9.6 Implications

Les différences identifiées entre les trois groupes mises à part, la demande générale d’information touristique et d’amélioration des panneaux de signalisation dans le PNA devrait être soulignée, puisqu’il devrait être facile de répondre à cette demande avec un investissement peu élevé et avec peu d’impacts négatifs sur l’environnement. L’importance de l’image globale d’une destination touristique qui dépend des éléments comme ‘l’aire protégée’, ‘les cultures locales’ et ‘l’environnement’, appelle une stratégie intégrée de développement touristique. Cependant, une stratégie de développement touristique bien définie et géographiquement limitée pourrait fournir un cadre, dans lequel chaque fournisseur de services/produits touristiques décide les limites de spécialisation et/ou de généralisation de l’offre touristique. Ces limites toutefois, devaient éviter les incompatibilités avec la stratégie globale de développement touristique dans une destination. On attirerait ainsi un groupe de touristes dont la satisfaction est possible à partir des ressources disponibles, ce qui favoriserait la conservation de ressources culturelles et naturelles et toute la communauté locale. La prise en compte systématique du groupe de touristes peut fournir un guide à l’action, faciliter l’arbitrage des décisions et permettre à chacun de définir son rôle par rapport à ce groupe-client. Cette référence au groupe spécifique permet également de mettre en lumière combien les liens entre les activités touristiques sont indispensables pour réaliser le produit ou rendre le service. En conséquence, le marchéage 131 optimal peut être défini en utilisant la Game Theory 132 . Ladite théorie a la capacité de coordonner et de mobiliser des savoir-faire ou des compétences hétérogènes qui sont associées à la fois quantitativement et/ou qualitativement, préalablement à la réalisation de sa production. Elle fait des conventions 133 un ensemble ou un système d’attentes réciproques largement tacites, de savoirs partagés et de règles de comportements non contractuelles, c’est-à-dire implicites. Cette situation suppose notamment que soient mises en avant deux modalités pour atteindre un tel résultat. La première concerne l’intégration horizontale ou la coopération qui implique que les différents acteurs participant à la réalisation d’un produit touristique global coordonnent ex ante leurs activités respectives (cf. chapitre V). La seconde est celle de l’intégration verticale impliquant que les différentes activités touristiques soient coordonnées au sein d’un seul et même acteur, par exemple le KWS (cf. aussi section 13.2.2). On doit noter que ces deux modalités ne sont pas alternatives en ce sens qu’elles coexistent dans la réalité parce qu’elles n’engendrent pas les mêmes contraintes. Toutefois, il est important de savoir comment des acteurs qui disposent de compétences différentes mais complémentaires vont pouvoir se faire mutuellement confiance pour élaborer un produit touristique dont aucune compétence ne peut maîtriser entièrement la réalisation. Selon les cas, il sera important de faire intervenir des mécanismes de diffusion de l’information ou de référence à une réputation bien établie (cf. section 2.3). La confiance mutuelle et les codes de comportement font partie de ces mécanismes palliatifs du marché ou de la concurrence. Cette proposition tient compte du fait que la confiance et la coopération peuvent exister, même dans une situation où les entreprises sont mues par la recherche de leur intérêt particulier (cf. la preamble du chapitre VIII) (Murphy, 1983 ; 1985 ; Roux, 1999 ; Réau-Chevaleyre, 2003 ; Spindler, 2003). Qui plus est, c’est pour pallier les externalités que des certifications sont mises en place, et que des indicateurs de tourisme durable sont construits (cf. aussi sections 2.3 & 13.1).

La fréquentation touristique du PNA est une claire manifestation du phénomène urbain. Ceci est bien montré par le nombre de touristes venant des deux principales métropoles du Kenya : 53% des visiteurs totaux viennent de Nairobi et 32% de Mombasa. En se référant à une célèbre formule de Newton (Gravitation Law of Newton) on est tenté de dire que, en termes touristiques, plus un parc national est proche d’une grande concentration urbaine, plus sa fréquentation est intense et plus il est dépouillé de sa véritable signification d’aire protégée. Le public qui va dans une aire protégée est certes heureux d’y aller, mais il lui faut une nature humanisée et aseptisée : des routes, des poubelles, des toilettes et cætera. En outre, tous les modèles de consommation touristique montrent que plus la ville grandit (taille, richesse, structure social…) plus augmente le taux de départ en vacances de ses habitants (Beaujeu-Garnier, 1980 ; Barnier, 1983). Pour reprendre les termes de Beaujeu-Garnier (1980 : 61) on constate tout au long du XXème siècle d’ailleurs que « …le réservoir des flux touristiques se situe d’abord dans un réseau de villes, en corrélation à leur formidable croissance démographique et économique… ». On constate ainsi la mise en place d’une double échelle :

