5.2.2.2 Touristes

Contrairement aux biens traditionnels, où les ressources sont transformées pour être livrées aux consommateurs, dans le tourisme, ce sont les touristes qui vont aux ressources (cf. section 11.1) : un mouvement nord-sud (cf. aussi section 9.2). Comme nous l’avons indiqué auparavant (Section 2.2), l’analyse du tourisme au Kenya doit être placée dans le cadre des flux internationaux, surtout des pays développés. Autrement dit, la majorité des touristes vient de sociétés urbaines dont la perception de l’environnement a changé d’anti-milieu naturel à pro-milieu naturel. L’autre catégorie vient de zones urbanisées, surtout de la ville de Nairobi et de Mombasa. Cette dernière catégorie de touristes est très influencée par la civilisation occidentale notamment le système d’éducation, la technologie et la culture urbaine. Par conséquent, il n’y a pas une grande différence entre les touristes qui viennent de Nairobi ou de Londres quant à la perception du milieu naturel. Ainsi le tourisme dans la région d’Amboseli participe d’une appropriation 91 de l’espace (Deprest, 1997). Si bien que la présence des touristes dans la région d’Amboseli a ouvert la voie à un nouveau système économique.

Aux touristes, le milieu naturel suggère l’idée de relaxation et de bien-être (cf. aussi sections 1.1 & 8.4). Il lui permet de « souffler », de « respirer », de se « retrouver » et de « redécouvrir » l’essentiel, le « vrai », aussi appelé l’authentique d’un mode de vie passé, que l’urbanité, dans sa logique mécanique, a fait disparaître. En conséquence, la relation au parc visité est ainsi de nature purificatrice puisqu’elle renvoie à l’idée de ressourcement. Le parc semble ainsi favoriser une forme de délivrance afin de pouvoir s’engager dans une forme de liberté. Ainsi, lors d’un séjour touristique, les citadins-touristes sont particulièrement sensibles à l’harmonie ambiante (paysage, environnement, climat et végétation) et veulent être en harmonie avec l’environnement : ils cherchent une forme de perfection qu’ils ne trouvent pas en ville. Cette recherche de paradis rejoint le mythe paradisiaque développé par Jung qui ‘« …correspond au mythe du paradis perdu dont le thème fondamental est l’harmonie… »’ (1956 ; cité par Bergery, 2003 : 171).

Par conséquent, pour les visiteurs, le parc doit servir à préserver les espèces animales et végétales et il doit s’insérer dans le milieu du tourisme de découverte. Ainsi les ressources naturelles (la flore et la faune) seront appréciées et ne seront pas consommées. En utilisant les mots de Richez, du point de vue du touriste ‘« …le parc est une expression quasi magique qui évoque la nature, la nature perdue presque partout »’ (1992 :11). Autrement dit, les parcs sont des îlots de nature perdus dans un océan de laideur et de pollution (Runte, 1987). De tels territoires sont perçus par les urbains (Kenyans et internationaux) comme des espaces complémentaires à ceux qu’ils contrôlent déjà dans les agglomérations, à l’exemple des « terrains de golf » ou des « jardins de tourisme ». Ainsi, on peut dire sans exagération que, la révolution urbaine est le moteur réel du tourisme moderne au Kenya, voire mondial. La tyrannie et le stress des « mouvements pendulaires » des citadins accroissent le besoin régulier d’évasion, accentuant les ondes de marée récréative, flux et reflux du tourisme.

Notes
91.

L’appropriation de l’espace n’implique pas nécessairement d’en exclure les autres. Une même destination peut offrir des cenres d’intérêt différents aux touristes. C’est ce qui s’est passé dans la région d’Amboseli.