Ces dernières décennies, les sociétés urbaines des Etats européens ont subi des transformations structurales essentielles qui les rendent de plus en plus des sociétés multiculturelles, surtout dans les régions industrielles.
Ainsi, la multiculturalité, est le fruit de trois faits sociaux : la migration, l’européisation et l’internationalisation.
Cette multiculturalité, ainsi retracée, a des conséquences « sur tous les secteurs sociaux et donc pratiquement sur tous les terrains professionnels du travail social : sur les services sociaux publics, sur les institutions et les activités socioculturelles extra-scolaires ainsi que sur les activités d’instructions et d’associations privées du secteur social » 388 .
Etant corollaire du fait de l’immigration, les problèmes de l’exploitation de main-d’œuvre des immigrés et de leurs conditions de vie déplorable, la mission des travailleurs sociaux consiste à aider les immigrés à trouver un travail régulier, un habitat pour ceux qui sont mal logé spécialement pour les familles des bidonvilles. De plus, les travailleurs sociaux essayent de régulariser la situation de ceux qui ont un séjour illégal, c’est pourquoi il y a le risque de se heurter souvent avec les employeurs qui profitent de cette situation.
Alors, les travailleurs sociaux étaient des ‘’juristes expérimentés’’, des portes- paroles des communautés d’immigrés, autrement dit, ils représentaient des militants éclairés.
Peu à peu, les familles s’installent, des enfants naissent en France et y grandissent, le rôle des travailleurs sociaux sera d’aider les familles à trouver des places à leurs enfants dans les crèches et les maternelles, en valorisant tout ce qui concerne les droits des familles.
Les premières questions culturelles se posent, concernant les soins des petits enfants, les modes d’éducation aussi bien que les types de relations familiales. D’où l’exigence de la connaissance des autres cultures afin d’éviter des maladresses dans la communication ou de porter des jugements des valeurs négatifs, là où un peu de compréhension culturelle pourraient être de mise. Ce sont maintenant les ethnologues qui interviennent puisqu’il s’agit d’apprendre à connaître les autres dans leur vie quotidienne.
Les questions qui s’imposent ici : au nom du quoi faut-il pousser les immigrés à changer ? Quel intérêt à imposer des critères et valeurs dont l’autre ne comprend pas le sens ?
En effet, la question de l’interculturel ne se pose pas beaucoup chez les immigrés seuls en situation irrégulière, mais chez les familles dont les enfants risquent de devenir étrangers culturellement pour leurs parents, qui n’arrivent pas bien à s’intégrer dans la société d’accueil, ou qui ne savent pas si leur avenir est en Europe ou dans leur pays d’origine.
Ainsi, on peut constater que la préoccupation principale des travailleurs sociaux est l’intégration de tous ceux qui sont menacés d’exclusion, et la migration devient un facteur irréversible que doivent prendre en compte les Etats en déterminant les calculs de la politique sociale adoptée.
Actuellement, il y a une prise de conscience de la complexité des questions relatives à l’intégration. Cette complexité est traduite par :
La difficulté de trouver un équilibre entre le principe de respect des cultures et l’intégration dans la société d’accueil.
L’incapacité d’exercer une influence efficace sur l’Etat qui prend de plus en plus les traits d’une société d’immigration, c’est pourquoi « les sociologues, anthropologues, et psychologues répondent mieux à une demande qui porte davantage sur les possibilités et la nécessité de vivre avec des différences culturelles que sur la connaissance précise d’autres cultures » 389 .
Avec le développement de la Communauté Économique Européenne, devenue la Communauté Européenne puis l’Union Européenne, les Etats adhérents sont impliqués dans un processus croissant d’européisation, par conséquence les rêves d’établir une nation mono-ethnique ou mono-culturel ont disparu, pourtant que la politique sociale devient un élément important de la politique commune de l’Union européenne puisque sans cette dimension sociale, l’union politique et le marché intérieur européen sont non concevables et irréalisables.
Après la chute de l’Union Soviétique, le processus de l’internationalisation a réalisé un progrès très rapide dont l’objectif est paradoxal : d’un côté, dans le domaine économique et de la consommation, la tendance est presque toujours à l’uniformisation (par exemple Mac Donald’s, Coca Cola…) tandis que, d’un autre côté, dans le domaine du social, la tendance est plutôt dans la compétence de prendre en considération les différences culturelles.
Avec cette situation, la plupart des domaines sont touchés de l’internationalisation, que se soit directement, tels que l’économie, la science, l’écologie…, ou indirectement, par exemple la politique sociale.
Ainsi, les trois processus de transformation (immigration, européisation, internationalisation), ont entrelacé le secteur social dans un nœud de modifications interdépendantes, et touché les domaines de la culture, de la profession, de la formation, de la production et du marché. Cela fait de l’ouverture interculturelle, une nouvelle donnée sociale incontournable pour toutes les institutions concernées, et d’emblée de la psychologie interculturelle une exigence en abordant les questions concernant la culture, l’identité, les valeurs, la différence culturelle, l’intégration, et une demande pour les institutions publiques et privées du travail social et de la sociopédagogie en aspirant de plus en plus un personnel qualifié ayant des compétences interculturelles.
Cette demande existe aussi dans les associations de bienfaisance, les associations de la jeunesse, ou pour l’assistance des migrants, dans les services sociaux en général, dans les grandes entreprises industrielles. Ajoutons qu’il existe, spécialement, pour le domaine de l’intégration professionnelle des migrants, dans les institutions ayant des tâches internationales comme l’Union Européenne… également pour les secteurs de l’organisation et de la gestion des programmes internationaux, dans les institutions sociopédagogiques de formation continue pour la formation du personnel ayant des missions internationales, et dans des projets de travail communautaire dans les quartiers, pour des fonctions de direction, d’animation, et de conseil.
Filtzinger, O., (1999), Interculturalité européenne dans le travail social, in Guide de l’interculturel en formation, Paris, RETZ, P : 45.
Gilles, V., (1999), Le travail social et la santé, in guide de l’interculturel en formation, Paris, RETZ, P : 39.