0.0 Introduction

Le tourisme 2 joue un rôle essentiel dans l’économie internationale. Comme le rapporte le WTO (2001), sa contribution à l'économie globale en 2000 représente 12% du Produit National Brut (PNB) mondial ; il offre 200 millions d’opportunités d’emplois, soit 8% de l’ensemble des emplois et avec une progression de 5,5 millions par an jusqu'à l'année 2010 (cf. aussi section 2.1) (Holden, 2000; WTO, 2001). Les pays du Tiers monde ont utilisé le tourisme pour améliorer leurs balances de paiements, pour augmenter le niveau de revenu général, pour stimuler la diversification économique et pour diminuer les déséquilibres régionaux. Au Kenya, par exemple, l'activité touristique est essentielle pour instiller la prospérité économique (cf. par exemple section 2.2) et surmonter diverses « faiblesses structurales », notamment celles qui sont associées au système d’aire protégée (cf. aussi la citation par Turner & Ash (1975) dans la préambule de cette introduction générale).

Plusieurs auteurs ont noté que le tourisme s'est avéré l'argument le plus fort pour la justification, de la protection et du développement du système d’aires protégées au Kenya (cf. par exemple Western, 1969; Kenya, 1980; 1990; 2002; 2004; Kiss, 1990; IUCN, 1991; Olindo, 1991; Brandon & Wells, 1992; Dieke, 1992; Muthee, 1992; Wood, 1992; Kangwana, 1993; Western et al., 1994; KWS, 1997; Salm & Tessema, 1998; Weaver, 1998; Akama, 2002; Karanja, 2002; Kibicho, 2005c). Cet argument est fondé sur le fait que les revenus touristiques dérivés directement des aires protégées sont supérieurs aux possibilités de revenus dérivés d'autres usages de telles zones : agriculture, élevage, exploitation forestière… (cf. par exemple sections 1.5 & 3.3.2). Dans l’hypothèse inverse beaucoup de visiteurs n'auraient pas choisi le Kenya comme destination de vacances sans la possibilité de visiter des aires protégées (KWS, 1993; Kenya, 2000; 2002). Ainsi, vu le nombre élevé de touristes internationaux dans les parcs nationaux (cf. par exemple chapitre IX), (alors) les aires protégées jouent un rôle substantiel dans la pontentialité de revenus du tourisme.

Le Gouvernement post-indépendance a conservé l’ensemble de la structure du système des aires protégées de l’époque coloniale - une structure conçue dans la capitale par des « citadins ». Les administrations des aires protégées ont perpétué les pratiques et des politiques de ladite époque sauf celles de la chasse qui ont été abandonnées. Ainsi il n’était pas possible pour les communautés au voisinage des aires protégées de retrouver l’utilisation traditionnelle de ces aires. Cela explique pourquoi ces communautés voisines des aires protégées au Kenya les considèrent comme un prolongement de l’ère coloniale qui sert à leur voler les ressources et la terre sous prétexte de conservation (Olindo, 1991; Muthee, 1992; Akama et al., 1995 ; Berger, 1996 ; Kibicho & Dewailly, 2004). Ces communautés ont le sentiment d’être dépossédées de leurs territoires (cf. par exemple sections 5. 2.2.3, 10.2.2 & 13.3.1.1). Leurs ressentiments se manifestent à divers niveaux par des conflits, sur les plans humain-faune sauvage (communauté locale-environnement) et/ou humain-tourisme (communauté locale-tourisme) : environnement-communauté locale-tourisme. De tels conflits sont des exemples clairs des faiblesses structurales du système d’aire protégée (cité plus haut) (Olindo, 1991 ; Wood, 1992 ; Muthee, 1992 ; Weaver, 1998). (Mal)heureusement, selon l’école de pensée à laquelle on appartient, ces types de conflits sont « …the order of the day… » (KWS, 1994 : 30) dans la région d’Amboseli.

Ayant à quelques mois près la même date de naissance que le PNA et grandissant en même temps que lui, nous voyions « l’importance » et l’impact des « stéréotypes », qui « simplifient » et « déforment » la « réalité », desdits conflits, jusqu’à la « caricature » (cf. par exemple sections 3.4.1, 5.2.2.1(a) & 5.2.2.3). Pour cette raison, nous avons été très tôt sensibilisé à l’importance de la bonne volonté des acteurs (de n’importe quel forme de développement) à travailler d’une façon « harmonieuse » et « respectueuse » dans un but commun. En se basant sur ces faits et la littérature existant, on pourrait dire, sans réserve qu’un programme de développement touristique bien conçu a pu atténuer de tels échecs.

En conséquence, cette thèse a pour but d’analyser les relations communauté locale-tourisme-environnement dans la région d’Amboseli. Le choix de cette région a été fondé sur trois critères :

  • l’histoire de son développement touristique,
  • son environnement physique, et
  • sa politique d’aménagement « tourisme-environnement ».

Tourisme et parcs nationaux au Kenya : la ville contre la société rurale locale? Telle est la question générale à laquelle ce travail répondra. Pour la traiter d’une façon systématique, on sera guidé par les trois questions suivantes :

  • Création des aires protégées entraîne t-elle une domination des ruraux par les citadins ?
  • Administration du PNA ne cache-t-elle pas une domination indirecte des ruraux par les citadins ?
  • Quels enjeux pour le tourisme au XXIème siècle dans la dialectique citadins/ruraux dans la région d’Amboseli ? 

Cette étude s’est simultanément nourrie de deux types d’informations, celles dont nous disposions déjà à travers diverses sources écrites, d’une part ; et celles que nous avons nous-mêmes récoltées et traitées directement par notre présence sur le terrain, d’autre part. Le caractère pluridisciplinaire du tourisme nous a amené à consulter une vaste bibliographie. Par ailleurs, la littérature et la documentation relatives aux relations tourisme-conservation-développement local sont particulièrement abondantes. Nous avons donc dû élargir notre champ de connaissance par des consultations et prospections à un niveau (inter)national. La prospection effectuée dans des bibliothèques kenyanes, par exemple, a permis de relever plusieurs données intéressantes, concernant surtout l’historique des aires protégées et leurs rôles comme destinations touristiques. A partir de là, nous avons constitué un corpus de données (secondaires), sur la base d’une analyse critique sur le sujet de la domination (in)directe des ruraux par les citadins dans le processus du développement touristique au Kenya. Parallèlement, nous avons effectué diverses enquêtes, entretiens et consultations auprès d’acteurs touristiques dans la région d’Amboseli et d’autres personnes ressources. Cette thèse se propose donc d'exposer une démarche, de suggérer des recommandations résultant de l’analyse de nombreuses études sur le sujet et enfin de présenter nos propres conclusions.

La thèse est organisée en trois parties : la première partie va des changements de perceptions de la nature au développement touristique ; la deuxième partie est consacrée à la segmentation des acteurs touristiques dans la région d’Amboseli ; tandis que la troisième partie porte sur le développement touristique.

Notes
2.

Le terme de tourisme est pris dans cette étude au sens large d’ensemble d’activités récréatives à différentes échelles de temps et d’espace.