En fait, les fondements de ce projet, consistent à changer l’image négative de la laïcité enracinée depuis longtemps et cela à travers un travail sérieux - des chercheurs et des responsables politiques et de tous les cadres sociaux -qui contribuent à :
1- changer l’idée des individus à propos de la séparation du temporel et du spirituel, en mettant en relief l’idée que la « sortie de la religion ne signifie pas [nécessairement] sortie de la croyance religieuse, mais d’un monde où la religion est structurante, où elle commande la forme politique des sociétés et où elle définit l’économie du lien social » 548 . Il faut montrer, d’après l’expérience laïques dans certains pays, comme la Bretagne, l’Allemagne, les Etat-Unis…etc., que les religions existent et obtiennent « une reconnaissance publique en tant qu’options privée » 549 , et que ce tableau de sécularisation du monde moderne n’impliquait pas « une disparition pure et simple de la religion, mais il postulait, à tout le moins, son inéluctable privatisation : la religion, au fil de cette évolution, s’imposait comme affaire de conscience personnelle et privée, sans incidence (ou de peu d’incidence) pour la définition sociale des identités » 550 . La laïcité ne signifie pas anti- religion, mais anti-absolutisme que ce soit religieuse ou profane. En un mot, elle est une liberté du culte.
2-Montrer qu’avec la laïcité l’Etat devient neutre. Il ne s’engage pas officiellement à une religion ou une confession, tous les individus sont des citoyens, ont l’égalité juridique abstraction faite de leur appartenance religieuse ou confessionnelle. Alors, l’établissement d’un Etat laïque signifie la libération des contraintes confessionnelles et communautaires. D’emblée, s’établissent une assurance et une garantie d’une absolue neutralité de l’Etat et de ses agents dans l’exercice de leur fonction ce qui est une impérieuse obligation.
3-Montrer que le but de la laïcité en tant que séparation entre la religion et la politique n’est pas pour détruire l’Islam et l’identité culturelle arabo-musulmane, mais pour
l’aliénation de toutes sortes de discrimination et pour établir la justice sociale en respectant « la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen reconnus par l’Assemblée nationale (26 Août 1789) […], avec la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’O.N.U., le 10 Décembre, 1948 » 551 . Ce sont des droit liés à la dignité humaine, ce sont des droits inconditionnels, personne ne peut s’en trouver privé.
4-Présenter la laïcité comme un fruit d’une philosophie politique qu’est celui de la liberté de conscience, dans le sens que cette « liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui…ce qui ne porte pas atteinte aux droit d’autrui » 552 . Il faut montrer que cette liberté signifie l’autonomie d’expression, la tolérance à l’égard l’autrui différent idéologiquement et politiquement, même la liberté de la croyance : d’être croyant ou athé. Dans cette situation, « La République ‘’assure’’ la liberté de conscience et par voie de conséquence elle garantit la liberté religieuse » 553 .
5-La dissociation du concept ‘’liberté’’ des vocabulaires qui l’associent aux notions d’honneur, de dignité et toutes les notions qui marquent les valeurs fondamentales de l’être humain. Nous souhaitons réaliser une aliénation d’une représentation sociale négative, propagée par les intégristes, liant intimement ‘’la liberté individuelle’’ à celle sexuelle. Ils ne voient pas de la liberté à l’Occident que celle de la vie sexuelle, en lui accordant un jugement d’immoralité. Par conséquence, selon leur logique, tous les peuples occidentaux sont des individus qui ne respectent pas les valeurs morales et humaines, pourtant, ils déclarent les Droits de l’Homme !
6-Montrer que les morales laïques sont dérivées des morales religieuses et traditionnelles, mêmes dans les pays modernes comme la France, comme l’a démonté Lebrun en disant « la morale laïque, à ses origines, n’est au fond qu’un dérivé de la morale traditionnelle en pays Chrétiens » 554 .
La rupture avec le passé revendiquée par la laïcité, n’est pas une rupture avec l’héritage culturel et l’authenticité morale. « Il est vrai que certains laïcistes musulmans du début du siècle [x x°] ont préconisé une rupture radicale d’avec notre passée. Ce n’est peut plus être le cas aujourd’hui. Au contraire… » 555 , C’est une rupture qui évite les liens au passé qui nous empêchent de se développer, de diriger notre regard vers le présent et l’avenir, en nous rendant passéistes, plongés dans l’obsession d’une grandeur du passé qui devient avec tous ses valeurs et ses principes (incompatibles avec le présent) notre unique référent. La laïcité refuse d’expliquer les faits présents à la lumière d’un passé révolu, pour ne pas dire consommé.
