1.2. Qui fait les analyses ?

De manière générale, dans le domaine des études terminologiques, l’on rencontre trois cas de figure pour les auteurs : ceux-ci peuvent être (i) des linguistes, (ii) des spécialistes du domaine, ou enfin (iii) une combinaison des deux précédents statuts.

La lecture de la littérature existante nous a permis de constater que, parmi les auteurs traitant du problème des termes dans les dictionnaires généraux, certaines catégories sont mieux représentées que d’autres. Les linguistes constituent une majorité écrasante : Béjoint (1988), Boulanger (1996,2001), Cabré (1994), Candel & Humbley (1997), Lerat (1995), Thoiron (1998)… Parmi les linguistes, il faut distinguer les lexicographes qui ne se contentent pas de rédiger des dictionnaires mais qui les analysent également, de ceux qui sont uniquement métalexicographes : par exemple, Rey (1985), ayant travaillé à l’élaboration du Grand Robert, se classe dans la première catégorie, tandis que Tetet (1994), se classe dans la deuxième.

Le travail de Wesemael & Wesemaël (2003) semble, lui, se trouver à la limite entre la deuxième catégorie (« spécialistes du domaine ») et la troisième catégorie (« linguistes et spécialistes du domaine ») : en effet, cette étude a été menée conjointement par un linguiste (Roland Wesemaël) et par un spécialiste du domaine de l’astronomie (François Wesemael). Dans la première partie, les auteurs analysent des termes à la manière de linguistes dans les domaines analysés, linguistes certes profanes mais ayant toutefois une formation scientifique initiale :

‘Nous nous sommes efforcés d’évaluer les définitions d’un certain nombre de termes scientifiques qui ne relèvent pas précisément de notre domaine de spécialisation. (2003 : 149)

Dans la deuxième partie, en revanche, ils changent de point de vue, et adoptent le point de vue couplé du linguiste et du spécialiste du domaine :

‘La dernière épreuve, assurément la plus exigeante pour un dictionnaire culturel, consiste à évaluer la performance du NPR dans une discipline scientifique avec laquelle un usager serait très familier. (2003 : 151)

Quant à la troisième catégorie (celle des linguistes et spécialistes), elle nous a semblé très rare et, de fait, nous n’avons trouvé qu’une seule étude qui en soit réellement représentative : celle de Tetet (1994), qui se trouve être une linguiste pratiquant l’alpinisme. Cette dernière affirme d’ailleurs ouvertement, en s’exposant à la critique, qu’il est indispensable de maîtriser le domaine que l’on analyse (1994 : 652) :

‘Il ne nous paraît pas possible d’aborder le vocabulaire d’un domaine sans connaître parfaitement ce domaine ou pratiquer la discipline et c’est notre cas — un point de vue que les lexicographes qui sont dans l’obligation d’aborder tous les domaines de la connaissance, contesteront. ’

Le point de vue de Wesemael & Wesemaël (2003 : 149) sur cette question semble être le même, bien que leur avis paraisse un peu plus nuancé :

‘En soumettant le NPR à une telle évaluation [celle de la « performance » du dictionnaire dans certains domaines spécialisés], il importe, selon nous, de faire la distinction entre la discipline de spécialisation de l’évaluateur et les autres domaines scientifiques. La performance d’un dictionnaire culturel dans la seconde situation nous semble relativement difficile, quoique possible, à quantifier, puisque la perception du scientifique reste dans ce cas celle d’un non-spécialiste, éduqué certes, mais non spécialiste quand même. Dans la première situation, par contre, l’évaluation peut se faire de façon plus fine et plus pénétrante.’

Enfin, il semble que les auteurs appartenant à la deuxième et la troisième catégorie se limitent à l’évaluation des dictionnaires, sans pour autant en avoir rédigé eux-mêmes ; ils ne peuvent donc pas être considérés comme des lexicographes.