- Conclusion

La diversité culturelle est l’essence de la construction de la société libanaise composée de plusieurs confessions. C’est grâce à cette diversité que la structure sociale libanaise se distingue des pays du Moyen-Orient.

C’est une société fondée sur deux axes principaux : l‘un Chrétien et l’autre Musulman en faisant, ainsi, une mosaïque chargée de la diversité culturelle. Cette dernière qui est à la fois, une source de richesse et de conflits.

Au Liban, la confession et famille constituent des cadres institutionnels auxquels se réfèrent les individus et sur lesquels s’étaye toute construction identitaire. D’où le rôle primordial de l’appartenance confessionnelle et familiale dans la dynamique sociale, et par conséquent, la domination du confessionnalisme sur tous les aspects de la vie sociale, de façon qu’elle devient « une attitude psychologique de l’individu qui lui dicte certains comportements sociaux, économiques et politiques » 693 . Ainsi, le confessionnalisme devient le facteur qui oriente toute la dynamique relationnelle de la personne avec son environnement social, surtout, et le fonctionnement politique de la société libanaise s’appuie sur le principe du partage du pouvoir entre les dirigeants des différentes confessions, généralement issus des familles féodales. Ces familles auxquelles les Ottomans ont confié la collecte des Impôts, une mission qui représente le début d’une vie politique au Mont-Liban, par les essais des collecteurs des impôts d’élargir les régions qui sont sous leur domination. Ainsi, le rôle des familles qui a commencé comme étant économique, désormais il a une dimension politique traduite par les rapports de clientèle qui organisent le fonctionnement du système politique jusqu’à nos jours. D’où la primauté de la famille dans la société libanaise basée sur le principe de la solidarité, le même principe qui fonde l’Emirat libanais en tant qu’une « confédération des communautés dans lequel la participation au pouvoir est un indice de la souveraineté politique du groupe équivalent à son autonomie sociale, et se présente donc, comme donnée existentielle de la structure du groupe » 694 . Avec cette entité politique, permettant à toutes les communautés une ‘’identification politique’’,les communautés en tant qu’unités sociales autonomes, sont en même temps des parties intégrantes de la structure du pouvoir.Par conséquence,la décision politique est le résultat d’un ensemble de volontés communautaires souveraines. Ainsi, le pouvoir n’est donc, ni autonome ni indépendant, mais subordonné et limité par l’équilibre interconfessionnel.

Sur cette base s’est développé au Mont Liban dès 1516, un embryon de pouvoir politique incarné par une dynastie régnante et représenté par ’’ le prince’’, et ce, à la base du compromis Druzo – Maronite.

D’ailleurs, pour mieux renforcer leur emprise, les Ottomans cherchent à renforcer la querelle entre les Druzes et les Maronites. Avec la crise de 1840, déclenchée pour des raisons multiples internes et externes, ils ont essayé d’en profiter. Ainsi, pour la première fois, les relations interconfessionnelles sont menacées, et se sont menées pour être l’épreuve capitale du pays.

Avec le système de Kaémakamia, proposé comme solution, les Ottomans ont contribué à semer les germes de l’ancrage de l’idée de la distribution équitable et égalitaire des postes administratives entre les différentes confessions, dont on trouve l’écho avec la création du Grand – Liban, l’accord de 1943 et l’accord du Taëf. Des événements qui exigent la définition de la nation et de l’identité du pays. Cette définition tiraillée entre l’arabité et la libanité, influencée par l’histoire de chaque confession et les écritures des historiens, qui étaient, en réalité, des discours idéologiques essayant de diffuser certaines représentations de l’identité du pays selon l’intérêt confessionnel au détriment de l’intérêt national. La recherche de Abou Nahra confirme cela :, J. « En fait, ces écritures historiques sont souvent influencées par le confessionnalisme religieux et l’idéologie politique en déformant les réalités [ …], les inconvénients sont présentés comme des avantages, l’histoire est déformée en faveur de la confession à laquelle appartient l’historien, l’histoire du Mont Liban est mise en relief tout en ignorant l’histoire des autres régions libanaises, la conception du Pouvoir politique est complètement absente… » 695

C’est pourquoi, ces écritures reflétaient les intérêts des politiciens et des chefs de confessions et ne reflétaient pas la réalité sociale et la symbiose entre le peuple, traduit par ’’ les manifestations de l’unité du style de vie libanais’’ entre les Musulmans et les Chrétiens malgré la diversité des perspectives concernant la définition de la nation du pays, (Libanaise, Syrienne et Arabe). Cette  « unité du style de vie qui est réelle et vécu jusqu’à aujourd’hui, mais elle a besoin de celui qui la ressuscite politiquement » 696 puisque, au Liban, le facteur culturel est « organiquement lié à la question du Pouvoir, à tel point que toute option culturelle est une option politique et toute option politique est culturelle » 697 .

