire croire aux jeunes immigrés à la possibilité de leur intégration sociale, qu’elle leur propose, tandis que le réel effectif est totalement différent, dont le risque pour une grande majorité d’eux de se retrouver au chômage et exclus.

Donc, les jeunes se trouvent hésitants à l’égard du message à double face qu’ils ont reçu : d’un côté, l'encouragement à l’intégration, de l’autre l’enfermement dans le ghetto des banlieues puisqu’il n’y a pas de places accessibles dans la société, ils tendent à se marginaliser et à glisser vers la délinquance et la violence.

L’école, toute seule, est incapable de résoudre le problème des jeunes souffrant de leur insertion sociale, et de la définition de leur identité culturelle morcelée entre deux cultures opposées puisque l’idéologie de l’école intégrative est en défaillance, n’est plus valable et mise à mal par la réalité socio-économique. C’est cette situation d’hétérogénéité culturelle qui a compliqué la tâche de l’école, et l’a obligé à apporter des solutions convenables en adoptant une pédagogie interculturelle. Autrement dit, c’est grâce à cette hétérogénéité, qu’une réflexion sur l’interculturalité à l’école a vue le jour.

En effet, les solutions proposées ne sont pas uniques. Elles répondent à plusieurs orientations selon les pays et leur étape de la réflexion interculturelle.

Au début, la pluralité culturelle à l’école était considérée comme un obstacle à éviter. De plus, la différence des étudiants immigrés, était une sorte d’handicap, et lorsqu’elle est prise en comte, elle ne dépasse pas les limites d’une pédagogie compensatoire : soutien linguistique, rattrapage, aides aux devoirs…Mais le fait d’accepter la différence en tant que richesse culturelle (par exemple être bilingue), puisque les jeunes immigrés se situent au carrefour de deux cultures différentes capables à participer à double culture, était ignoré et envisagé comme gêne à l’apprentissage scolaire. Alors, « L’altérité culturelle n’est donc considérée que négativement et comme quelque chose à gommer » 378 .

Prenant en compte les inconvénients de cette première réaction, certains pédagogues défendent l’idée de la reconnaissance culturelle de chaque groupe ethnique et celle du respect de la différence. Dorénavant, la différence culturelle sera la pierre angulaire sur laquelle doit s’appuyer l’école. Elle doit être le slogan qu’il faut respecter, qui nous guide en visant à réaliser la tolérance, la paix, et la lutte contre les préjugés et toute pensée unique qui ne prend pas la différence culturelle de l’Autre en considération.

L’école peut alors laisser une place aux cultures des familles immigrées et coopérer avec les associations qui défendent l’identité culturelle des ces familles jusqu’à favoriser l’enseignement de la langue d’origine. Mais, certaines objections ont vu le jour en opposition à cette pédagogie différentialiste de peur d’accentuer les différences et d'emprisonner les enfants d’immigrés dans une identité figée, sous le prétexte de la reconnaissance de leur altérité, alors, de les stigmatiser en tant que différents des autres. D’où la perspective qui met l’accent sur le concept de la « citoyenneté ».

D’après cette perspective, l’école doit être un lieu d’apprentissage de l’égalité de tous les étudiants quelles que soient leurs origines et leurs appartenances religieuses. Il s’agit d’une idéologie universaliste, fondée sur le respect des Droits de L’Homme, en insistant sur les droits et devoirs du citoyen plus que sur les nationalités. Cette optique s’exprime par le rejet du multiculturalisme et la volonté intégrationniste. C’est celle qui domine en France.

Pour d’autres, à l’inverse, l’école doit reconnaître le multiculturalisme et l’égalité des valeurs de chaque culture. Elle doit adopter une ouverture des élèves sur la diversité des cultures, et même encourager les immigrés aux fonctions enseignantes. Bref, il lui faut accepter le relativisme culturel.

Avec la mondialisation et l’internationalisation des économies, de l’information, des échanges culturels, le terrain de l’enseignement doit être ouvert largement aux questions interculturelles. C’est pourquoi l’UNESCO depuis les fins des années (1960), et spécialement entre (1970-1980) a proposé des projets pour l’élucidation de la communication interculturelle au niveau de l’école en déterminant les lignes directrices aussi bien que les finalités.

