3.4.2 Changement économique

Comme évoqué auparavant, le tourisme est presque devenu la panacée des problèmes économiques pour quelques membres de la communauté maasaï. Néanmoins, d’une façon un peu paradoxale, la plus grande partie de la même communauté est contre le PNA qui est actuellement la principale ressource touristique dans la région (Western et al., 1994 ; Sindiga, 1995; Reid et al., 1996 ; KWS, 1997). En relation avec cette observation, nous nous posons les questions suivantes : pourquoi la communauté maasaï est-elle contre le parc, ce qui est en contradiction avec ses traditions en ce qui concerne la conservation et à la gestion de la vie sauvage (cf. section 5.2.2.3) ? Quel est donc l’avenir de la conservation de la vie sauvage dans la région en général ? Les Maasaïs sont-ils contre les politiques d’administration du parc ? Si oui, quelles politiques en particulier et comment veulent-ils les modifier pour accorder leur appui ?

Comme nous l’avons évoqué dans les lignes précédentes, il est indéniable que le tourisme crée des activités nouvelles au sein même de l’exploitation. Dans la région d’Amboseli, le PNA, les hôtels, les campings et les centres de culture maasaï offrent des emplois salariés à temps complet ou à temps partiel aux membres de la communauté locale. En relation avec cette constatation, il faudrait savoir qui fournit cette force de travail : les hommes, les femmes, les jeunes (hommes ou femmes) ? Quel rôle jouent-ils ? Quel y est leur statut ? Pour les employeurs, quel intérêt y a-t-il à employer les locaux ? Le choix d’un emploi dans un organisme touristique par un jeune maasaï dissout-il (peu à peu) les rapports qu’il entretient avec sa famille et la communauté en général ? Est-ce le prélude à sa prolétarisation pure et simple ? Afin de bien comprendre cette question on raconte l’histoire d’une vieille femme haïtienne avec quatre filles :

‘« L’une très jolie, a été embauchée comme hôtesse dans un hôtel. On devine qu’après quelques amours sans suite avec des touristes, elle a commencé à se prostituer. Sa famille ne la voit plus et elle ne lui remet plus son salaire. Une de ses sœurs, moins jolie, est femme de ménage dans le même établissement. Une autre, pas jolie du tout, travaille dans les cuisines, et la dernière, handicapée, reste à la maison. La mère soupire : celle qui est mieux payée, ce n’était pas la meilleure. Quelque chose a été durablement brisé dans cette famille » (Valayer, 1998 :108).’

Quelques jeunes, employés dans ces métiers au contact direct des touristes sont bien sûr tentés, pour une meilleure intégration au milieu touristique qui les fascine, d’utiliser ce salaire pour s’habiller comme les touristes, et, pour les filles, pour leur maquillage et leur parfum.

Plusieurs auteurs ont observé que l’espace rural n’est utilisé que comme support ou est très modifié pour répondre aux intérêts des investisseurs touristiques et des touristes, sans référence aux aspirations des communautés locales (Clary, 1993 ; Olivier, 1999). Il est alors fondamental de comprendre si le tourisme dans la région d’Amboseli est réellement intégré dans l’économie locale et la vie régionale, ou s’il ne concerne qu’une frange ou quelques points périphériques, utilisant un espace support (cf. section 13.3).