En bref, les aires urbaines – surpeuplées, émettrices, dominantes et organisatrices de leur espace interne – se développent par « annexion-intégration » vers leur périphérie (rurbanisation). Ce mécanisme illustre simplement la théorie centre-périphérie : les grandes métropoles émettent des vagues déferlantes de plus en plus puissantes s’étalant vers la périphérie (Brown, & Hall, 2000). Cependant, la répartition n’est pas homogène (dite isotrope) sur 360°. Les potentiels naturels, les contraintes physiques, les couloirs de transport, la montée de la promotion attractive et cætera créent des distorsions, privilégient des directions, des axes, soit par proximité, soit par héliotropisme (nord-sud), soit par l’importance des voies courtes de circulation routières (Beaujeu-Garnier, 1980 ; Barnier, 1983 ; Saremba, & Gill, 1991 ; Polton, 1994; Valayer, 1998 ; Roux, 1999 ; Brown, & Hall, 2000; Holden, 2000 ; Paulet, 2000; Wels, 2002). Dans ce dernier cas, les routes vers les aires protégées au Kenya « contournent » le pays par le Sud privilégiant au passage Nairobi-Lac Nakuru-Maasaï Mara-Amboseli-Tsavo (East & West)-Mombasa faisant un archipel d’eutrophisation touristique (cf. figure 1.2 & section 2.3).

Ces analyses ont montré qu’un groupe important de touristes du PNA apprécie beaucoup « l’environnement non-pollué », et est hostile à des modifications environnementales. Par conséquent l’introduction de nouvelles offres touristiques doit être faite avec prudence et devrait aussi être bien intégrée dans cet environnement. La préférence des campings illustre l’intérêt pour un logement plus personnalisé et plus léger qui fournit l’intimité, la paix et la tranquillité, l’authenticité et la proximité avec la nature.

Notes
131.

Le marchéage d’une destination touristique est composé de beaucoup de variables. Elles peuvent être groupées en quatre catégories principales : le site, la promotion, le produit et le prix. Le site implique les moyens qui doivent faciliter l’accès des visiteurs au(x) produit(s) touristique de la destination donnée (cf. sections 9.4 & 9.5). La promotion communique les avantages des produits touristiques qu’une destination offre aux touristes potentiels (cf. section 9.5). Le produit touristique inclut non seulement les éléments visibles des offres de destination touristique (cf. section 11.1.1), mais également la gestion des destinations tout au long de leurs cycles de vie (cf. section 12.4), le management du développement de nouveaux produits, et le développement des stratégies appropriées au produit (cf. section 11.2.2.1). Le prix est une variable cruciale dans le marchéage d’une destination touristique (cf. section 11.2.2). Le « meilleur prix » doit satisfaire des touristes et satisfaire les objectifs de profit des entrepreneurs de tourisme dans une destination. Aucune variable du marchéage de destination ne devrait être considérée isolement des autres, car leur interaction produit un impact combiné sur le marché (cf. la théorie du système touristique – section 5.1).

132.

La Game Theory (théorie des jeux) a fait ses preuves comme un outil théorique utile dans les stratégies concurrentielles dans lesquelles tout le monde est entraîné à chercher la meilleure stratégie. Parfois ces stratégies exigent une coopération entre les acteurs. L’idée générale qui est au cœur de cette théorie consiste à dire que le système économique (les agents économiques échangent, travaillent, et cætera) fonctionne grâce à des cadres communs sans lesquels aucune forme d’échange, même ponctuel, ne serait possible. Des procédures collectives (des conventions) viennent en quelque sorte aider l’agent économique dans ses décisions individuelles (Krippendorf, 1977 ; Runte, 1987).

133.

La théorie de convention parvient à mettre en place une approche de la diversité des modes de coordination fondée sur l’idée que les agents d’un système ont besoin, pour agir, de référents communs et de représentations partagées. Les acteurs sont donc capables, pour surmonter certaines situations d’indécidabilité, de produire des conventions par leurs actes. De telles conventions recevront une adhésion significative si ces acteurs-producteurs sont en mesure de les légitimer par des critères de justification. La diversité des formes et des critères de rationalisation possibles autorise à penser que plusieurs configurations conventionnelles peuvent coexister sur un même espace touristique et qu’à certains moments, certaines configurations sont plus importantes que d’autres puisqu’elles sont rationalisées de manière plus efficace (Krippendorf, 1977 ; Runte, 1987 ; Cuveiler, 1998 ; Viard, 1998 ; Spindler, 2003).