1.3.1.2. Contenu

1.3.1.2.1. Nature de la langue décrite

On a pour habitude de décrire le dictionnaire général plus par ce qu’il n’est pas que par ce qu’il est. On l’oppose ainsi souvent à d’autres dictionnaires dont le contenu diffère : les dictionnaires spécialisés (qui traitent uniquement de certains aspects de la langue : ce sont les dictionnaires d’étymologie, les dictionnaires de noms propres, les dictionnaires d’argot, les dictionnaires de régionalismes, etc.) et les dictionnaires de spécialité (qui traitent uniquement des termes spécialisés propres à certains domaines). C’est cette dernière opposition que fait, par exemple, Svensén (1993 : 21) :

‘Some dictionaries concentrate on general vocabulary whereas others seek to cover one or more specialist areas. ’

Le dictionnaire général semble donc se restreindre à la description d’unités lexicales de la langue générale, comme le confirme la citation suivante, de Zgusta (1971 : 210) :

‘The rationale on which this category [monolingual general language dictionaries] is founded is the circumstance that these dictionaries are concerned mainly with the general language (as opposed to the different restricted ones). ’

Cette définition par opposition, assez répandue, semble cependant quelque peu stérile, et revient à opposer mot et terme, ce qui tourne au cercle vicieux, comme l’explique Béjoint (1988 : 355) :

‘scientific and technical words can only be defined in opposition to ‘common’ or ‘general’ words, which (if one leaves out the special category of ‘function words’) can only be defined by the fact that they are not specialized, thus creating a vicious circle from which it is difficult to escape.’

En réalité, le dictionnaire général ne se contente de toute façon pas de décrire des mots de la langue générale, comme l’indique Svensén (1993 : 21) : “in general terms, purely technical dictionaries are commoner than purely general dictionaries”, et c’est là qu’il faut regarder de plus près la citation précédente de Hartmann & James : “a type of reference work intended to provide a comprehensive description of the whole language, with special attention to vocabulary 53 , et celle de Zgusta : “mainly 54 general language”. De fait, la spécificité du dictionnaire général repose sur le fait qu’il essaie de couvrir tous les mots de la langue 55 , et qu’il inclut donc, parmi les unités lexicales qu’il traite, c’est-à-dire au sein de sa macrostructure, une certaine dose de régionalismes, d’archaïsmes, de mots argotiques, etc., et surtout, ce qui nous intéresse au plus haut chef, de mots scientifiques et techniques, c’est-à-dire de termes 56 , comme l’indique Pearson (1998 : 69) :

‘In addition to providing definitions of what are commonly described as general language words, all general dictionaries will include definitions of technical terms.’
Notes
53.

Souligné par nos soins.

54.

Souligné par nos soins.

55.

Le terme vocabulary utilisé par Hartmann & James (1998 : 154) est d’ailleurs défini comme : “the sum total of the words used in a language”. C’est la même chose que soulignent Béjoint (2000 : 37) : “The macrostructure of a dictionary can be called general if it includes all, or a representative section, of the elements of a lexicon, even the obsolete and archaic, and also all of its varieties in synchrony [...]”, et Roberts (1992 : 93), qui, parlant du Dictionnaire Canadien Bilingue, dit : “it will be a general bilingual dictionary, rather than a specialized one. In other words, it will attempt the coverage of the whole lexicon of Canadian English and French, instead of focussing one specialized sector or subject area”. (Souligné par nos soins dans ces deux dernières citations).

56.

C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Lerat (1995 : 173) que l’on peut considérer « le dictionnaire de langue générale comme le degré zéro de la terminographie ».