Dans un contexte qui prend en considération l’importance des facteurs internes et externes qui influencent la situation libanaise, l’accord du Taëf a vu le jour le
5 Novembre 1989 en reposant sur « quatre titres principaux » 618 :
1- Principes généraux et réformes.
2- La souveraineté de l’Etat libanais et son autorité sur tous les territoires en dissolvant toutes les milices.
3- L’indépendance du Liban de la domination des soldats israéliens suite à la réalisation du verdict 425 de l’ONU.
4- Les relations particulières avec la Syrie.
D’après les principes généraux de cet accord, le Liban est un pays arabe indépendant pour les Musulmans et les Chrétiens. Il a un système politique démocratique et parlementaire, et un système économique libéral. C’est un système qui respecte la liberté de l’opinion et des doctrines. Alors, l’identité libanaise est une identité arabe.
La réforme proposée au niveau du système politique concerne le rôle du premier ministre et celui chef du Parlement, en les rendant plus actif.
En fait c’est un accord qui a limité le pouvoir du président de la république, en faveur du premier ministre et du chef du Parlement. Par exemple, la désignation du premier ministre n’est plus pour le président, mais désormais, il est choisi par le chef du Parlement et des députés. Également, la dissolution du Parlement n’est plus le rôle du Président mais celui de l’assemblée des ministres, aussi bien que la destitution des ministres de leurs missions. Ajoutons que désormais la majorité des décrets portent la signature du premier ministre à côté de celle du président, et la démission de l’assemblée des ministres n’a plus son rôle, étant dépendante de la confiance non assurée par la Chambre des Députés ou la démission du premier ministre.
Ce sont des changements qui rendent l’assemblée des ministres et leur président plus indépendant du président de la République. Ainsi, l’autorité exécutive et même l’armée libanaise sont dépendantes du premier ministre au lieu du président auparavant.
A propos de l’autorité législative, l’accord du Taëf a renforcé le pouvoir du chef du Parlement à travers l’annulation de l’élection annuelle de ce dernier en prolongeant le mandat du Parlement de quatre ans au lieu d’un seul. Cette situation permet de rendre le rôle du chef du Parlement plus autonome concernant le vote sur des décrets-lois, des votes présidentiels, et la nomination du conseil des ministres. Soulignons la désignation de quarante Députés de toutes les confessions, que ce soient des maîtres des familles traditionnelles ou des chefs de milices.
Parmi les principes généraux de l’accord du Taëf, il y a l’aliénation du confessionnalisme politique ; la réalisation des réformes administratives et législatives concernant la loi de l’élection des Députés, et enfin la création d’une assemblée socio-économique pour le développement afin de le rendre plus équitable entre les différentes régions.
Parmi les réformes du Taëf, nous citons la décentralisation administrative - et non politique - basée sur des unités hétérogènes du point de vue confessionnel. La création d’un tribunal supérieur qui poursuit les responsables que ce soient des présidents ou des ministres. Ajoutons la supervision de l’Etat sur les écoles privées et leurs programmes pédagogiques, surtout, celui de l’histoire afin de renforcer l’intégration nationale de toutes les confessions, c’est pourquoi, cet accord propose l’adoption d’un seul livre d’Histoire dans les écoles publiques et privées.
Ce qui particularise l’accord du Taëf de ceux qui le précèdent c’est qu’il est le premier accord qui a réussi à arrêter la violence. C’est la première fois, aussi, que les chefs des milices sont pris en considérations dans le jeu politique officiel.
Il est également, le premier accord qui a trois dimensions : libanaise, arabe et internationale, et qui renferme, un calendrier avec des dates précises pour l’exécution de ses principes.
Parmi les avantages de cet accord, nous remarquons qu’il a accordé la priorité à l’entente, la réconciliation interne, et au renforcement de l’autorité centrale représentée par l’Etat qui était longtemps mis en question. D’autant, qu’il rend les rôles et les pouvoirs du président, du premier ministre et du chef de la Chambre des Députés plus équilibré, après que l’autorité exécutive ait été réservée au président effectivement, mais au premier ministre formellement. Ainsi, la participation au pouvoir des Musulmans devient plus efficace et leur sentiment de marginalisation à l’égard des Chrétiens (Maronites) est affaibli. Le partage du pouvoir devient plus équilibré et juste selon la perspective des Musulmans.
Cependant, cet accord d’une façon générale est inspiré du système confessionnel en rigueur depuis longtemps. Alors, il est fondé sur une structure confessionnelle, qui repose sur des équilibres nationaux et internationaux incertains et fragiles, ce qui permet de l’ébranler, surtout, si les conditions régionales sont instables. C’est un accord qui a gardé la nature confessionnelle du système politique puisque les signataires du document d’entente «ce sont les députés élus depuis 1972 et représentants par excellence des communautés, qui ont discuté et adopté ce texte » 619 , ce qui ne garanti pas la permanence de la paix quand la situation régionale change.
La participation des chefs des milices confessionnelles au pouvoir formel de l’Etat menace la participation des membres de la société civile qui ont sacrifié beaucoup et supporté l’atrocité de la guerre, et il contribue peut être à reproduire les conflits confessionnels à travers ces ‘’chefs des milices - Députés’’ suite à la compétition entre ces nouveaux arrivés au pouvoir, d’avoir au maximum de privilèges résultants de ce pouvoir.
Ajoutons que cet accord, ne garanti pas la séparation des conflits intérieurs des extérieurs, surtout, ceux de Moyen-Orient.
L’enjeu de cet accord consiste à savoir comment cet Etat composé des ‘’élites familiales traditionnelles’’ et ‘’chefs des milices’’ va parvenir à créer des équilibres régionaux au niveau du développement social, capable de produire une dynamique d’intégration nationale.
Après quinze ans, cet accord est incapable de corriger les pratiques des responsables politiques basées sur le profit personnel et confessionnel, et, de libérer l’Etat du rôle dominant des institutions confessionnelles comme étant le médiateur entre l’Etat et le peuple.
Les mécanismes de l’application du Taëf étaient impuissants à avoir l’accord entier de tous les libanais. A l’inverse, il a crée le doute, surtout, concernant la loi de l’élection qui adopte le département comme base de l’élection au lieu du district. Cette base est refusée de la part des chrétiens car ils la considèrent non représentative régionalement et permet des manipulations politiques internes et externes, ce qui les a poussé à s’abstenir de participer à l’élection législative. Ajoutons, le sentiment de l’injustice chez les Chrétiens suite à l’appauvrissement du pouvoir du président en faveur du premier ministre et le chef de la Chambre des Députés. Ainsi, l’accord du Taëf au lieu de créer des mécanismes renforçant l’intégration nationale il a récolté le boycottage politique des Chrétiens.
Mais malgré tout, les accords de 1943 et 1990 étaient considérés comme un terrain d’entente et de rapprochement entre différentes idéologies socio-politiques et socio-religieuses dont nous allons scruter les traits principaux à travers les écrits les plus répandus au Liban.
Sarhal, A., (1994), L’accord du Taëf et la constitution de la république libanaise, Beyrouth, Librairie Al-Assriah, P : 9. (En arabe).
Picard, E., Les habits neufs du communautarisme libanais, Cultures & Conflits : Etat Et Communautarisme, Paris, L’Harmattan, 1994, n° 15-16, PP : 49-70.