1.2 Développement historique des aires protégées

L’évolution industrielle et son lot de bouleversements vont modifier l’environnement et par là même, la relation de l'homme à ce nouvel environnement. La société industrialisée fait non seulement naître des aspirations de liberté, mais aussi de retour vers les origines. Ainsi, l'appellation « milieu naturel » devient un label et l'assurance d'une qualité certifiée. Ce milieu est perçu comme un espace souverain, riche de sens, reprenant les fonctions de terroirs et de pays, alors que l'espace de la civilisation industrielle incarne le vide et néant (Réau-Chevaleyre, 2003). L'environnement naturel apparaît dès lors comme le grand consolateur, et le désir de se retrouver au contact des éléments naturels se fait de plus en plus sentir. Ainsi, les citadins ont eu une sorte de fascination pour les terres « vierges ».

Les changements de perception de l’environnement évoqués ci-dessus ont résulté de la nécessité de la conservation de la nature et surtout de la vie sauvage. Par conséquent, les réserves royales pour la chasse avec des animaux sauvages ont été créées pour le plaisir de la classe dirigeante en Europe médiévale. La plus ancienne dans cette catégorie, la New Forest au sud de l’Angleterre, fut établie en 1057. En 1842, le parc Victoria (le premier parc public mondial) fut établi à Londres. A la même époque, existaient des sentiments anti-urbains qui étaient associés aux réalités sévères de la post-révolution industrielle. Donc, on doit dire que le changement de la perception de l’environnement est d’abord la réponse à une société urbaine. On mesure mal encore la mutation que représente pour l’homme la vie en ville, c’est-à-dire la vie dans un espace restreint, hors nature et hors monde, soumis à la solitude, au bruit et à des rythmes trépidants. Tout cela crée la demande contraire. Les citadins ont besoin d’aller passer du temps dans l’environnement naturel pour se détendre et se retrouver (cf. aussi section 1.1). En conséquence, entre temps, les changements d’idéologies, associés au romantisme, ont popularisé la nature non-polluée aux yeux du public (Runte, 1987). Tous ces facteurs ont contribué au développement prolifique des parcs urbains en Europe.

Ce développement des parcs publics au Royaume-Uni a profondément impressionné un Américain du nom de Fredrick Law Olmsted qui, en 1850, de retour de Grande-Bretagne vers les Etats-Unis, a constitué un groupe de pression pour la création des parcs similaires en Amérique. Grâce à son travail, le Central Park fut établi à New York, au cours de la même année. Il fut suivi par plusieurs parcs publics et surtout dans la partie orientale des Etats-Unis. Plus tard, la construction des parcs artificiels a été remplacée par la protection des paysages naturels. Ces changements peuvent être attribués à deux facteurs majeurs :

C’était donc l’expérience de la destruction du site de Niagara et le besoin d’avoir des lieux commémoratifs sur lesquels se base le respect de la nation, qui ont inspiré la protection des régions reculées ou sauvages (Runte, 1987). A partir de là, le parc de Yosemite fut établi à cheval sur les Etats du Wyoming et du Montana, en 1864, pour protéger un paysage splendide en faveur du public et du divertissement. Il a été le premier « parc national » 16 mondial. Dans ce travail, notre définition du parc national reprend celle proposée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) 17 à son congrès de New Delhi en 1969. Selon cette définition,

‘« un Parc National est un territoire relativement étendu, (i) qui présente un ou plusieurs écosystèmes, généralement peu ou pas transformés par l’exploitation et l’occupation humaine, où les espèces végétales et animales, les sites géomorphologiques et les habitats offrent un intérêt spécial du point de vue scientifique, éducatif et récréatif, ou dans lesquels existent des paysages naturels de grande valeur esthétique ; (ii) territoire dans lequel la plus haute autorité compétente du pays a pris des mesures pour empêcher ou éliminer dès que possible, sur toute sa surface, cette exploitation ou cette occupation et pour y faire effectivement respecter les entités écologiques, géomorphologiques et esthétiques ayant justifié sa création ; (iii) territoire dont la visite est autorisée, sous certaines conditions, à des fins récréatives, éducatives et culturelles » (IUCN, 1991 : 41).’

En 1990 cette définition est remplacée par celle proposée par la Commission des Parcs Nationaux et Aires Protégées de l’UICN. Donc la définition est devenue,

‘« un Parc National est une zone exceptionnelle, relativement étendue, gérée par une autorité reconnue du Gouvernement de façon à garantir l’intégrité écologique d’un ou plusieurs écosystèmes pour les générations actuelles et futures, pour éliminer toute exploitation ou occupation intensive de la zone, et d’être prétexte à des activités spirituelles, scientifiques, éducatives et touristiques » (IUCN, 1991 : 41)’

Une analyse de l’évolution du concept de Parc National permet de constater qu’un principe de base a été maintenu depuis le départ. Selon les deux définitions par l’UICN, par exemple, le souci de protection de la nature apparaît au premier plan, deux autres fonctions caractérisent les parcs : permettre l’étude scientifique des écosystèmes dont ils sont le support et maintenir un cadre agréable pour les loisirs et le tourisme, tout en permettant aux populations locales d’y vivre le mieux possible (cf. aussi Runte, 1987 ; Kiss, 1990 ; Cazes, 1992b ; Wood, 1992 ; Karanja, 2002). L’objet des sections suivantes est d’essayer de montre que le tourisme, et plus précisément les activités touristiques ont fait partie intégrante de la création des aires protégées dans le monde.

Notes
16.

Ce parc national continue à servir de référence internationale malgré des contextes bien différents.

17.

L’objectif de l’UICN est de susciter des actions de caractère scientifique qui assurent la pérenité de la nature et des ressources tant pour leurs valeurs culturelles et scientifiques que pour le bien-être économique et social qui en découle à long terme pour l’humanité. L’Union a été créé en 1948 avec son siège en Genève.