5.2.2.1 Administration du PNA 

(a) Création du PNA

Pendant la période coloniale au Kenya, les Anglais ont toujours trouvé du plaisir dans le milieu naturel. Toutefois, leur intérêt pour cet environnement s’est modifié. Les Anglais vivant dans les villes, sont allés à la campagne pour la chasse – hunting safari. Il convient de souligner, qu’avant, les Anglais vivant au Kenya n’avaient pas de terres. Or pour chasser ils avaient besoin de terres ; ils s’en sont donc appropriés pendant le régime colonial. Ces acquisitions se faisaient souvent par l’expulsion des Kenyans de leurs terres traditionnelles, pour créer des zones de chasse qu’ils ont appelées plus tard les Game Reserves et ensuite les aires protégées. Autrement dit, le safari-chasse a été la justification principale pour la création de ces réserves. Ces aires protégées leur assuraient la possibilité de chasser sans que les Kenyans ne viennent traquer le même gibier qu’eux.

D’ailleurs, comme nous l’avons noté dans la section 1.5, le premier souci des autorités britanniques était incontestablement d’élaborer une politique de protection de la wildlife. La tendance générale a été d’isoler et de séparer la faune sauvage des populations, qui non seulement cohabitent depuis plusieurs siècles avec elles, mais surtout sont les premiers responsables de sa perpétuation (cf. aussi section 10.1). Force est de constater qu’aux yeux des colonialistes, s’il ne fait aucun doute que la nature sauvage doive impérativement être sauvegardée et protégée, à contrario, il n’en va pas de même pour les populations autochtones car ils considèrent leurs structures sociales comme primitives et immorales, par conséquent devant entraîner leur suppression. Les Maasaïs illustrent parfaitement ce constat puisque, ironie de l’histoire, ils se verront tous à leur tour confinés au sein de cette même Game Reserve qui, initialement prévue pour contrôler la faune sauvage dans le sens de sa préservation, sera alors davantage conçue pour contrôler ces « féroces guerriers » ; mais, cette fois à l’inverse des bêtes, dans le sens de leur destruction, du moins de leur mode de vie et de leurs structures sociales.

La création, voire l’existence des aires protégées doit être soutenue par la communauté locale (Richez, 1992 ; Wood, 1992). Cette dernière doit en comprendre l’importance. Ainsi des négociations entre le Gouvernement (central ou local) et la communauté locale permettent d’envisager une implantation d’aires protégées. Des experts sont ensuite consultés pour examiner la viabilité du projet et les différents paramètres : humains (les infrastructures) et naturels (paysage, flore, faune). Cependant, l’histoire de la création des aires protégées par le Gouvernement colonial au Kenya est bien marquée par le manque de telles négociations ou consultations. En fait, les autorités de l’Etat colonial, éclairées par les conceptions technicistes et évolutionistes des « experts occidentaux » 86 , au lieu de tenter de le comprendre, n’ont de cesse de critiquer violemment le bien-fondé d’un tel système traditionnel jugé « retardé » et considéré comme un obstacle au progrès.

Les communautés sont étonnées de voir des inconnus circuler sur leur territoire après l’appropriation des terres nécessaires à la réalisation du projet. La communication d’informations de qualité est un préalable indispensable à une compréhension réciproque, laquelle renforce la motivation et crée un climat de confiance mutuelle qui a son tour conduit à la coopération et à la collaboration des parties concernées et, à terme, au partage de responsabilités et à une intégration véritable 87 . Ce Gouvernement, avec ses politiques plus proches de la dictature que la démocratie, a simplement expulsé et déplacé des habitants. Ces créations antidémocratiques signifient contraintes et interdictions non justifiées (Olindo, 1991 ; Richez, 1992). C’est une manifestation claire comme un Etat peut déposséder autoritairement une communauté minoritaire du droit de jouissance de ses terres.

Ceci illustre nettement l’histoire de la création du PNA qui est en contradiction avec concept de développement local lui-même (Brandon & Wells, 1992) qui devrait être avant tout capable de :

  • répondre aux nécessités locales et mobiliser les capacités,
  • profiter des ressources endogènes aussi bien qu’exogènes,
  • promouvoir la participation de la population et stimuler les mécanismes de solidarité,
  • engendrer des effets multiplicateurs pour la communauté locale, et
  • être capable d’intégrer des initiatives à différentes échelles.

Les objectifs globaux pour le PNA sont de:

  • conserver l'échantillon représentatif de la savane parsemée d'acacias, de la prairie alcaline édaphique, et d'habitats de marais,
  • maintenir autant que possible la diversité de la flore et de la faune trouvées dans ces habitats,
  • continuer à soutenir le développement économique du District de Kajiado et des GRs environnants par des revenus générés par l’utilisation touristique du parc,
  • fournir des opportunités touristiques aux touristes nationaux et internationaux en rapport et en conformité avec la ressource intrinsèque du parc,
  • présenter des opportunités pour l'information de tous les acteurs et pour leur permettre d’apprécier les ressources naturelles et humaines de la région d'Amboseli, et de
  • favoriser la recherche sur l'écosystème d'Amboseli afin de soutenir ses buts de gestion et d'éducation (KWS, 1991 ; 1994a ; 1994b).

Or le premier Gouvernement issu de l’indépendance a conservé l’ensemble de la structure du système des aires protégées de l’époque coloniale - une structure conçue dans la capitale par des citadins. Kibicho (2003 : 17) l’écrit vigoureusement, « …on a changé les danseurs, mais la musique reste la même : elle marginalise, ignore et domine… les communautés indigène. Ainsi, les administrations des aires protégées ont perpétué des pratiques et des politiques de ladite époque sauf celles de la chasse qui ont été abandonnées. Ainsi il n’était pas possible pour les communautés de voisinage des aires protégées de retrouver l’utilisation traditionnelle de ces aires. Bien sûr, les Maasaïs vont conserver certains droits au sein du PNA, mais pour combien de temps ?

Notes
86.

A l’heure actuelle, des fois ces « experts » ont des « qualifications » médiocres mais ils ont « les moyens nécessaires : financières, origine de naissance… » d’influencer « l’autorité » à danser sur leur musique : musique qui rarement ne sert que les besoins, les objectifs et les priorités « étrangers ».

87.

Une telle intégration doit être guidée par le principe suivant : « Deux hommes, s’ils veulent s’entendre vraiment, ont dû d’abord se contredire. La vérité est fille de la discussion, non pas fille de la sympathie… » (Murphy, 1983 : 134).