7-Montrer qu’il est impossible de séparer les Droits de l’Homme d’une véritable sécularisation qui traite les individus à titre d’égalité, abstraction faite de leur religion, principe refusé par les religions monothéistes puisque, selon eux, « la justice n’a pas pour référent l’égalité : l’ordre juste est celui ou chacun occupe la place qui correspond à ‘’sa nature’’, à son ‘’essence’’, dans un monde hiérarchisé et donc, fondé sur l’inégalité » 556 .
8- La revendication du mariage civile, n’est pas dans le but de détruire l’héritage culturel religieuse et traditionnel, mais c’est parce qu’il permet de traiter l’individu en tant qu’être humain libre, ‘’Citoyen’’ séparé de son appartenance religieuse. En fait, « la création de l’Etat civil laïc et du mariage civil permettra une dissociation concrète entre la citoyenneté et l’appartenance religieuse. Ces différentes mesures semblent faire coïncider être humain et citoyen » 557 .
9-La laïcité n’est pas une importation d’une ‘’doctrine étrangère’’. Elle est dans son « principe l’expression d’une démarche universelle, indispensable à toute société qui tente de briser l’étau de la dépendance intellectuelle » 558 . Signalons que cette liberté intellectuelle et de l’expression sont inhérentes à la laïcité, et que le parcours historique de la plupart des sociétés montre qu « ’il existe un lien intime entre la formation de l’Etat moderne et la laïcité » 559 , comme l’indique bien Barbier.
10- La Laïcité est une nécessité sociale et politique si nous voulons la modernité, fait inévitable au temps de la mondialisation. La laïcité est inséparable de la modernité, qui est inséparable des Droits de l’Homme. La société, comme l’individu, «dans la modernité ont pour principe de base : L’autodétermination et le refus de la soumission aveugle à n’importe quelle autorité… » 560 .
11- Dans le monde déchiré où nous vivons, la seule espérance de vivre dans un monde commun à tous les hommes, par delà leurs appartenances religieuses ou leurs différences de race, de classe sociale…c’est le recours à : la laïcité. Cette dernière, permet au Citoyen de se faire soi- même sans contraintes, puisque son idéal « repose principalement sur l’association de la liberté de conscience et de la stricte égalité de tous les citoyens, qu’ils soient athées, agnostiques ou croyants » 561 . Bref, la laïcité est comme il l’a définit le Centre d’Action Laïque « un mouvement au service des hommes, sans intermédiaire ou intervention surnaturelle, qui tient compte des aspirations sociales et spirituelles de l’Homme ; elle fonde son action sur les valeurs laïques : liberté et responsabilité, solidarité et fraternité, justice et égalité ; elle respecte toutes les croyances et cultes qui ne porte pas atteinte à la liberté des autres et ,dans cet esprit, combat de cléricalisme sous toutes ses formes » 562 .
12- Montrer l’importance psychique de l’Etablissement d’un Etat laïque, en évitant beaucoup des problèmes sociaux tels que les délinquances des individus, (particulièrement les jeunes), les comportements violents, résultants des ‘’répercussions psychologiques et morales’’, qui sont à leurs tour, le fruit des conflits identitaires. Ces derniers, produits d’une construction identitaire bipolaire, identité déchirée entre quatre pôles : Religieux, Laïque, Traditionnel ou Moderne. Avec la laïcité, il y aura une seule identité dictée par un seul système de valeurs libéral qui ne condamne pas la diversité, ce qui est une condition indispensable qui, peut être, contribue à rendre l’identité de l’individu en harmonie et plus stable, abstraction faite de son appartenance religieuse et de l’histoire vécue de sa confession.
Ibid., La religion dans la démocratie, P : 11.
Ibid., Neutralité, pluralisme, identités, P : 57.
Ibid., Les identités religieuses en modernité, P : 21.
Poulat, E., (1987), Liberté, laïcité : La guerre des deux France et le principe de la modernité, Paris, Cerf, P : 21.
Ibid., Liberté, laïcité, P : 23.
Morineau, M., (2003), La laïcité jamais achevée, in Religion et politique : Une liaison dangereuse, sous dir. Ferenczi, T., Bruxelles, Complexes, P : 157.
Rémond, R., (1998), Laïcité pour tous : entretiens avec Jean Lebrun, Paris, Textuel, P : 25.
Ibid., Laïcité ou islamiste, P : 39.
Ibid., Islamisme, laïcité et Droits de l’Homme, P : 99.
Bauréot, J., (2003), La laïcité entre citoyenneté et Droit de l’Homme, in Religion et politique : Une liaison dangereuse, sous dir. Ferenczi, T., Bruxelles, Complexes, P : 236.
Ibid., Laïcité ou islamiste, P : 39.
Ibid., La laïcité, P : 62.
Ibid., Laïcité ou islamiste, P : 39.
Ibid., Fondements et actualité de l’Idéal laïc, P : 246.
Haarscher, G., (1989), Laïcité et Droits de l’Homme : Deux siècles de conquêtes, Bruxelles, Université du Bruxelles, P : 9.