En effet, dans tous les pays arabes, la problématique de la laïcité représente un enjeu, relativement récent, plutôt épineux pour ceux qui sont au pouvoir politique et religieux, parce que la religion est le fondement principal du pouvoir. Et puisque l’Islam est la religion adoptée par la plupart d’entre eux, nous allons aborder la laïcité face au défi des intégristes, parce qu’ils représentent « un versant pathologique » 517 du projet islamiste aussi bien qu’un cas flagrant qui flotte à la surface de la vie sociale, non seulement dans les pays arabes, mais même dans la plupart des pays Européens et Américains en menaçant la paix mondiale et transgressant Les Droits de l’Homme, comme le remarque Frégosi, R., en disant :« depuis quelques années, on assiste à une occupation croissante de la scène politique internationale par divers phénomènes de caractères religieux » 518 . Mais avant d’aborder la question, nous attirons l’attention sur plusieurs points :
-Ccritiquer les islamistes ne signifie pas critiquer tous les Musulmans. En effet, il y a une partie croissante, d’après les résultats du terrain, de jeunes musulmans qui souhaitent l’établissement d’un Etat laïque.
-L’étroite liaison de la théologie et de la politique en Islam, est présente chez les autres religions monothéistes dans la région puisque «le Judaïsme, associé originairement à l’Etat…L’Eglise et l’Etat, le pouvoir religieux et le pouvoir politique, ne font qu’un » 519 , mais avec l’Islam « la particularité remarquable [est] de lier étroitement, structurellement, problèmes théologiques et problèmes politiques » 520 . Donc, les trois religions ont « les mêmes messianismes » 521 et ont la même hostilité vis-à-vis de la laïcité, et le refus de l’altérité laïque. D’où vient ce refus islamiste des principes laïques ? Et quelles sont ses bases philosophiques ?
En réalité, dans les pays arabes, la religion « est considérée comme la base ultime de l’identité, la source première de l’autorité, la seule vraie fidélité » 522 . Elle est envisagée comme ‘’facteur de progrès’’, puisqu’on prétend que « les sociétés musulmanes n’ont jamais connu l’opposition entre la science et la religion qui a caractérisé l’Europe pré-moderne » 523 .
Alors, la religion est au sein de la vie sociale et politique, il est impossible de les séparer. Cette confusion entre dogme et politique est traduite par la fameuse expression : L’Islam est une religion et une vie [En arabe, l’Islam : Dine wa Dunia] en s’appuyant sur l’idée de la validité des textes religieux en tout temps et en tout lieu. D’où l’origine du refus des islamistes de la séparation entre la religion et la politique.
D’autant plus, au niveau idéologique, les islamistes, adoptent une perspective basée sur l’idée de la hiérarchisation sociale, et que le cosmos est en harmonie avec Dieu. De l’unicité divine découlent l’unité de l’univers et l’identité entre les lois naturelles qui régissent le cosmos et les lois juridico-politiques qui commandent le comportement des individus et de la société. A ce propos, le Cheikh Quotb montre que l’ici-bas et l’au-delà « sont deux étapes qui se complètent, et la législation de Dieu harmonise d’une part entre ces deux étapes dans la vie de l’homme, et d’autre part entre toute la vie et la règle générale de Dieu » 524 . Par conséquence, vouloir séparer le temporel et le spirituel, le politique et le religieux, les droits de l’homme et le Droit de Dieu, c’est contester le Droit de Dieu à être le seul maître du monde, et par là, refuser l’unicité divine, parce que « reconnaître l’unicité divine absolue, cela veut dire le refus complet du pouvoir des êtres, sous toutes ses formes » 525 .
Nous constatons, donc, que réaliser cette harmonisation entre l’homme et la nature (la sienne propre et celle du l’Univers), ne peut pas être le résultant d’une législation humaine. Cette dernière n’a aucune importance car « il n’y a que la Raison Divine qui soit capable de saisir toute la complexité de la nature humaine et celle du l’univers, il n’y a que la créateur qui connaisse les secrets de ses créatures, et qui puisse voir les lois et l’ordre nécessaires pour la conduite des hommes comme pour tout le cosmos » 526 . Ajoutons, à cette conviction les limites inévitables de la raison humaine, limites qui ne peuvent être dépassées que par le recours à la religion en tant que « source globale procédant de la source du savoir » 527 éternel et illimité, c’est pourquoi ils refusent les systèmes laïques, et considèrent ce genre des doctrines ne peuvant que conduire à des aberrations et des absurdités.
