La structure sociale signifie la manière dont les différents groupes sociaux composant la société libanaise sont arrangés entre eux. C’est une sorte d’organisation des différentes parties du système social libanais qui lui donne sa cohérence.
En fait, la structure sociale libanaise est communautaire. Elle est basée sur un système politique confessionnel « dont l’Etat reconnaît la diversité confessionnelle, et le droit des confessions de l’indépendance à l’égard de l’Etat en organisant ses affaires confessionnaux, à condition qu’il soit dans le cadre de la souveraineté de l’Etat » 488 . C’est une structure composée de Dix-sept communautés de nature socio-religieuse, autrement dit, elles sont des communautés confessionnelles. Qu’est ce que la communauté confessionnelle ?
La définition classique de la communauté confessionnelle faite par Tonnies montre qu’il y a un critère essentiel auquel se base cette définition, qui est : la vie commune et la dépendance des uns par rapport aux autres au sein de la même communauté. Si nous nous référons à cette définition, nous verrons que les communautés religieuses libanaises, et celles au Proche-Orient, en général, répondent à ce critère fondamental.
Partant d’une perspective socio-historique, en étudiant les confessions de Proche-Orient, Rodenson pense que la communauté confessionnelle libanaise représente « un type particulier des communautés religieuses (ou considéré presque religieuse) dans le Proche-Orient » 489 . Pour lui, le Liban représente un cas particulier par rapport aux pays arabes du Proche-Orient, parce que l’exercice du pouvoir politique n’est jamais consacré à une seule confession, comme dans pays arabes voisins, il est partagé entre les différentes confessions composantes de la société. « A cet égard, le Liban est un pays particulièrement intéressant puisque les deux religions y sont présentées sans que l’une domine clairement l’autre. Mais même à l’intérieur d’un petit pays comme le Liban il y des multiples formes d’islam et de christianisme » 490 .
Beydoun décrit la communauté confessionnelle comme «une formation sociale plurifonctionnelle qui polarise de nombreux aspects de l’existence de ceux qui en font partie » 491 . Etre adhérent à une confession, n’est pas donc, une question de choix personnel mais c’est une question imposée dès la naissance. L’individu est inséparable de son appartenance confessionnelle qui le définit et lui attribue des droits sociaux difficiles à transgresser.
Selon le Tribunal international de la justice, la confession est définie d’après un critère qui est «l’existence d’un groupe des individus vivent dans un pays ou dans une certaine région, se distingue par la race, ou la religion, ou la langue ou par des traditions particulières. Il est déterminé par un sentiment de solidarité afin de conserver ses traditions, protéger ses rites, et assurer l’enseignement aussi bien que l’éducation de ses enfants, selon les caractères de sa race aussi bien que la coopération et la solidarité réciproque » 492 .
Or, malgré ces définitions de la communauté confessionnelle qui renvoie à la particularité de chaque groupe confessionnel et à sa différence des autres groupes, nous considérons que le peuple libanais est unique et unifié, et d’emblée, la structure sociale est comme un corps social composé de plusieurs confessions, chacun est indispensable pour le bon fonctionnement et pour la survie.
Pareillement, nous considérons que la culture libanaise est unique ( puisque les libanais partagent des traits culturels identiques), mais composée de plusieurs ‘’sous-cultures’’ spéciale à chaque confession, sachant, que nous adoptons une perspective qui considère que la culture n’est pas seulement un patrimoine qui se réfère au passée, elle n’est pas non plus une simple entité symbolique figé, mais un vécu dynamique fondé sur une expérience quotidienne avec l’Autre et un système de valeurs transmissibles d’une génération à une autre. Elle est en gérance, en action permanente et sans cesse en changement, mais, elle change à partir de son patrimoine assumé et réinterprété et garde un profil qui lui est particulier. C’est à partir de cette optique qu’on parle de la diversité culturelle au Liban et de l’existence de plusieurs cultures.
En fait, nous nous situons dans la perspective anthropologique et interculturelle de la culturequi est assortie avec l’approche pluridisciplinaire adoptée et répond au besoin de situer le champ culturel à explorer. La première perspective anthropologique, considère la culture comme une dimension d’appartenance dans le sens ou elle constitue un cadre cognitif, affectif et normatif sur lequel l’identité individuelle et collective prend appui. Par ailleurs, la deuxième optique, d’après la proposition de Camilleri, définit la culture en tant que « l’ensemble plus ou moins lié des significations acquises les plus persistantes et les plus partagées que les membres d’un groupe, de par leur affiliation à ce groupe, sont amenés à distribuer de façon prévalente sur les stimulis provenant de leur environnement et d’eux-mêmes, induisant vis-à-vis de ces stimulis des attitudes, des représentations et des comportements communs valorisés, dont il tendent à assurer la reproduction par des voies non génétiques » 493 .
Ainsi, nous nous situons dans une perspective dynamique déterminant la culture. Elle est certes un ‘’produit social’’ dans le sens d’un artéfact, mais elle est une culture vécue, élaborée en permanence dans les pratiques, les comportements aussi bien que les aspirations. De ce fait, elle est un produit conçu non seulement par les transformations relatives au contexte d’interaction social et historique dans une même société et une même culture, mais aussi dans un contexte de ‘’contact des cultures’’. Cette culture envisagée comme un produit social, est marquée par une série des modèles, d’images-guide, des représentations codifiées auxquelles se réfèrent les individus dans leurs relations et leurs conduites, s’inscrit, pour nous, dans une dynamique socio-culturelle. En ce sens, la culture est un référent culturel, dynamique, mis en acte, vécu et modifiable selon le contexte. Elle constitue sur quoi se maintient l’identité dans l’affirmation d’une appartenance à un groupe et dans la distinction ou dans l’opposition à un autre groupe.
Donc, la culture n’est pas seulement un patrimoine qui se réfère au passé, elle est une entité dynamique dont le côté symbolique (système de valeurs fondamentales de la société transmissible d’une génération à une autre) et celui pratique (vécu quotidien) sont en interaction permanente voire enchevêtrés. Elle est en gestion, en action permanente et sans cesse en changement, mais elle change à partir de son patrimoine assumé et réinterprété afin de garder un profil qui lui est particulier. Cette particularité socio-culturelle qui donne aux sociétés multiculturelles, en général, et la société libanaise, en particulier, la beauté d’une mosaïque résultante d’une diversité des couleurs. Décrivons, donc, la mosaïque culturelle libanaise.
Fadel, J., (1992), Perspectives de Paix, Premier Congrès de L’Organisation Libanaise de la Paix, Beyrouth-jouniéh, L’Organisation Libanaise de la Paix, P : 170.
Gurvitch, G., (1968), La vocation actuelle de la sociologie : vers la sociologie différentielle, Tome I, Paris, P.U.F, PP : 163-164.
Ibid., Religion et développement, P : 11.
Beydoun, A., (1993), Le Liban : Itinéraires dans une guerre incivile, Paris, Karthala, P : 85.
Résumé mensuel des travaux de la société des nations, 1930, V. X, n°: 7, P : 219, in Hanf, T., Coexistence au temps de la guerre, trad .Saliba, M., Paris, Centre d’études Euro-Arabe, P : 42.
Ibid., Anthropologie culturelle et éducation, P : 13.