3. Pistes de recherche et questions en suspens

Le sujet d’étude de cette thèse, bien que nous ayons essayé de le débroussailler, reste toujours un grand champ en friche.

Les conclusions devraient être étayées, premièrement, par l’étude de domaines autres que la volcanologie, et l’étude d’autres dictionnaires (relevant, par exemple, de traditions nationales différentes).

Elles pourraient de plus être étoffées grâce à d’autres méthodes d’enquête, qui auraient recours, par exemple, à des entrées réelles issues de dictionnaires existants, ou à des entrées fictives conçues à partir des conclusions établies dans cette thèse. D’autres études empiriques (du type « Think Aloud Protocol ») sont envisageables : on pourrait imaginer d’analyser le comportement face au dictionnaire général des traducteurs spécialisés à l’œuvre lorsqu’ils traduisent des textes scientifiques ou techniques, ou celui de scientifiques rédigeant des articles de recherches afin de voir si les conclusions établies dans notre travail se confirment.

Au-delà des objectifs qu’elle s’était imposés, la thèse a permis, de manière plus large, de poser (sans pour autant les résoudre complètement) certaines questions comme celle de ce qui constitue le degré de spécialisation d’un terme, ou le degré de spécialisation d’un texte.

Elle a aussi mis en valeur certains phénomènes sociolinguistiques. A travers l’analyse de la place et du rôle des terminologies dans les dictionnaires généraux issus de traditions nationales différents, la thèse a partiellement renforcé l’image du dictionnaire général telle qu’elle a été décrite, par exemple, par Béjoint (2000 : 90-91) :

‘In all societies, the users have wanted similar dictionaries because they needed them to solve similar everyday problems of communication, and also for more obscure reasons, because everywhere dictionaries are much more than just linguistic tools : they are emblems of learning, symbols of social success. And in all societies, the lexicographers have offered similar dictionaries because they have made use of the views on language that were available to them, which were naturally were much alike in all Western countries.
The interplay between the lexicographers and the users has created the general-purpose dictionaries as we know them. It explains the demand and supply of dictionaries, and also why they are what they are, both different and similar:
A comparative study of the monolingual dictionaries of several languages would reveal similarities in the naïve metalinguistic grap of the linguistic systems, as well as —probably—points of view that vary according ot the society and are independent of the system itself. The metalinguistics of societies should be studied by sociolinguists.’

En outre, l’analyse des terminologies dans les dictionnaires généraux a montré que ceux-ci sont en quelque sorte des intermédiaires ou des relais de la culture. Quelle culture technoscientifique est véhiculée dans ces dictionnaires ? Comment varie-t-elle selon les traditions nationales ? Voilà une question qui demanderait à être approfondie, comme l’a fait Humbley (2004) à propos du type de culture représentée dans les dictionnaires spécialisés.

Plus généralement, les terminologies présentes dans les dictionnaires généraux posent tout le problème du rapport à la connaissance, et au savoir, car le dictionnaire général ne fait que codifier ou refléter une conception générale de la science qui semble satisfaire tout le monde, comme l’explique Mazière (1981 : 94 sq.) :

‘Reflet académique du discours de la science [...], parce qu’anonyme et général plus encore que les manuels ou les dictionnaires de spécialité, le dictionnaire de langue, dans son rapport aux termes, manifeste une prise de position sur le savoir, sa constitution, son histoire sans jamais y référer.’

Celle-ci pose ainsi la question :

‘Comment expliquer, malgré [leurs] limites flagrantes, le crédit sans fond dont jouissent les dictionnaires comme source de savoir, qu’ils soient encyclopédiques ou seulement contaminés ?’

D’après elle, le savoir « de A à Z » tel qu’il est condensé dans un dictionnaire général convient aux « chercheurs », et convient au « grand public ». C’est ce que notre enquête a confirmé. D’où l’interrogation suivante :

‘Le dictionnaire est-il sauvé par un besoin de tout savoir ou un besoin de savoir qu’on pourrait tout savoir ? (Mazière (1981 : 97))