Ainsi, l’inégalité des individus est un fait normal, et la justice n’a pas pour référant l’égalité des personnes puisque Dieu a créé l’Univers selon un principe de hiérarchisation, chacun a sa place convenablement choisi, d’après la Sagesse Divine, selon ses capacités. Paradoxalement, les islamistes insistent sur l’égalité, la justice et la fraternité. Le cheikh Al-Banna, H., le fondateur du mouvement des Frères Musulmans, a tenu tout au long de sa vie, des propos qui peuvent séduire un défenseur des Droits de l’Homme. Il présentait l’idéal islamiste comme un message universel s’adressant à tous les hommes, sans discrimination de race ou de couleur, pour les unir sur la base des principes de ‘’liberté’’, de ‘’fraternité’’, ‘’d’égalité et de ‘’justice’’. Lorsqu’il explique les fondements du ’’ réformisme’’ dont se réclament les Frères Musulmans, il y inclut : « la proclamation de la fraternité entre les gens, la proclamation de l’homme et de la femme, la proclamation de la solidarité et l’égalité entre eux… et la garantie du droit à la vie, à la propriété, au travail, à la santé, à la liberté, au savoir et à la sécurité de chaque individu… » 528 .
Alors, d’après les Frères Musulmans, le fondement premier de l’idée des Droits de l’Homme trouve sa racine dans l’Islam. Un juriste égyptien exprime d’une manière exemplaire cette conviction en écrivant : «L’islam a établi l’état de droit, celui quoi gouverne au moyen de la shari’â et garantie les droits de l’homme, bien avant que son principe ne soit solidement acquis en Europe, c’est-à-dire la Révolution française ! » 529 . De cette citation nous retirons le plus grand orgueil des Musulmans basé sur l’antériorité islamique par rapport aux Droits de l’Homme. L’essentiel en fin de compte, pour eux est de pouvoir dire : les Droits de l’Homme, nous les connaissons depuis bien longtemps que vous ‘’Européens’’ ou ‘’Américains’’!
Nous concluons que le caractère islamique des Droits de l’Homme consiste à les considérer d’une source sacrée, acquises de longue date et étrangers à l’expérience humaine. D’où la source de leurs refus des valeurs séculières issues des Lumières, puisqu’ils n’en ont pas besoin, et d’autant plus, ils les connaissent depuis des centaines d’années. Et d’où leur idéologie et leur pensée politique sont caractérisées par : L’obsession des ’’grandeurs du passée’’, et, l’opposition entre la ‘’modernité occidentale’’ et l’Islam. Ces caractéristiques sont le résultant d’un travail analytique des écritures des penseurs arabes, mené par Férjani.
L’auteur ajoute que la pensée politique arabe est ambiguë, n’a pas une identité bien déterminé. Elle est loin d’être une propriété exclusive. A titre d’exemple, il remarque que « tous les courants ou presque, se réfèrent tantôt à l’islam, tantôt à l’arabité, ou à des entités régionales comme le Maghreb et le Machrek, tantôt à des nationalismes liés aux Etats-Nations érigés dans les frontières héritées de la colonisation » 530 . Aussi, il observe que ces écritures présentent à l’individu le choix entre deux modèles civilisationnels contradictoires : la civilisation européenne et celle «arabo-musulmane qui leur servait d’appui contre ce défi » 531 .
Par delà de l’opposition de ces deux modèles civilisationnels traduisant l’opposition entre l’islam et l’Occident, Ferjani (qui a analysé leur travail) remarque que les penseurs arabes n’arrivent pas à dépasser leur obsession des ’’ grandeurs passées’’ et de la conscience dramatique des réalités séculaires de la décadence en disant : «En effet, tous les courants politiques arabes, quelques soient […] leurs affinités idéologiques, leur ’’antécdent-modèle’’, sont sous-tendus par une représentations, plus ou moins conscientes, plus ou moins explicite […] des causes de l’épanouissement et du déclin de la civilisation arabo-musulmane » 532 . Cette réalité de décadence, pour reprendre les termes de Jabiri, « dont souffrait les Arabes » 533 .
