Une structure sociale ‘’moderne’’ ou ‘’traditionnelle’’, laquelle est le caractère de la société libanaise ? Comment la modernité a renversé tous les aspects de la vie quotidienne ?
Voici un troisième paradigme théorique fondé sur le duo conceptuel ‘’modernisme / traditionalisme ‘’.
Selon cette approche, la structure sociale libanaise est écartelée entre deux optiques, une traditionnelle, l’autre est moderne, mais elles sont à la fois imbriquées et opposées.
D’après Maila 637 , le côté modernisme apparaît dans le savoir faire technique, alors que les comportements, les attitudes, les idées et les discours sont plongés dans le bain des traditions, particulièrement, ceux concernant l’identité. L’auteur oppose les deux pôles. Cette opposition est refusée par Beydoun qui pense qu’il y a une ‘’duplicité’’ et une’’ indivision des différentes formes culturelles’’.
D’ailleurs, le concept d’indivision est considéré par Beydoun efficace sur deux plans : sur le plan de la vie quotidienne et sur celui de la production culturelle. Sur le premier plan, l’acteur social se trouve plongé, face à chaque situation journalière, dans le récipient de ses propres déterminations. Ces dernières sont en contradiction entre : enracinement familial, tâches professionnelles et préceptes moraux de la religion. C’est un déchirement entre « choix individuel d’une ligne de conduite morale, politique ou adhésion aux coutumes et allégeances familiales, enseignement ‘’public’’ ou confessionnel, regroupement des forces politiques en partis modernes ou en rassemblements communautaires, Etat à législation laïque ou souveraineté de la loi religieuse » 638 .
Ainsi, la relation de l’individu au groupe et les structures communautaires sont bouleversés par ‘’les assauts de la modernité’’. Dans sa configuration, le groupe savait que la légitimité d’une conduite se jugeait sur sa conformité aux percepts moraux de la religion. Ce qui « supposait l’existence, au sein du groupe, de deux niveaux souvent opposés, mais complémentaires et consubstantiels du moi, puisque indispensables, chacun, à l’actualisation de l’autre : L’intérêt élémentaire et la morale transcendante. La modernité y ajoute une nouvelle dimension : la société dont l’intérêt tend à se séparer de la totalité normative traditionnelle pour constituer un ensemble de normes fonctionnelles que l’Etat s’efforce d’exprimer en termes politico-juridiques et dont il veut accaparer la représentation » 639 .
Quant au plan de la production culturelle, Beydoun explique que la solidarité des formes culturelles, manifeste la force d’entraînement provenant du même substrat indivis et les difficultés d’une véritable individuation. C’est ainsi que Beydoun relève la transposition inconsciente de l’attitude à l’égard des traditions au niveau des formes d’expressions modernistes « on dirait que le poids concret de la tradition…reste… dans la pratique… une espèce de norme vide comandant leur comportement vis-à-vis de leurs sources d’inspirations et de leurs propres réalisation. L’omniprésence de cette normez, en même temps qu’elle explique la solidarité des formes culturelles cultivées par chacun des deux camps, n’exclut nullement -loin de là- l’interpénétration, au sein de chaque genre, des tendances traditionalistes et modernistes, ni l’antagonisme des deux camps au niveau des formes et des contenus » 640 .
Cette approche nous apparaît pertinente compte tenu du contexte international caractérisé par ‘’le contact des cultures’’. La culture n’est plus limitée à ses variantes régionales ou locales, mais elle s’intègre dans un ensemble plus large. Elle est plus fertile et en échange permanent.
Ajoutons que cette approche renferme un éclairage saillant pour comprendre les modes d’expressions collectifs, les aspirations individuelles et les différents modes de conduite.
Maila, J., (1990), Conflit et culture, in L’avenir du Liban, Balta, P., Paris, EDI, PP : 149-158.
Ibid., Des traditions collectives aux aspirations individuelles, P : 154.
Ibid., Des traditions collectives, P : 162.
Ibid., Des traditions collectives, P : 163.