Partant, donc, de ces finalités. En s’appuyant sur quelques études sur le terrain 379 , l’UNESCO a déterminé l’objectif primordial des activités interculturelles dans le cadre de l’éducation des enfants de travailleurs immigrés en France. Celui-ci doit dépasser la compréhension des cultures pour réaliser une meilleure adaptation des enfants étrangers dans le système scolaire français.

Dans une autre étude du projet interculturel à l’école 380 , l’UNESCO détermine le but des activités interculturelles à l’école de permettre aux enfants et aux adolescents de milieu socioculturel défavorisé d’assurer leur propre identité culturelle. Donc, le but, c’est faire reconnaître à l’école le droit à la différence, « c’est -à- dire décider une discrimination positive » 381 .

Quant à la recherche de l’I.R.F.E.D (Centre de recherche et d’étude pour la diffusion de français), on remarque que les termes de ’’moyens thérapeutiques’’ sont liés directement à la pédagogie interculturelle qui s’appuie sur les orientations d’une pédagogie curative visant à diminuer les traumatismes dont sont victimes les enfants immigrés.

Ainsi, les activités scolaires interculturelles sont considérées par certains éducateurs comme de simples supports d’opérations logiques et langagières, pareillement comme des facteurs favorisant le déblocage affectif et linguistique.

D’après l’UNESCO, ces élaborations d’objectifs restent insuffisantes, superficielles et n’aboutissent pas à une meilleure compréhension de l’Autre, car la manière d’aborder la problématique de la culture de l’Autre « est, inconsciemment ou non, encore imprégnée

D’ethnocentrisme » 382 .

Donc, il est nécessaire de faire certaines modifications au contenu des programmes scolaires, afin d’encourager les activités interculturelles et de ne pas les réduire soit au niveau linguistique, soit à l’histoire, au folklore, aux fêtes ou à l’artisanat…parce que cette optique rend la culture comme une masse (entité) composée de savoirs atomisés puisque les éléments culturels sont isolés. C’est pourquoi, l’UNESCO a déterminé les buts qui répondent bien aux objectifs de l’éducation interculturelle qui sont :

-Tenir compte dans l’éducation des données de la culture de pays d’origine et ceux de la culture de la société d’accueil, non pas comme des systèmes parallèles en interaction sauvage, mais comme un système de différence dont il convient d’analyser les conjonctions pour mieux les maîtriser et parvenir à s’en servir comme une source d’enrichissement.

-Les activités interculturelles à l’école doivent dépasser l’optique duelle en faisant des analyses plurielles intégrant plusieurs cultures.

-L’interculturel doit faire une partie inhérente d’un processus éducatif global. « Il ne s’agit pas de penser le problème de la compréhension entre les cultures en terme de complément mais en terme de prise conscience de la dimension interculturelle de tout enseignement, de toute éducation…l’approche interculturelle doit être insérée dans l’éducation au même titre que approches psychologique, sociologique, historique, mathématique » 383 .

-Essayer de comprendre l’Autre, ce qui l’identifie, ce qui le touche profondément, aussi bien que de le respecter en respectant ses fondements cognitifs, ses représentations, ses valeurs et ses attitudes cachées derrière ses comportements.

-Il est nécessaire que chaque pédagogue relativise en permanence son discours sur la culture et qu’il ne donne pas une conception mécaniste de celle-ci en mettant l’accent sur une collection d’objets, de pratiques, de rites… mais, au contraire, il faut que le travail éducatif dans une pédagogie interculturelle se faire au niveau de la structuration de ces éléments culturels. Pareillement, la notion de culture doit être relativisée par rapport à l’existence de sous-groupes qui produisent des subcultures à l’intérieure d’une société globale.

-Le rôle de l’enseignant n’est pas de s’approprier telle ou telle définition, ou de s’appuyer sur une seule science, il faut intégrer - dans la mesure de possible- les apports de diverses disciplines afin de construire des pratiques pédagogiques sur une base crédible.

-Adopter la perspective qui considère la culture en tant que notion au pluriel (cultures), en insistant sur l’optique dynamique qui considère que « les cultures croissent et changent. Elles éliminent certains éléments et elle en acquièrent d’autres au cours de leur histoire » 384 .

