3.1.1 Impacts socioculturels positifs

Bien que discutable, le tourisme est une pratique par laquelle les partenaires, notamment les visiteurs et les visités, se construisent mutuellement, parfois par des transactions culturelles et parfois par l’affirmation farouche de leurs traits distinctifs (cf. photo 09). Autrement dit, le tourisme donne au visiteur et au visité une opportunité de s’observer, de se comparer, d’identifier leurs différences et ensuite de porter des jugements sur soi-même et sur l’autre. Nous pourrions ainsi dire, en paraphrasant Guay & Lafebvre (1998 : 178), que « …chacun peut adopter, consciemment ou pas, certains traits de l’autre, mais chacun peut aussi affirmer sa propre identité… ». Néanmoins, il ne fait pas de doute que ladite situation n’est possible que dans le cas où la communauté d’accueil n’entretient pas de sentiment d’infériorité à l’égard des touristes, c’est-à-dire où le visité n’agit pas sous l’influence du visiteur. Dans cette situation le visité peut parvenir à renforcer son identité. Ainsi, Guay & Lefebvre (1998 :178) ont conclu que « …le développement touristique stimule l’identité collective… de la communauté d’accueil ».

Pye & Lin (1983) dans leur étude de Singapour ont conclu que le développement touristique a renforcé l’identité nationale. Ils ont observé en outre que l’Etat a systématiquement misé sur le tourisme à la fois pour stimuler la croissance économique, et pour valoriser une culture, une identité singapourienne. Peyrou (1992) dans son étude en Thaïlande a aussi observé que l’activité touristique peut renforcer la culture de la communauté locale. Les Thaïs, par exemple, utilisent le tourisme comme rempart socioculturel. A cause de leur identité distincte et forte, ils ne souffrent pas d’acculturation (cf. section 3.1.2.1) au contraire ils utilisent le tourisme pour renforcer certains référents culturels.

Ces cas illustrent la manière dont le tourisme peut être souhaité à titre de facteur d’émancipation et de valorisation socioculturelle. Le cas de Singapour toutefois n’est pas unique puisque plusieurs autres pays ont entrepris une démarche similaire. L’exemple le plus éloquent est celui de la ville de Québec évoqué par Guay & Lefebvre (1998). Cet exemple de Québec, démontre comment des lieux touristiques ont été créés à partir de symboles abstraits et de représentations qui ont une signification dans la mémoire collective. Ils sont de ce fait sacralisés 45 . Le processus de sacralisation commence quand la communauté d’accueil choisit ce qu’elle met en scène pour les touristes. A ce stade étape la communauté a sélectionné certains lieux, comportements et activités qui représentent sa culture. Ce processus est donc marqué par un réaménagement des signifiants d’origine et la production d’un inédit. En outre, comme Guay & Lefebvre (1998 :180) l’observent « …il ne peut y avoir pratique plus identitaire ». Dans ce contexte, on peut dire qu’il y a création d’un nouveau « produit touristique », que « le tourisme crée son objet », au contraire de la sagesse maasaï évoqué en section 3.3.

Notes
45.

La sacralisation est la mise en valeur touristique de certains espaces. Elle est un processus culturel qui traduit des états de la culture de la communauté locale (cf. MacCanell, 1976 ; Kadt, 1979).