5.2.2.8. La volcanologie à l’aube du XXIe siècle : une science en pleine ébullition

La volcanologie de ce début de XXIe siècle n’est plus trop marquée par des personnalités indépendantes, mais plus par des équipes de recherches. Les observatoires volcanologiques se sont démultipliés, les techniques (sismographes, surveillance par satellite, réseau GPS, extensomètres, inclinomètres…) se sont grandement améliorées (Bourseiller & Durieux (2001 : 165-171)), et, surtout, la volcanologie « en laboratoire » s’est développée : l’observation sur place, toujours importante, a toutefois cédé un peu de terrain par rapport aux modélisations expérimentales devenues monnaie courante 100 , comme l’explique Bardintzeff :

‘La connaissance des volcans et des magmas a fait des progrès immenses au cours des dernières années [...] : par exemple, les chambres magmatiques sont maintenant bien connues voire modélisées, les quantités de matériaux et d’énergie mises en jeu lors d’éruptions actuelles ou anciennes sont parfaitement quantifiées. (Bardintzeff (1998 : 2))

Les « mesures et observations recueillies servent tout à la fois à mieux comprendre les phénomènes volcaniques, et à prévoir le retour des éruptions » (Kohler (1985 : 74)). En effet, s’il y a une chose à noter concernant l’évolution de la volcanologie, c’est que les enjeux en cours ne sont plus les mêmes qu’auparavant comme l’expliquent Bourseiller & Durieux (2001 : 208) :

‘Jusqu’à ces dernières années, les volcanologues se rendaient sur les volcans, surtout sur les grands volcans explosifs, les plus dangereux, après, voire, au mieux, pendant les éruptions. La science était purement spéculative. On essayait de reconstituer les grands phénomènes du passé, d’en expliquer le fonctionnement et l’origine, d’en tirer des lois. L’étude du dynamisme éruptif s’interrogeait sur le pourquoi et le comment de ces manifestations. Les conséquences d’un jugement erroné n’étaient pas graves. Au pire, elles ne remettaient en cause que quelques palmes académiques.
Aujourd’hui, la donne est différente. Les chercheurs sont sur le terrain avant les éruptions. Ces progrès placent les volcanologues devant des responsabilités nouvelles à l’aube du XXIe siècle. La science leur demande de localiser et de prévoir les éruptions à venir. ’

Ce qui est important est donc d’analyser les dernières grandes crises volcanologiques pour en comprendre les mécanismes et en tirer des leçons 101 , afin d’obtenir des prévisions réussies (Bourseiller & Durieux (2001 : 167-168)). L’étude des « risques naturels » se taille à présent la part du lion dans la volcanologie, comme l’explique Bardintzeff :

‘Réduire voire annuler le nombre des victimes constitue aujourd'hui le challenge majeur de la volcanologie. 102

Mais attention, la volcanologie d’aujourd’hui ne cherche pas à brûler ce qu’elle a adoré, et l’analyse des phénomènes volcaniques passés possède toujours de la valeur, comme l’expliquent Bourseiller & Durieux :

‘Comme pour de nombreuses sciences, la compréhension du volcanisme nécessite de la patience. Cependant, à l’opposé d’autres sciences de la nature, la volcanologie d’aujourd’hui se penche encore sur son passé, parfois même très lointain. Si un biologiste fait, au mieux, référence aux découvertes datant d’une dizaine d’années, le volcanologue cherche encore aujourd’hui des informations dans les récits de Pline qui ont près de 2 000 ans. (Bourseiller & Durieux (2001 : 208))

Signalons un dernier fait : la volcanologie moderne a élargi son champ d’étude aux volcans sous-marins, et aux volcans du système solaire (notamment sur la planète Mars). C’est tout un aspect de ce domaine qui reste à développer 103 .

Notes
100.

Ce qui n’était pas le cas le 22 mars 1988, lorsque le quotidien Le Figaro titrait : « une première au laboratoire de géochimie de l’Université Paris VI. L’enfer des volcans en modèle réduit ». On peut lire dans cet article la phrase suivante : « Au laboratoire de géochimie de l’université Paris-VI (…), les chercheurs Claude Jaupart et Sylvie Vergniole viennent ainsi de parvenir, pour la première fois, à reproduire en laboratoire l’effet de la formation de gaz à l’intérieur d’une chambre magmatique. Un modèle sans équivalent qui devrait permettre désormais de connaître l’état du magma à des profondeurs de plusieurs kilomètres. »

101.

C’est ce que font Bourseiller & Durieux (2001 : 208 sq.) en analysant les trois grandes éruptions de la fin du XXe siècle : celle du Mont Saint-Helens aux Etats-Unis en 1980, celle du Nevado Del Ruiz en Colombie en 1985, et celle du Pinatubo aux Philippines en 1991.

102.

Extrait de notre corpus comparable.

103.

Le lecteur interessé trouvera dans l’annexe A un résumé des principales découvertes en volcanologie, ainsi que les dates des principales éruptions, tirés de Sigurddsson (2000).