Nous constatons, que le discours politique arabe est un discours passéiste, puisque la plupart des penseurs cherchent à se légitimer en s’appuyant sur un modèle antécédent dans le patrimoine historique de la civilisation Arabo-musulmane. Ils essayent toujours de renouer le lien avec le passé en refusant la rupture avec lui. A l’opposé de la civilisation occidentale qui a fait une rupture complète avec le passé depuis la Renaissance.
Nous considérons, que la nature du rapport tissé avec le passé est la source de la contradiction entre Islam-Occident, ou Islam-modernité propagée par les islamistes considérants la laïcité fruit de la ‘’modernité européenne’’ comme un complot « l’expression d’une conspiration fomentée contre l’islam par les Croisés, l’impérialisme, le sionisme, la franc-maçonnerie » 534 .
Selon cette opinion des islamistes, nous comprenons que l’Occident est obsédé par le souvenir des défaites infligées par l’Islam aux puissants royaumes Chrétiens, de Byzance aux Croisés, et qu’il vivrait dans l’inquiétude d’apercevoir un Islam vainqueur ressusciter sa domination passée, et n’épargnerait aucun effort pour contenir ce danger.
D’ailleurs la laïcité représente pour les islamistes « un pur produit du judaïsme talmudique, qui a eu une influence extrême sur la pensée occidentale » 535 .
Ils amalgament le laïcisme, la franc-maçonnerie, le Talmud, la Révolution française et le siècle des Lumières dans une vaste conspiration visant à « faire sortir les juifs du ghetto et à leur accorder les droits civiques, premier pas vers leur domination sur la vie intellectuelle et sociale » 536 . Ainsi, voici une seconde raison pour refuser l’idéologie des Lumières et la laïcité considérées comme « colonisation culturelle » 537 qui visent par la séparation de la religion et de tous les aspects de la vie quotidienne à créer « un vide idéologique et intellectuel que viendront combler les philosophies et les théories de l’Occident, puis, en dernière instance, l’idéologie occidentale par excellence : le Christianisme. Il n’est donc pas surprenant que le laïcisme soit le bras séculier de prosélytisme croisé » 538 .
Autre qu’une sorte de messianisme, paradoxalement, la laïcité représente pour les intégristes, l’irréligion. Elle est apparue en Europe comme réaction à la tyrannie de l’Eglise, qui entravait le progrès scientifique et social. Nous considérons que dans cette représentation d’irréligion -inséparable d’immoral- consiste le noyau du refus et de la peur des islamistes envers la séparation entre le temporel et le spirituel. Pour eux, le danger de cette séparation ne consiste pas dans l’isolement de la religion et de l’Etat, mais dans la signification de cette séparation. Elle n’est que « la première étape devant préparer notre pensée et notre société au grand saut, la laïcisation de l’identité arabe même, c’est-à-dire l’élimination radicale et définitive en son sein de la pensée, de la religion, du patrimoine et des valeurs anciens, remplacés par la méthode scientifique » 539 .
Bref, la laïcité, pour les islamistes, est le résultat des conditions particulières de la transition européenne du Moyen-âge à l’ère moderne, elle est le produit de la particularité de l’histoire européenne. Or, les Musulmans qui ne connaissaient pas des institutions ecclésiastiques, et qui ont vécu, relativement en paix l’intégration du pouvoir religieux dans les affaires quotidiennes et scientifiques, ils n’ont pas besoin de séparer l’Etat de la Religion, d’emblée, ils n’ont pas besoin de la laïcité.
Ainsi, nous observons que la conscience arabe ne considère pas la religion comme un obstacle social qu’il il faut éliminer pour réaliser le progrès, à l’inverse, elle est son noyau, la source de l’authenticité et le symbole de leur identité. Aliéner la religion signifie, à certaines mesures, une menace identitaire qui met l’individu face à l’inconnu, suite à la dérégulation institutionnelle de la religion, c’est pourquoi la réclamation de garder le rôle de la religion signifie, à certaine mesure « la revendication d’authenticité personnelle qui fonde les individus …» 540 . C’est ce que nous trouvons clairement au Liban, ce premier pays dans la région arabe, qui a osé à revendiquer le mariage civil et d’établir un Etat laïque.
