4.3. Un aller-retour constant entre les dictionnaires et les corpus

Au terme de ce chapitre consacré principalement aux corpus, il semble nécessaire de rappeler que notre démarche n’est pas figée dans un seul sens, qui serait celui d’un mouvement du corpus vers les dictionnaires. Insistons plutôt sur le fait qu’il s’agit d’une démarche circulaire, ou d’un mouvement de va-et-vient entre les données fournies par les corpus et celles fournies par les dictionnaires. Cette démarche peut être schématisée comme suit, même si le schéma — comme la plupart des schémas par ailleurs — ne rend pas compte de la complexité du processus :

Figure 23 : Schématisation de la démarche d’analyse
Figure 23 : Schématisation de la démarche d’analyse

Prenons juste un exemple pour illustrer la complexité de la démarche, celui du verbe erupt. Ce terme a été retenu parmi les candidats-termes extraits par Syntex : il s’agissait du verbe le plus fréquent (fréquence fournie par Syntex : 554 occurrences). En dépouillant les données des dictionnaires bilingues, tout en parcourant simultanément des données du corpus comparable, nous avons pu constater une disparité majeure : alors que les dictionnaires bilingues présentent ce verbe de manière fort simple, comme en attestent les entrées suivantes :

Figure 24 : Entrée
Figure 24 : Entrée erupt du HAR
Figure 25 : Entrée
Figure 25 : Entrée erupt du OXHA

les données du corpus révèlent un fonctionnement du verbe bien plus complexe. En parcourant les contextes fournis par Syntex, nous sommes en effet tombée sur les phrases suivantes :

(1A) In July 1986, just as it appeared that Puu Oo would start the 48th episode, magma began to erupt from new fissures at the base of the cone . TEA’ ‘ (1B) During the subaerial shield building stage aa and pahoehoe erupt from the summit area and rift zones . TEA’ ‘ (2A) After periods of volcanic quiescence lasting as long as hundreds of thousands to even a million years, some Hawaiian volcanoes erupt alkalic volcanic products . TEA’ ‘ (2B) Pillow lavas are volumetrically the most abundant type because they are erupted at mid ocean ridges. TEA’

Les contextes appelés (1A) et (1B) montrent que des actants autres que volcano, à savoir magma ou encore des types de lave comme aa and pahoehoe peuvent être utilisés comme sujets du verbe erupt. Or, il n’y a trace de ces actants dans aucun des deux dictionnaires bilingues.

De plus, dans les contextes (2A) et (2B), le verbe erupt est utilisé de manière transitive, emploi, qui n’est mentionné dans aucun des deux dictionnaires bilingues analysés (OXHA, HAR).

Enfin, dans ces quatre cas, l’équivalent français du verbe erupt n’est pas entrer en éruption. Etant donné que les quatre extraits proviennent de la même source, nous nous sommes demandée s’il ne s’agissait pas là d’un phénomène idiolectal. Nous avons donc analysé les 554 occurrences du verbe dans la partie anglaise du corpus comparable, pour établir la proportion de chaque construction du verbe, avons cherché des équivalents potentiels dans le la partie française du corpus comparable, puis avons analysé les 45 occurrences de ce verbe dans le corpus traduit, afin d’étudier les traductions possibles, le tout en regardant également comment ce verbe était présenté dans les dictionnaires unilingues anglais.

Après ce prélude donnant un premier avant-goût volcanologique, passons à présent à l’analyse à proprement parler.