-Montrer la nécessité de placer l’action éducative dans un cadre plus large que le seul plan pédagogique qui est le cadre d’enrichissement culturel assurant par les activités interculturelles.

-Toute approche interculturelle doit s’effectuer dans un mouvement dialectique entre ‘’ nous ‘’ et ‘’ l’Autre ‘’. Afin que les activités éducatives interculturelles aboutissent à un véritable dialogue entre les cultures, leurs fondements théoriques doivent adopter des voies pluridisciplinaires.

-L’interculturel doit constituer à la fois une fin et un processus d’apprentissage. Il ne peut être conçu sur la base d’un enseignement de type unidisciplinaire.

-Réaliser une formation globale de l’enfant en développant tous ses capacités spécialement intellectuelles et morales. C’est un éveil qui signifie une promotion d’une pédagogie de développement, de la situation, de la responsabilité, de la communication et de la coopération. L’école doit permettre à l’enfant de mettre en évidence la dimension socioculturelle de l’environnement.

Le but n’est pas d’enseigner l’enfant une culture mais d’apprendre aux enfants à lire les cultures, la leur ou celle des autres. «Briser le cadre étroit de l’enseignement aux enfants immigrés, passer du stade expérimental à la généralisation, sortir de l’empirisme et de l’affectivité, c’est à ces conditions seulement que les activités interculturelles trouveront leur véritable dimension et s’intégreront dans une éducation pour la compréhension mutuelle des cultures » 385 .

De ces buts déterminés par l’UNESCO, on conclure que l’orientation interculturelle en éducation nous invite à mise en œuvre :

-une pédagogie basée sur le principe de prendre la diversité culturelle et l’Autre (différent) en considération.

-une pédagogie active et interactive impliquant un ancrage dans le réel et une ouverture sur l'entourage.

-une éducation qui prend en mission l’apprentissage de la décentration et amplifie le cadre d'une communication interculturelle.

- une pédagogie de projet qui encourage l’interdépendance des membres d’un groupe en adoptant une perspective de qui favorise la coopération pour atteindre un objectif commun.

- une méthodologie de la recherche-action, pour les plus élaborés qui visent l’édification d’une démarche, d’un côté, et la transformation d’une pratique, d’autre côté, en se basant sur un procédé d’action-intervention et sur un dispositif d’observation-recherche.

Vu sous l’angle de la psychologie interculturelle, le contact interculturel à l’école au sein des sociétés multiculturelles, il faut qu’il débouche à une idéologie pluraliste endossée sous une forme d’attitudes positives de plus de contacts avec les membres de l’exogroupe, accompagné par le respect de la différence culturelle afin d’aboutir à une compréhension mutuelle entre les cultures. Cette compréhension mutuelle des cultures se réalise par un double mouvement : « la reconnaissance de l’autre passe par un retour sur soi » 386 , et, inversement, « on ne peut connaître sa propre culture si l’on n’en connaît pas d’autres » 387 .

Et cela ne nous étonne pas puisque le terme ‘’ inter ‘’ renferme en lui-même ce qui est produit entre et avec l’Autre : le partenaire, qu’i soit le partenaire de l’action ou de la relation.

Notes
377.

Lipiansky, E.M., (1999), L’école confrontée à la diversité culturelle, in Guide de l’interculturel en formation, Paris, RETZ, P : 13.

378.

Ibid., L’école confrontée à la diversité culturelle, P : 14.

379.

UNESCO (1980), Introduction aux études interculturelles : Esquisse d’un projet pour l’élucidation et la promotion de la communication entre les cultures (1976-1980), UNESCO, P : 140.

380.

Cefisem-Cerfem (1975-1976), Langue et culture arabe à l’école de la rue Vitruve, Association française des arabisants, Marseille.

381.

Ibid., Introduction aux études interculturelles, P : 141.

382.

Ibid., Introduction aux études interculturelles, P : 142.

383.

Ibid., Introduction aux études interculturelles, PP : 144 -151.

384.

Linton, R., (1967), Le fondement culturel de la personnalité, Paris, DUNOD, P : 37.

385.

Ibid., Introduction aux études interculturelles, P : 155.

386.

Ibid., Introduction aux études interculturelles, P : 152.

387.

Ibid., Le fondement culturel de la personnalité, P : 11.