IV.3- L’expérience libanaise : La convivialité de l’unité dans la diversité 

Si le Liban a résisté et survécu malgré la guerre, c’est parce que l’expérience socio - humaine a précédé l’expérience politique et l’établissement de l’État.

Le caractère original de l’expérience libanaise consiste dans le fait que ce petit pays est composé de groupes confessionnels et de minorités, dont aucune ne peut prétendre être une majorité absolue et avoir le Pouvoir. D’où le pouvoir est partagé entre les principales confessions composantes la société.

Ce pays présente la particularité de rassembler dix-sept communautés religieuses sur un petit territoire en composant « une maison aux nombreuses demeures » 690

Et son histoire traduit, à la fois, la diversité culturelle, d’un côté, et l’unité nationale, d’autre côté. La particularité culturelle de chaque groupe confessionnel, d’une part, la cohésion sociale, et le désir de vivre ensemble Musulmans et Chrétiens, d’autre part.

Malgré les cicatrices de la guerre qui ont marqué longtemps la dynamique sociale au Liban, les jeunes libanais, d’après les résultats du terrain, montrent qu’ils ne se suffisent pas au principe de la coexistence et à celui de la vie commune entre Musulmans et Chrétiens, mais ils ont la volonté de passer de l’état coexistentiel à celui de la convivialité. Et la différence entre ces deux états est considérable car coexister signifie exister avec, ou une existence simultanée entre deux communautés qui coexistent tout en craignant le mal qui pourrait venir du partenaire posant ainsi des limites et des frontières, qu’on ne doit pas franchir. Ainsi, la peur, au fur et à mesure, fait que ces limites deviennent facteurs de séparation et de cloisonnement des communautés coexistantes, la paix elle-même pourrait devenir trop proche de la guerre qui peut se faire avec autre chose que les armes.

L’étymologie du concept « convivialité », constitue un sens plus profond que celui de la coexistence. Son origine est Latine « conviva ». Il évoque des personnes qui prennent part à un repas avec d’autres et donc le partage. Dans la plupart des cultures, le repas est un acte de la vie sociale, il accompagne presque toutes les fêtes et même les célébrations du culte. Ainsi, la nourriture devient un objet de participation socio-culturelle et religieuse.

Pour les Chrétiens, le pain est un Don de Dieu. Le recevoir de quelqu’un, c’est reconnaître une relation de partage. Le partager avec quelqu’un cela signifie vivre en communion, autrement dit, vivre en partage en témoignant, symboliquement, de l’amour et du pardon comme a fait le Christ.

Voici au Liban, les jeunes Chrétiens et Musulmans, qui ont vécu les phases finales de la guerre, même au cœur des tensions et des divisions, mobilisés pour aimer, et apprendre à s’accepter dans la différence en partageant, pas seulement, le même repas, mais également, le même territoire en témoignant du pardon interconfessionnel. Ce pardon est une notion importante dans l’Islam, un exemple très parlant s’impose à nous, la parole de grand savant, cheikh M-H Fadlallah 691 appelant à un effort mutuel Islamo-chrétien à comprendre et à vivre la religion l’un de l’autre. Cette fusion, ce partage de la religion transforme l’Islam et le Christianisme en une dynamique ‘’scientifique’’ et ‘’conceptuelle’’ évolutive, aide chaque croyant à mieux comprendre sa croyance.

Ainsi, selon cheikh Fadlallah, « nous n’aurons plus des personnalités en conserve vivant dans des tours d’ivoire ». Le Christianisme et l’Islam seront comme l’eau et l’air que les gens respirent et boivent selon leur culture. D’autant plus, il invite « le Chrétien à faire son mieux pour comprendre et interpréter l’Islam, et le Musulman pour interpréter et comprendre le Christianisme » 692 .

Cette proclamation du Cheikh Fadlallah, exprime bien la volonté des Musulmans au Liban du partage cultuel avec les Chrétiens en oubliant le passé conflictuel et en vivant un présent dont l’interaction des groupes est chaleureuse. Une simple visite au Centre de Beyrouth, est le témoignage du partage culturel, là ou les Musulmans et les Chrétiens ensemble partager les mêmes activités culturelles et le même repas.

Notes
690.

Ibid., L’identité culturelle, P : 182.

691.

Fadlallah, M- H., (1994), L’Islam et le Christianisme entre la mentalité du conflit et la dynamique du rencontre, Beyrouth, Dar Al-Rissala, P : 23. (En arabe).

692.

Ibid., L’Islam et le Christianisme entre la mentalité du conflit et la dynamique du rencontre, P : 23.