2. Objectifs atteints

Dans quelle mesure la thèse répond-elle à l’objectif principal et aux sous-objectifs qu’elle s’était fixés dans le premier chapitre ?

Pour mémoire, la thèse avait pour objectif ultime l’amélioration du traitement des terminologies dans les dictionnaires généraux de manière globale d’une part, et selon le type d’utilisateur, d’autre part. Cet objectif regroupait quatre sous-objectifs différents.

Le travail avait pour premier sous-objectif d’approfondir la discussion de la raison d’être des termes dans les dictionnaires généraux. Au terme de ce travail, il apparaît qu’il n’a pas lieu de mettre en doute la présence des termes dans ce type de dictionnaire. En effet, le chapitre deux a montré en long, en large, et en travers qu’il s’agissait d’une tradition lexicographique très ancrée, que ce soit chez les lexicographes (ce qui transparaît à travers le discours qu’ils tiennent à ce sujet) ou encore chez les métalexicographes (dont aucun ne remet en doute ce phénomène). A l’issue de ce chapitre, il restait toutefois à vérifier qu’un des arguments mis en avant par les lexicographes et les métalexicographes pour l’inclusion des termes dans les dictionnaires généraux, à savoir « répondre aux besoins des utilisateurs » était un argument solide. C’est ce que le chapitre quatre s’est efforcé de montrer. Qu’il s’agisse d’un réel besoin, ou d’une envie due à la représentation qu’ils se font du dictionnaire général comme d’un condensé du savoir, force est de constater que les utilisateurs ne sauraient voir disparaître les termes de leur dictionnaire général, qu’il soit unilingue ou bilingue, et quelle que soit d’ailleurs la fréquence à laquelle ils y recherchent ce genre d’unité lexicale.

Le second sous-objectif était de redéfinir de manière précise les besoins dictionnairiques de divers groupes d’utilisateurs en matière de terminologie. Le chapitre trois, qui a fait le tour d’enquêtes existantes, et le chapitre quatre, qui a apporté de nouvelles données, mettent en valeur plusieurs phénomènes. Tout d’abord, les nouvelles données montrent que toutes les catégories d’utilisateurs ont besoin du dictionnaire général pour les termes, mais dans des proportions variables. De plus, les résultats de notre enquête confirment que le dictionnaire général doit être complété par d’autres sources. Il est utopique de réaliser un dictionnaire qui satisfasse tous les utilisateurs sur tous les points. Toutefois, il parait possible d’améliorer certains aspects. Un premier aspect concerne l’indication du degré de spécialisation d’un terme, étant donné que les utilisateurs cherchent à la fois des termes familiers et des termes spécialisés, et qu’ils consultent le dictionnaire général à la fois pour les textes généraux et pour les textes spécialisés. Une deuxième amélioration possible, et souhaitée, est d’inclure en plus grande quantité des néologismes terminologiques et plus de termes complexes. Une troisième consiste à inclure plus d’information sur l’emploi du terme. Enfin, les utilisateurs réclament (presque à cor et à cri) que les dictionnaires bilingues incluent systématiquement des indications sémantiques, et qu’ils incluent un plus grand nombre d’équivalents tout en s’assurant de leur exactitude.

Le troisième sous-objectif était d’analyser les choix éditoriaux qui ont été faits concernant les termes dans les dictionnaires généraux existants et la gestion de ces choix. A travers le recensement des conclusions établies par les métalexicographes exposées dans le deuxième chapitre, ainsi qu’à travers l’analyse du traitement du domaine de la volcanologie dans plusieurs dictionnaires généraux (exposée dans le chapitre six), nous avons montré qu’il y avait parfois un décalage entre le discours tenu par les lexicographes (ou même les métalexicographes) et la réalité des faits. Il convient de ne pas juger trop durement le lexicographe qui doit faire face à certaines logiques concurrentes, notamment lors du choix des termes à inclure dans le dictionnaire général. Toutefois, il faudrait remédier à bon nombre d’incohérences. Même s’il n’apparaît pas nécessaire de présenter la terminologie d’un domaine dans son intégralité dans un dictionnaire général. comme

Le quatrième sous-objectif était le suivant : proposer des solutions lexicographiques qui s’adaptent mieux aux besoins des divers utilisateurs — ce qui implique l’établissement de recommandations quant aux critères concernant les termes à retenir dans les dictionnaires généraux, et l’établissement de recommandations concernant le traitement de ces termes. Les recommandations que nous proposons sont les suivantes :

  • Sources d’information

Il serait judicieux d’avoir systématiquement recours à des corpus informatisés, comme le suggérait déjà Candel en 1979 :

‘Un recours plus systématique à la collaboration de scientifiques, à des corpus scientifiques et techniques (non seulement écrits, mais aussi recueillis au moyen d’enregistrements de langue orale en milieu de spécialistes) serait évidemment utile. On pourrait sans doute ainsi éviter certaines incohérences. (Candel (1979 : 115))

Ces corpus devraient être mieux constitués qu’auparavant, en mettant moins l’accent sur le discours littéraire. Un corpus de vulgarisation paraît idéal, surtout s’il est remis à jour constamment, ce qui peut permettre d’améliorer le traitement un peu désuet de certaines terminologies.

  • Choix des termes

En se fondant sur ce qui est trouvé en corpus, il serait possible d’établir des listes préliminaires de termes dans divers domaines, puis de demander à des spécialistes du domaine de sélectionner des termes dans ces listes en prenant bien soin, d’une part, de respecter un certain équilibre entre termes usuels et termes spécialisés, et, d’autre part, de respecter une conceptologie minimale.

  • Décisions concernant les marques

Il faudrait décider si une seule marque peut englober un domaine, ou bien s’il faut des marques spéciales pour des sous-domaines, lesquels sous-domaines devraient être vérifiés par des experts. Les marques relatives au registre, ou au degré de spécialisation d’un terme, devraient systématiquement être incluses, et être bien distinguées de marques de domaine.

  • Emplacement rationnel des termes

Les termes devraient toujours figurer dans une entrée séparée dans les cas de monosémie, ou bien dans une division sémantique clairement et systématiquement indiquée dans les cas de polysémie. Les termes complexes, quant à eux, devraient faire l’objet d’un traitement cohérent, en étant placés comme sous-entrées, par exemple sous la tête du syntagme, mais avec un renvoi systématique aux entrées concernant l’expansion de ce syntagme.

  • Traitement systématique des termes au niveau de la microstructure

Une indication de domaine devrait systématiquement être présentée pour chaque terme, ainsi qu’une définition ou une indication sémantique. Surtout, il faudrait que soit inclus, pour chaque terme, au minimum un exemple présentant l’usage.

Ces suggestions d’amélioration tiennent compte du fait que les dictionnaires actuels et futurs disposent, et disposeront, de beaucoup plus de place grâce aux possibilités qu’offrent l’informatique et Internet. Les liens hypertextuels ont un grand potentiel à ce sujet-là, car ils permettent de niveller l’information selon le besoin de l’utilisateur. Nos suggestions tiennent compte en effet des besoins de tous les utilisateurs. S’il est une recommandation principale à faire concernant certaines catégories d’utilisateurs, c’est que les améliorations à apporter dans les dictionnaires unilingues sont plus destinées aux langagiers, tandis que celles à apporter dans les dictionnaires bilingues visent plus les scientifiques.