9.2 Caractéristiques des visiteurs du PNA

La majeure partie des données présentées dans ce chapitre a été obtenue par une enquête sous forme de questionnaires proposés aux touristes qui sont entrés dans le PNA par les quatre portes (Erimito, Kitirua, Loitoktok et Namanga (cf. figure 4.2 & section 4.1)) pendant la période d’étude. La méthodologie de collecte des données est détaillée au chapitre VI. Une copie du questionnaire utilisé pour obtenir les informations auprès des touristes est fournie comme annexe A2. Les 131 questionnaires collectés permettent de dresser un profil sociologique et de cerner les comportements et les attentes des touristes du PNA.

Les visiteurs du PNA sont souvent des habitués. En effet un quart d’entre eux reviennent dans le parc, et 12% ont effectué plus de 3 visites, ce qui montre une certaine fidélisation des touristes. Peut-être est-ce une catégorie de touristes qui n’aiment pas changer de destination touristique, qui n’apprécient pas vraiment l’aventure et la découverte. Holden (2000) les appelle les psychocentrics. Cette catégorie est plutôt conservatrice tant qu’elle n’est pas déçue par le lieu de ses vacances. On trouve seulement 36% de visiteurs néophytes effectuant leur première visite dans le parc, ce qui témoigne néanmoins d’une certaine attractivité du PNA. Ces touristes se déplacent en groupe de safari : 53% en groupe de cinq personnes, 27% sont en groupe de moins de cinq personnes et 20% en groupe familial. Normalement, les touristes passent par des agences de voyage ou des voyagistes et ils sont donc comptabilisés dans les groupes.

La majorité des touristes du PNA vient des Etats-Unis (41%). Les autres viennent du : Royaume Uni (18%), d’Israël (11%), du Kenya (10%), d’Allemagne (9%), de Suisse (5%), des Pays Bas (2%) et d’autres pays (4%) (cf. aussi figure 9.1). Il est étonnant de constater que les touristes allemands sont sous-représentés dans le PNA par rapport à l’importance de ces touristes dans la fréquentation internationale du Kenya (33%) (Kenya, 2003). Il existe une différence incontestable entre les touristes américains et leurs homologues allemands. Les Américains préfèrent rester dans les parcs tandis que les Allemands optent pour les séjours organisés alliant le plus souvent safari et séjour de « …‘repos au bord des eaux turquoise de l’Océan Indien’ » (Kenya, 2000 : 163) (cf. photo 04). En même temps, il n’est pas étonnant de constater que la clientèle nationale est moins importante (10%) ; le tourisme au Kenya est dominé par les touristes internationaux (cf. section 2.2). Autrement dit, cette observation correspond parfaitement aux marchés les plus importants du tourisme kenyan en général (Kenya, 1998 ; 2000 ; 2003). En plus, cela confirme le flux nord-sud des touristes suggéré par plusieurs auteurs (Smith & Turner, 1973 ; Butler, 1974 ; 1980 ; Pizam, 1978 ; Kadt, 1979 ; Barnier, 1983 ; Runte, 1987 ; Kiss, 1990 ; Cazes, 1992a ; 1992c ; OMT, 1993 ; WTO, 1996 ; Deprest, 1997 ; Duhamel & Sacareau, 1998 ; Michel, 1998 ; Valayer, 1998).

Figure 9.1 : Origine des touristes du PNA (%)
Figure 9.1 : Origine des touristes du PNA (%)

L’importance du marché touristique national mérite cependant une certaine attention. C’est le plus important de beaucoup de pays (Murphy, 1983 ; Sindiyo, 1992 ; Sindiga, 1995 ; Holden, 2000). Il est plus stable, moins saisonnier et moins sensible à la compétition internationale, facile à comprendre et facile à satisfaire par les fournisseurs locaux. Qui plus est, un solide marché touristique national réduit l’image négative d’une activité touristique écrasante aux yeux de ceux qui recherchent l’authenticité et n’aiment pas se sentir dans « une colonie étrangère ». Dans des perspectives nationales cependant, le marché domestique du tourisme au Kenya est loin d’être développé voire exploité principalement à cause des contraintes économiques. Comme dans les autres pays du Tiers Monde, seules les « classes riches » voyagent, pratiquant surtout le modèle du grand tour (planétaire). L’absence d’une « classe moyenne » dans ces pays limitera sans doute le tourisme national. Le PNA étant majoritairement fréquenté par des touristes venus de l’espace géographique « international », on pourrait dire par extrapolation que le tourisme dans la région d’Amboseli est un phénomène clair où un « système international » domine un « système régional/local ». En outre, en raison du faible dynamisme propre de la région et de sa forte soumission aux décisions extérieures, on peut parler d’une situation « d’interférences » de niveau (inter)national. Cette appréciation s’appuie aussi sur le fait que la région se trouve à proximité de la frontière tanzanienne. En dépit de progrès réels mais partiels dans le domaine du commerce illégal de l’ivoire par exemple, il persite une absence de coordination entre le Kenya et la Tanzanie sans doute regrettable et préjudiciable aux intérêts kenyans.