Concernant la définition de l’identité du pays (Maronite, Arabo-musulmane). Cette diversité au niveau de conceptualisations résultantes d’une diversité idéologique, présente le manque d’une seule perspective culturelle dominante ce qui justifie la diversité d’approches et des modèles identitaires proposés : modèle confessionnel, modèle religieux-régional et modèle de coexistence. Les deux premiers modèles identitaires confessionnels se construisent à travers un processus interactif d’assimilation et de différenciation. L’assimilation du modèle identitaire confessionnel est avec le modèle occidental, la différenciation du l’arabo-musulman. Ce processus est accompagné par un sentiment de supériorité, afin de surmonter tout sentiment de peur résultant de la menace que représente l’identité arabe. Pourtant, le modèles religieux-régional assimile le modèle orientale en se distinguant du modèle identitaire occidental adopté par les chrétiens. Ce processus est accompagné par un sentiment de fierté par l’Islam, étant une majorité dans la région qui était tout au long de l’histoire au pouvoir afin de surmonter l’inquiétude à l’égard l’arabité symbole du l’Islam, menacée par la diversité culturelle adoptée comme choix culturel par les Chrétiens.

D’ici, nous constatons que le discours culturel au Liban n’est pas ‘’innocent’’, voire objectif. Il obéit à la volonté politique et confessionnelle. D’emblée, le discours identitaire est différent selon la différence idéologique, et que l’affirmation de soi collective était par la distinction à l’autre, en s’appuyant sur l’histoire. D’où, ces discours idéologiques ont joué le rôle des schèmes organisateurs qui dictent certaines représentations de l’identité libanaise. En plus, ces discours constituent des pôles d’affirmations identitaires fondées sur les paramètres civilisationnels (Orient/Occident, christianisme/islam) et les paramètres géoculturels (libanité/arabité, phénicité/arabité).

Ajoutons, que d’après les différentes approches identitaires analysant la structure sociale, telles que l’approche culturaliste, psycho-ethnologique…etc., nous constatons que la prégnance de l’appartenance confessionnelle est saillante, et qu’elle soit envisagée, d’un côté, comme facteur explicatif du rapport social du l’individu et du groupe avec les autres, et d’autre côté, comme une dimension indispensable à toute explication des tensions sociales vécues tout au long de l’histoire du pays.

D’ailleurs, les divers niveaux d’analyse se rejoignent pour indiquer que les dimensions identitaires fondamentales sont relatives à la famille et à la communauté religieuse, ce qui les rend des cadres de référence sur lesquels se maintient tout dessin identitaire.

Signalons que ces différences concernant les approches identitaires et certains traits culturels que l’ont peut observer parmi les différentes confessions en tant que marques distinctives dans les idéologies confessionnelles, ne mettent pas en question le fait que ces communautés partagent une même « culture sociale fondée sur l’unité » 698 , influencée par la religion, certes, mais commence à être sous l’influence de deux nouveaux phénomènes qui sont : la laïcité et le dialogue islamo-chrétien.

En réalité, la laïcité, représente un nouveau fait socio-culturel qui s’impose clairement sur la vie sociale de ce petit pays, en menaçant les chefs des confessions de perdre leurs privilèges, et en dérangeant les extrémistes qui s’y opposent idéologiquement. C’est pourquoi, ils ont essayé de l’altérer en propageant des fausses idées à son propos. D’où la nécessité d’une nouvelle définition de la laïcité au Liban et dans la région arabe.

Concernant le dialogue islamo-chrétien, il représente un nouveau fondement sur lequel se reposent les relations interconfessionnelles au liban. Il ressort des bases communes entre les deux religions qui sont : le dogme monothéique, la fraternité humaine, la paix et le salut comme but commun pour l’Homme. Pour qu’il ne reste pas un concept théorique et un simple slogan idéologique, les libanais ont essayé de l’institutionnaliser afin de renforcer la paix civile et de créer une culture de dialogue qui aide à l’épanouissement d’une expérience du partage culturel basée sur le principe du ‘’contact des cultures’’, et annonce un début de nouveaux types de relations entre le christianisme et l’Islam en oubliant le passé et en coopérant ensemble à construire une nouvelle société dont la citoyenneté remplace le confessionnalisme. Afin de réaliser la paix civile et l’unité nationale entière, où se manifeste la convivialité et l’unité dans la diversité qui n’aboutit pas nécessairement au déchirement du pays mais à l’inverse peut être une source de richesse culturelle et de développement.

Notes
693.

Chahine, F., (1979), Le confessionnalisme au Liban : présent et son enracinement historique et social, Beyrouth, Dar El-Hadassa, P : 19. (En arabe).

694.

Ibid., Vers une nouvelle formule constitutionnelle au Liban, P : 70.

695.

Abou Nahra, J., (1988), Les manifestations de la falsification et de la déformation dans la mémoire historique, in Le Droit à la mémoire : Première Conférence Internationale de la Fondation Libanaise de la Paix Civile Permanente, Beyrouth, La Fondation Libanaise de la Paix Permanente, PP : 137-142.

696.

Maatouk, F., (1988), Les manifestations de l’unité dans le style de vie libanais, in Le droit à la mémoire, Beyrouth, La Fondation Libanaise de la Paix Civile, P : 287.

697.

Nassar, N., (1984), Les chrétiens et les alternatives culturelles du Liban, in La nouvelle société libanaise dans la perspective des FA’ATIYAT (Decision-Makers) des communautés chrétiennes, VIII, Beyrouth- Kaslik, Université Saint-Esprit, P : 189.

698.

Voir à ce propos une recherche de Maatouk, F., (1984), Diversité et non pluralisme culturelle, Tripoli, Jarrous Presse, P : 6. (En arabe).