3.3.2 Le tourisme comme stratégie pour gagner le soutien de la communauté locale

De nombreux environnementalistes reconnaissent la valeur des aires protégées mais la plupart ne proposent pas de stratégies à suivre pour assurer le soutien des communautés locales (Wells & Brandon, 1992; Ceballos-Lascurain, 1996 ; Funnel, 1999). Ce soutien est d’une importance primordiale pour la sauvegarde des zones protégées. Wood (1992) cite l’exemple de la destruction en 1913 de la vallée Hetch Hetchy dans le parc national de Yosemite (cf. section 1.3). Chez les amoureux et protecteurs de la nature, cet argument aboutissait à la conclusion suivante :

‘« …si l’on arrivait à persuader plus de citoyens américains de visiter ces trésors pittoresques, on pourrait reconnaître leur valeur et les défendre. Ainsi pour les environnementalistes, le tourisme était considéré comme le moyen d’exploitation le plus digne dans les aires protégées » (Wood, 1992: 12).’

Au Kenya, peu d’efforts ont été faits pour obtenir ce soutien (Olindo, 1991). Les Kenyans vivant dans la campagne n’ont pas assez de revenus et ils ne peuvent donc pas participer aux activités touristiques en tant que touristes. Leur seule contribution reste la vente des produits et des services touristiques. On pourrait à juste titre présumer que les communautés locales apprécieraient l’importance des aires protégées qui attireraient les touristes, et seraient donc un marché potentiel. La gestion des aires protégées se trouve au cœur du conflit entre les communautés locales et ceux qui veulent protéger l’environnement (Wood, 1992; Ceballos-Lascaurain, 1996 ; Holden, 2000). La tâche de la gestion kenyane pour maintenir l’équilibre entre ces deux parties est actuellement plus difficile qu’avant (Muthee, 1992; Akama et al., 1995). Ce défi est compliqué par l’accroissement démographique incessant qui excède les ressources alimentaires traditionnelles. Cette situation est plus grave dans la région d’Amboseli où les pâturages traditionnels sont maintenant classés « zones interdites ». A cause de la pauvreté, les communautés locales n’ont pas d’autres moyens pour faire boire leurs animaux domestiques à l’extérieur de parc, ils ne peuvent pas non plus irriguer leur terre pour nourrir les animaux pendant les saisons de sécheresse. Le PNA reste la seule source d’approvisionnement pendant ces saisons. Ainsi, la communauté locale ne voit aucune justification à l’existence de ce parc (Salm & Tessema, 1998). Cette situation doit être corrigée le plus tôt possible.

Pour maîtriser le danger potentiel d’une hostilité envers le parc, le Gouvernement a choisi la stratégie des « frais compensatoires annuels ». La communauté maasaï locale a été dédommagée pour la perte des pâturages dans le parc et en même temps, un projet de dérivation d’eau a été conçu pour réduire la dépendance à l’égard des ressources du parc. Le gouvernement a également encouragé le partage du revenu avec la communauté locale. Weaver (1998:123) observe : « …ces initiatives ont transformé le mode de vie traditionnelle maasaï en économie monétaire… » de façon à réduire la viabilité de la subsistance nomade traditionnelle. Ces conflits ont été aggravés par la croissance démographique et ses besoins en ressources alimentaires. La création des aires protégées a compliqué ce problème avec la compétition pour les ressources destinées à la consommation du bétail et celles destinées des animaux sauvages (KWS, 1994; Sindiga, 1995). Si elle n’est pas contrôlée, les éleveurs tenteront d’exploiter les ressources du parc pour leur bétail. Selon Sindiga (1995), cette compétition donnera lieu au braconnage. Ce phénomène se manifeste souvent dans des aires protégées kenyanes (cf. par exemple section 5.2.2.1 (b)).

Des projets pour résoudre ces conflits doivent être conçus car les aires protégées ne peuvent pas prospérer sans le soutien des communautés locales (Kiss, 1990; Akama et al., 1995; Sindiga, 1995 ; Funnel, 1999). Cela est une bonne suggestion, mais rien n’a été dit sur le chemin à suivre. Sindiga (1995) s’occupe uniquement des moyens de compensation pour les victimes des animaux sauvages et de la perte des ressources traditionnelles. En 1990, le KWS a introduit un programme où les recettes échues et plus particulièrement les droits d’entrée sont partagés avec les communautés locales. Ce programme ne connaît que les propriétaires fonciers dans le voisinage des parcs. Cette stratégie a été abandonnée dans le cas du PNA car elle s’est montrée difficile à mettre en œuvre (Olindo, 1991). Il semble évident, donc, qu’il faille développer une plus grande complémentarité entre le parc et les ‘Group Ranches’ 55 (GRs) environnants (cf. aussi section 13.3.1.1). Il faut sensibiliser tous les partenaires et orienter tout le monde dans le même sens. Il faut élaborer un programme commun dépassant les frontières du PNA grâce à un accord avec la communauté locale. Tout ceci passe par une meilleure communication de la part des aménageurs du parc et par une amélioration du dialogue et de la concertation.

Notes
55.

Le Group Ranch est l’organisme par lequel les droits de propriété de la terre de la communauté sont gérés par la loi. Une formule juridique qui donne l’illusion de respecter les intérêts communautaires. Chaque habitant dans la communauté a le droit à devenir un membre du GR. Les délégués élus au comité régulièrement proviennent de la communauté.