La durée du séjour dans le PNA est courte car 25% des touristes n’y restent qu’un jour, et 39% juste deux jours. On remarque que les Américains restent plus longtemps dans le parc que les autres touristes : 55% y séjournent entre 5 et 6 jours, et 64% une semaine ou plus. Par ailleurs, les Anglais restent généralement moins longtemps dans le parc puisqu’ils sont 61% dans des groupes d’excursionnistes. Ce type de visites est rendu possible par l’alternance rapide temps de travail/temps libre provoquant un tourisme intégré différemment dans le temps de travail et de loisir. La majorité (59%) d’entre eux provient de Nairobi. Ces touristes qui viennent peu de temps laissent malheureusement peu de retombées économiques sur les milieux concernés, car ils apportent souvent avec eux l’essentiel de leur nourriture. La dépense moyenne des répondants par personne et par jour était environ de 100 dollars américains, avec une grande variation entre les individus. Le niveau de dépenses des touristes américains, par exemple, est relativement élevé (Kruskal-Wallis H = 10,914, Asymptotic Sig. = 0,005). La plupart dépensent davantage pour le logement tandis qu’un faible pourcentage d’argent est utilisé pour le divertissement, ce qui est dû au manque d’opportunités récréatives.

Ces observations peuvent être utiles dans le cadre de la programmation des campagnes de marketing et plus particulièrement pour cibler les différents marchés en fonction de la durée du séjour. On peut dire par exemple que les touristes israéliens constituent une catégorie touristique très intéressante car ils sont fidèles et ils pratiquent des séjours relativement longs, ce qui montre bien leur intérêt pour la nature (après les Américains) (Kruskal-Wallis H = 11,603, Asymp. Sig. = 0,005). Ils font partie de groupes socioprofessionnels élevés avec de hauts revenus. Ils peuvent donc dépenser beaucoup d’argent dans la région d’Amboseli. Malgré leur goût pour la nature, ils préfèrent les hôtels de luxe gérés par des structures extérieures à la région aux campings souvent gérés par la communauté locale, ce qui n’est pas intéressant du point de vue économique pour la destination. Ce type de tourisme, à grande échelle, tend à apporter de moindres avantages à la communauté locale.

Les hébergements privilégiés sont les campings (49%), les lodges dans le parc (36%), les lodges dans la périphérie du parc (10%) et les hôtels de luxe (5%) (cf. figures 9.2 & 4.4 et table 4.2).

Figure 9.2 : Hébergements privilégiés
Figure 9.2 : Hébergements privilégiés

On doit noter que le choix d’équipements d’accueil légers (les campings et quelquefois les lodges) dans la région d’Amboseli n’est apparemment pas un mode d’hébergement pour catégories sociales défavorisées, mais il correspond plus à un choix de mode de vie dans un environnement non artificialisé par l’homme. Certains touristes les préfèrent aux confortables hôtels : ils s’y sentent plus proches de la nature et de l’aventure, ce qui correspond à un esprit de liberté de leur part. Ils semblent attirés par le milieu naturel du parc et il semblerait aussi qu’ils soient très sensibilisés aux problèmes environnementaux. Donc, le camping semble être un mode de safari avant d’être un symbole d’appartenance à une catégorie sociale. On constate que jusqu’à 45 ans le camping est le premier mode d’hébergement, or 70% des campeurs ont entre 26 et 45 ans. Les hôtels de luxe semblent plus prisés par les plus de 45 ans, voire les retraités. Sans forcer le trait, on peut donc dire qu’à partir d’un certain âge on recherche des hébergements plus confortables et souvent plus onéreux. Qui plus est, pour des touristes âgés, la récréation ou l’occupation de loisir proche de la nature possède une force d’attraction prédominante.

En ce qui concerne le sexe de sondés, on remarque dans le PNA une forte proportion d’hommes (58%), qui ont entre 45 et 55 ans (46%), possédant des diplômes de l’enseignement supérieur (52%). La perception du PNA ne change pas en fonction du sexe. De plus, on note que, quel que soit l’âge, malgré quelques nuances, les touristes visitent le PNA pour les mêmes raisons. On constate tout de même que les cadres supérieurs semblent mettre l’accent sur la conservation des espèces vivantes et le paysage.

Tableau 9.1 : Profil des répondants/touristes
Caractères démographiques n = 131 %
Sexe
Hommes
Femmes

76
55

58
42
Age
<25
26-35
36-45
46-55
>56

14
34
46
24
13

11
26
35
18
10
Etudes
Secondaires ou moins
Diplôme secondaire
Diplôme univérsitaire

3
9
119

2
7
91
Origine
Etats-Unis
Royaume Uni
Israël
Kenya
Allemagne
Autres nationalités

54
24
14
13
12
15

41
18
11
10
9
11