Au Liban, comme dans tous les pays arabes, la laïcité représente un séisme qui ébranle les fondements du pouvoir politique et menace son existence puisque l’appartenance confessionnelle est le critère essentiel selon lequel la distribution des postes de l’Etat est faite. D’où, les politiciens et les hommes religieux essayent de propager des idées et représentations sociales qui contribuent à garder le système social dans une situation qui leur permet de rester au pouvoir, moyen de récolter le maximum des avantages de toutes sortes. Et à chaque fois la lumière du changement social clignote, ils se dépêchent à l’éteindre de crainte de perdre leurs statuts et leurs privilèges sociaux. La crise éclatait à la fin du règne du Président Elias Hérawi (1989 -1998) quand il avait proposé la législation du mariage civile n’est que le meilleur témoignage de ce que nous disions.
Signalons que le président a proposé ce genre du mariage, bouleversant le pays, comme facultatif. Paradoxalement, l’Etat libanais a refusé ce mariage avec pour prétexte la sauvegarde de la paix civile, « le reconnaît s’il est effectué en dehors du pays à condition qu’il soit légitime dans le pays là ou il était fait. Au Liban, il soumit au Droit Civil et l’autorité des tribunaux civiles si la confession du Mari refuse son mariage d’en dehors de sa religion » 541 . C’est pourquoi il y a un bon nombre de libanais qui se déplacent vers Chypre pour l’effectuer, afin d’avoir tout leurs droits juridiques. D’où l’importance de poser la question concernant la relation existante entre les conduites sociales des individus et leur structure sociale existante.
En fait, l’exemple que nous venons de présenter à propos du mariage civile et le comportement d’embrouillement et de détour qu’adoptent, obligatoirement, certains libanais montre que la relation entre les conduites humaines et la structure de la société est intimement liée et dialectique. D’où l’urgence de tisser des liens clairs, franches entre ceux qui sont à la tête de la pyramide sociale. Des liens basés sur l’honnêteté et l’objectivité, au lieu d’être des rapports basés sur le détournement et la tricherie, imposés du fait du refus de l’Etat de reconnaître certaines législations en essayant de ne pas voir une réalité qui ne cesse pas de changer et de s’imposer « surtout, l’aspiration à une sécularisation, c’est-à-dire, dans le cas du Liban, à une déconfessionnalisation de la vie publique, […] au point que certains acteurs du système libanais, et non des moindres, furent alors convaincus que la résolutioon des contradictions du Liban passait par une transformation radicale du politique et par la supression du confessionnalisme » 542 . Et pour mieux comprendre ces liens, il est indispensable de comprendre, d’un côté, le type de relations familiales (parents- enfants), et,d’autre côté, le processus de la socialisation effectué « Que ce soit à la famille ou à l’école qui vise à mouler l’individu selon la matrice désirée par la société, désignée et imposée par la Culture Dominante, que nous avons appelée la culture féodale-bourgoise, représentant le style de vie dominant dans notre société » 543 . D’où l’importance da la famille non seulement au niveau économique et politique déjà présenté, mais aussi au niveau individuel, puisque les conduites du sujet, sont, à certaine mesure, le résultant de ses relations enfantines et du type de la socialisation qu’il a reçu, à la maison, à l’école…etc. , et, qu’il change toujours grâce à l’urbanisation accélérée dans le pays, également dans les pays voisins, sous l’influence de la modernité et de la circulation rapide des informations à cause de la révolution des médias et de la mondialisation.
Ces transformations sont considérés comme des indicateurs à propos l’orientation des sociétés arabes, de plus en plus, vers l’individualité et la laïcité « car la relation au groupe et les structures communautaires ont été, elles aussi, bouleversées par les assauts de la modernité » 544 .
Suite à cette situation, une polémique idéologique et une lutte théorique ont vu le jour, au Liban aussi bien qu’aux pays arabes.
