1.3 Aires américaines protégées après le parc de Yosemite

Il est indéniable que l’idée de parc national est conçue en 1832 quand l’artiste et voyagiste George Catlin proposa la création d’un parc national comme lieu de refuge pour des animaux sauvages et des Indiens. Un an plus tard, en 1833, il écrivait dans un journal de New York que de « grandes régions méritaient d’être conservées dans leur sauvage beauté originelle, par la création de parcs magnifiques » (cité par Richez, 1992 : 28). Cependant, la résolution de création du parc national a été adoptée en 1864 quand le Yosemite Act a été promulgué par le Congrès pour la conservation de la vallée de Yosemite. Toutefois, on doit souligner que l’expression « parc national » a été utilisée officiellement pour la première fois pour décrire ‘le parc national de Yellowstone’ 18 , huit ans après (le 1er mars 1872) quand le congrès des Etats-Unis signa un décret le créant sur 888 178 ha. Ledit décret dit : « la faille ou gorge dans le massif granitique de la Sierre Nevada… connu sous le nom de Yosemite Valley… pour être réservée à l’usage, aux excursions et à l’agrément du public à condition qu’elle soit inalienable for all time… » (Richez, 1992 : 29).

A cette époque, les parcs publics ont été établis à des fins de divertissement mais aussi pour tenir lieu de monuments. Tels furent les objectifs principaux de la création du parc national de Yellowstone par le Congrès américain comme le premier parc national en 1872. La raison essentielle de cette création était la protection d’une cinquantaine de sources chaudes dispersées sur une dizaine de kilomètres carrés. La même année, l’Hot Springs Reserve fut crée dans l’Etat de l’Arkansas à l’usage du public. Dans les deux cas, le Congrès devait être convaincu que ces régions étaient sans valeur commerciale avant l’établissement de ces parcs et, donc, les créations ne devaient pas compromettre le développement économique du pays.

De 1890 à 1902, le Gouvernement américain a créé cinq parcs nationaux au total : Yellowstone National Park (1872) ; Kings Canyon National Park (1890) ; Sequoia National Park (1890) ; Yosemite National Park (1890) ; Crater Lake National Park (1902). Pourtant, la conservation de la vie sauvage ne fut jamais l’un des objectifs de cette création. Ainsi, en ce qui concerne le Congrès, les cinq parcs étaient parmi les plus grands monuments américains mais, comme Yosemite et Yellowstone, ils étaient sans valeur commerciale. En fait, à cette époque là, tous les parcs nationaux furent installés dans des écosystèmes essentiellement montagneux, marécageux ou forestiers qui constituent des refuges idéaux pour certaines espèces animales en raison de leur accès difficile et de leur peuplement humain faible ou nul. L’établissement du National Park Service 19 (NPS) en 1916 a changé l’orientation des parcs nationaux américains vers la préservation du patrimoine sauvage. Le parc national d’Everglades, créé en 1934, fut le premier parc national mondial à être créé en premier lieu pour la protection de la flore et de la faune. Le parc est alors considéré comme un terrain d'action où l'homme peut puiser des ressources, dans certaines limites, pour la satisfaction de ses besoins de nouvelles activités. En second lieu, ce milieu doit être aménagé, afin de le rendre familier aux touristes: ils y seront sécurisés matériellement, mais aussi mentalement (cf. Runte, 1987; Richez, 1992; Brandon, 1996 ; Holden, 2000).

Vers la fin du IXème siècle, le Gouvernement américain a réalisé que les ressources naturelles étaient limitées en même temps que leur consommation augmentait. A cause des problèmes de déforestation et de surexploitation des ressources naturelles, le Gouvernement a adopté une philosophie d’utilisation efficace, c’est-à-dire l’utilisation des ressources pour une efficacité élevée au bénéfice de la génération d’aujourd’hui et de celles du futur (Wood, 1992, Duhamel & Sacareau, 1998). Pourtant, cette philosophie a échoué en 1913 quand la vallée de Hetch Hetchy, au milieu du parc national de Yosemite, a été « détruite » pour la construction d’un barrage. L’argument des adeptes de ce projet est que seulement une centaine de citadins amoureux de la nature en profitaient alors qu’un demi-million d’habitants assoiffés de San Francisco avaient besoin d’eau (Runte, 1987 ; Wood, 1992).

