CHAPITRE I :
PARCS NATIONAUX : DE LA CONSERVATION VERS LE TOURISME

‘Ce qui vieillit prend de la valeur,
mais ce qui est rare est cher.
(Viard, 1998 : 149)’

1.0 Introduction

Dans une analyse des racines historiques du dilemme écologique actuel, Fennel (1999) plaide fortement pour la notion selon laquelle l’homme faisait autrefois partie de la nature, alors que depuis plusieurs centaines d'années il est devenu l'exploiteur de cette nature et de ses ressources. Pendant les grandes découvertes scientifiques des années 1500 et 1600, la perception mécaniste et statique de la nature a été développée, remplaçant la perception mystique passive et les vues organiques des périodes précédentes (Stafford, 1985 ; Runte, 1987 ; Richez, 1992 ; Philipsen, 1995; Roux, 1999; Holden, 2000). En Europe, ce mouvement a été en grande partie influencé par les effets de l'urbanisme, de la pollution et de la perte du temps de loisirs due à la révolution industrielle (Thomas, 1983 ; Runte, 1987; Kiss, 1990; Brandon, 1996; Fennel, 1999; Roux, 1999). Il n’en est pas de même pour l'évolution de la conservation de l'environnement 11 aux Etats-Unis. Runte (1987) et Kiss (1990) observent que les parcs américains ont été créés pour satisfaire un concept plutôt qu'une réalité.

L’objet de ce chapitre est de rechercher et de présenter la naissance des parcs nationaux. Comme un arrière-plan de cette étude, ce chapitre tracera l’histoire de la création des aires protégées. Tout d’abord on évoquera les changements de perceptions de la nature (sections 1.1 & 1.2). Selon la première section du chapitre, les perceptions de la nature/environnement se définissent, à chaque période de l’histoire, en relation avec les formes de l’expérience et de la conscience sociale : elle procéde d’un jeu de constructions sociales. Ensuite on analysera comment ces changements de perceptions évoqués dans ces sections ont influencé la création des aires protégées aux Etats-Unis (section 1.3), en Afrique (section 1.4) et au Kenya (section 1.5). Enfin, le Chapitre montrera brièvement comment les aires protégées au Kenya en sont venues à être reliées au tourisme. Ces zones protégées ont justifié le développement touristique (section 1.5) comme la « meilleure » option d’utilisation des ressources conservées (Foster, 1973 ; Kenya, 1980 ; 1985 ; Kiss, 1990 ; KWS, 1990 ; 1994 ; Runte, 1987 ; Dieke, 1991 ; Olindo, 1990 ; Brandon, 1996 ; Karanja, 2002). Bien que le chapitre ait analysé des cas spécifiques de création des aires protégées, le développement de la conservation et le développement du tourisme de la nature (wildlife tourism pour les Anglo-saxons) globalement suivent la même théorie ou la même chemin (Kiss, 1990 ; Salm & Tessema, 1998).

Ce chapitre répondra aux deux questions suivantes :

  • Y-a-t-il une relation entre le changement de la perception de l’environnement et la création des aires protégées ?, et
  • Y-a-t-il une relation entre la conservation de l’environnement et le développement touristique ?
Notes
11.

D’une façon plus globale, l’environnement est un système composé de valeurs, un système codifié par la pratique sociale. Il n’est donc pas déraisonnable de penser que l’environnement perçu subit lui aussi l'influence de cette codification. C’est alors que l'on peut concevoir l’espace perçu comme un produit culturel et social. En outre, on se souvient seulement de ce qu’on a encodé, et ce qu’on a encodé dépend de ce qu'on est. L’expérience, la connaissance et les besoins ont tous une influence puissante sur ce qu’on retient. C'est la raison pour laquelle deux personnes ont parfois des souvenirs radicalement divergents du même événement (cf. Stafford, 1985; Runte, 1987; Roux, 1999; Holden, 2000 ; Reau-Chevaleyre, 2003).