Cette lutte est entre deux perspectives l’une traditionnelle et l’autre moderne. Par conséquence, l’individu dans tous les aspects de sa vie quotidienne se trouve obligé à déterminer ses choix comportementaux. Ces choix qui représentent pour lui un enjeu culturel crucial puisqu’il se trouve tiraillé et déchiré entre deux pôles opposés ; et choisir d’être ’’ l’entre deux ‘’ est une solution qui n’est pas évidente et si facile à vivre à cause de l’incohérence qui domine tout les domaines de la vie quotidienne dans les pays arabes, comme a démontré Beydoun en disant « Choix individuel d’une ligne de conduite moral, politique.. ;etc., ou adhésion aux coutumes et allégeance familiales, enseignement ‘’public’’ ou ‘’confessionnel’’, regroupement des forces politiques en partis modernes ou en rassemblements communautaires, Etat à législation laïque ou souveraineté de la loi religieuses, tels sont les pôles (largement théoriques, on le verra) entre lesquels les sociétés arabes se trouvent diversement écartelées » 545 .
L’effet de cette situation se traduit par des‘’répercussions psychologiques et morales’’ que vivent les individus puisqu’ils sont en même temps des personnes politiques, des membres des familles, des consommateurs des produits culturels ‘’modernes’’. Ils ont en duplicité des valeurs : d’une part, ils veulent garder leurs traditions et rester ‘’authentiques’’, d’autre part, ils désirent d’être ’’ moderne’’ en adaptation avec tout ce qui est actuel. Cette duplicité, selon Beydoun, traverse nos sociétés entières, qui sont écartelées entre deux logiques de fonctionnement alliant le conflit à la complicité et deux systèmes de valeurs, à la fois opposés et imbriqués. D’un côté, les hommes du pouvoir prétendent le respect de l’Autre, la tolérance, la liberté d’expression et de croyances, la modernité…, pourtant, dans la réalité effective, nous récoltons l’interdiction des avortements, d’utiliser les moyens de contraception ou d’avoir une relation sexuelle avant le mariage ( particulièrement pour les filles), la fatwa des Imams condamnant à mort les personnes qui s’expriment librement, comme l’affaire de Salman Rushdie et autres… ce qui signifie, effectivement, la non reconnaissance des personnes athées. Des événements habituels nous poussent à mettre en question tous les slogans adoptés par les hommes du pouvoir qu’ils soient politiques ou religieux, prétendant toujours la démocratie, la liberté d’expression et le respect de l’Autre !
Ainsi, chaque décision en faveur des choix comportementaux modernes, suscite chez le sujet un sentiment de l’infidélité à soi, de trahir ses traditions, ce qui l‘oblige à faire des compromis multiformes, qui ne sont pas toujours réussis. Sachant qu’il y a des cas où l’individu n’a même pas le choix, il se trouve dans des contraintes qui le dépassent ; par exemple, le musulman qui ne peux pas éviter de toucher, à la banque , les intérêts de son argent, pourtant le Coran les prohibe clairement, ou bien celui qui ne peut pas garder ses enfants à l’abri de l’influence, souvent laïque, de l’écran du télé ou de l’école. La modernité s’impose, et personne ne peut être à l’abri, même «les intégristes sont d’ailleurs loin de tous sous-estimer le caractère irréversible de certains aspects de la modernité » 546 .
Cette domination de la modernité n’a pas réussi à créer une rupture culturelle totale touchant les modèles culturels. Nous trouvons les modèles traditionnels à côté de ceux modernes. Au niveau des individus aussi, il y a le nationaliste modernisateur et l’intégriste conservateur qui est conscient de la profondeur du changement, malgré son hésitation à son égard. Cependant, nous ne pouvons pas dire que la modernité « dans cette région du monde est une mince couche de vernis fait artificiellement collée à la surface de la réalité arabe… Elle est aujourd’hui une dimension constitutive des êtres » 547 .
Etre une partie constitutive d’une entité, signifie qu’il y a sûrement un processus d’adaptation avec les autres parties qui la composent. Mais pour réaliser cette adaptation il est indispensable d’avoir le temps. C’est la situation ‘’actuelle’’ du Liban et des pays arabes, ils adoptent la modernité en tant qu’une partie constitutive de leurs entités, mais ils ont besoin du temps pour bien digérer certaines valeurs opposées aux siennes, particulièrement, celles laïques parce qu’elles sont en contradiction avec la religion, et parce que les islamistes ne cessent d’empêcher leur installation en déformant leurs représentations et leurs significations.
D’où la nécessité d’un projet visant la création des nouvelles présentations de la laïcité, qui corrigent la déformation de ses représentations commise par les islamistes.
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