La controverse de Hetch Hetchy a attesté que les défenseurs de l’environnement n'ont plus eu d’idée-force pour défendre le système des parcs nationaux aux Etats-Unis. Afin d'essayer de défendre ce système, ces défenseurs de la nature avancent que les parcs nationaux étaient une thérapie naturelle du mal être des travailleurs citadins. Ils ont soutenu que l'insuffisance de leur rendement est une conséquence de l’environnement défavorable et d'un manque de bien-être psychologique auquel on pourrait remédier par les régions naturelles. En outre ils ont essayé de montrer que des individus épuisés et des citadins ressentiront les régions naturelles comme une source de bien-être; les parcs et les réserves naturels sont alors utiles pour la régénération de leur esprit (cf. section 1.1) (Thomas, 1983 ; Runte, 1987 ; Philipsen, 1995). Par ailleurs, ils ont avancé un argument économique en citant l’exemple de la Suède qui offre de beaux panoramas ayant généré des millions de dollars américains chaque année (Runte, 1987).

Le prétexte économique fut avancé par beaucoup d’Américains au début de l’époque des loisirs qui a rendu les voyages populaires. Grâce à une demande élevée, le Gouvernement fut obligé d’améliorer le système routier des parcs nationaux. Par ailleurs, les organismes commerciaux 20 privés ont développé les structures et les services nécessaires pour les visiteurs dans le voisinage ou parfois dans les parcs : c’est la naissance de la relation entre les parcs et le tourisme! Le tourisme comprend :

‘« …les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans les lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs » En même temps, on entend par visiteur ou excursionniste toute personne qui se déplace vers un lieu située en dehors de son environnement habituel pour une durée inférieure à 12 mois et dont le motif principal de la visite est autre que celui d’exercer une activité rémunérée dans le lieu visité » (cf. OMT, 1993 : 2). ’

Le tourisme est ainsi un produit hétérogène et complexe, combinaison d’éléments séparés dans le temps et dans l’espace, souvent un ensemble pré-assemblé de prestations (transports, hébergements, services et cætera). Si l’on considère l’économie globale, le tourisme est l’un des principaux secteurs d’activité, et l’un de ceux qui connaissent la croissance la plus rapide.

Comme nous l’avons indiqué dans les lignes précédentes, l’institutionnalisation de l’idée de parc national dans le système politique et légal, fut marquée en 1916 par l’établissement du NPS. Cette création a révolutionné le modus operandi de tous les parcs nationaux américains. Les administrations des parcs ont été obligées de créer et de développer des « produits » attrayants pour les Américains pour les encourager à visiter leurs parcs au lieu de continuer à visiter les parcs européens (Runte, 1987 ; Karanja, 2002). Autrement dit, l’attraction des visiteurs/touristes est devenue un objectif opérationnel pour les parcs. Ce fut le point de départ du développement intensif des visites de parcs américains. En 1997, par exemple, les parcs américains ont reçu 270 millions de visiteurs. La prédiction c’est qu’en 2010, ils en recevront 500 millions par an (Karanja, 2002).

Notes
18.

Le parc de Yellowstone est situé essentiellement sur le territoire du Wyoming et secondairement sur ceux du Montana et de l’Idaho (cf. aussi section 3.1.3.2.)

19.

The National Park Service a été autorisé par la loi  « … pour promouvoir et régler l’utilisation des parcs nationaux en accord avec leurs buts fondamentaux de conserver les paysages, la nature, les lieux historiques, la vie sauvage, et conserver un plaisir identique pour les générations futures » (Runte, 1987 cité par Karanja, 2002: 6).

20.

Leur objectif était clair, il s’agissait d’attirer des touristes, en leur proposant des infrastructures pour parcourir et découvrir le territoire, dans le but de développer économiquement l’espace sauvage, tout en organisant la convergance des intérêts des différents groupes : touristes, autochtones, autour d’un projet non seulement économique, mais aussi moral.