10.2.2 Menaces extérieures

Les menaces extérieures proviennent des décisions différentes qui concernent le devenir du PNA. Tout d’abord, le parc semble menacé par des activités de personnes du pays limitrophe qui est la Tanzanie. En Tanzanie, le safari-chasse, voire le commerce de l’ivoire et de la corne (notamment de rhinocéros), sont toujours légaux. En conséquence, quand des animaux sauvages du PNA entrent dans ce pays, ils risquent d’être tués. En 1989, par exemple, le plus grand éléphant du monde (surnommé Ahmed) qui appartenait au PNA a été tué en Tanzanie juste à quelques mètres de la frontière Kenya-Tanzanie. Cet éléphant jouissait d’une sécurité de 24 heures sur 24 par un décret présidentiel. Les tueurs d’Ahmed ont campé à quelques mètres de ladite frontière pendant plusieurs semaines, attendant que cet éléphant traverse la frontière du Kenya. Quand il a finalement franchi la frontière, dix chasseurs de safari prêts avec leurs puissantes armes de chasse sont soudainement apparus et en quelques secondes l’animal a été tué. Informée de cet incident, l’autorité kenyane a organisé une opération armée qui a abouti à la restitution de l’éléphant mort. Ceci a été suivi de négociations politiques à niveau élevé pour normaliser les relations diplomatiques entre les deux pays. Les restes d’Ahmed sont actuellement conservés dans le National Museum of Kenya. Cependant, la bataille est loin d’être finie car des milliers de bêtes sauvages continuent d’être massacrées quand elles traversent la frontière du Kenya.

Ensuite, cette aire protégée subit les menaces du développement des équipements périphériques proposant de plus en plus de nouvelles superstructures (l’électricité, l’eau potable, l’assainissement - le traitement des eaux usées, les pistes). Les multiples activités touristiques ainsi que les hébergements en camping et les Maasaï Cultural Manyattas font peser aussi de sérieuses menaces sur le PNA (cf. aussi section 12.2).

Enfin, certains habitants locaux sont hostiles à l’institution du parc. La communauté locale vivant à la périphérie du PNA dans des conditions socio-économiques difficiles souhaite pouvoir tirer profit de son environnement (le parc inclus). Elle est prête à faire des jeux d’alliances les plus divers, notamment avec les politiciens à qui elle facilite la tâche et qui les dépossèdent par ailleurs de l’essentiel des bénéfices qu’elle était légitimement en droit d’attendre d’une valorisation économique des espaces sur lesquels elle a toujours vécu et qu’elle a contribué à faire fructifier. A cause des contraintes et servitudes qu’entraîne la présence du PNA et afin de tirer profit des possibilités qu’offre le tourisme, cette population revendique une compensation : l’accès au parc et l’utilisation de ses ressources. Cette revendication la fait souvent entrer en lutte avec le gestionnaire du parc et le gouvernement en général. L’antagonisme entre certains membres de la communauté du voisinage et les responsables du PNA se manifeste par la multiplication d’activités illégales dans le parc comme l’ouverture de pistes pastorales sans aval du personnel du parc et des coupes illicites de bois, ainsi que du vandalisme sur le bois vert, généralement opérées de nuit. D’autres fois, les locaux manifestent leur rébellion et font connaître leur résistance en massacrant de nombreux animaux sauvages. Ils montrent aussi leur désaccord en détruisant le matériel d’information et de signalétique. Un répondant de la communauté locale a observé :

‘« Je vis au quotidien dans un village traditionnel, au milieu des troupeaux, dans cette région réputée pour renfermer les plus beaux lions et éléphants, une terre si belle, grignotée par les gens de l’extérieur, qui aiment créer sans cesse des aires protégées dans lesquelles nous ne sommes pas les bienvenus. Dès qu’une terre est prise pour un parc national, notre liberté diminue... »’

Interrogé sur les raisons pour lesquelles les touristes visitent le PNA, un autre membre de la communauté locale a répondu, « ‘ils viennent pour voir leur pays. N’est-il pas à eux maintenant? Je ne sais pas comment ils l’ont obtenu... Il n’était pas à eux avant, mais j’ai entendu dire qu’il leur a été vendu... ’» (cf. annexe A1, Part A question N° 1)

Dans la mesure où il est prouvé que c’est la communauté locale qui a façonné l’environnement adapté à la faune sauvage, « …‘il est difficile de croire qu’en excluant à l’avenir toute influence humaine, il sera possible de maintenir ce que nous souhaitons préserver ’» (Péron, 2004 : 10). Sur le même sujet et sur l’avenir de la culture et de la tradition maasaï, un répondant de 26 ans a catégoriquement observé :

‘« Nous sommes pressés de tous côtés, nous sommes contraints et forcés d’abandonner notre culture... Nous ne voulons absolument pas changer, mais le monde s’est ligué contre nous. Nous n’avons plus d’autre choix que de nous adapter... »’

Et, M. William Ole Ntimama (un Maasaï qui est député au Parlement Kanyan) ne cesse de le répéter,

‘« …la wildlife a plus de droits que les Maasaïs… quand un Maasaï est tué par un éléphant, cela n’est pas une nouvelle, mais, quand un Maasaï tue un éléphant, cela constitue la principale nouvelle des médias (inter)nationaux pour plusieurs jours ou semaines… »’

Toutes les observations ci-dessus révèlent un « conflit potentiel » entre la communauté locale et les gestionnaires du PNA, fruit de projets conçus sans consultation des habitants locaux. Ce manque de consultation mène à un développement pour voire contre la communauté locale (cf. aussi section 5.2.2.1 (a)). Voilà donc, la réponse à la question « générale » de ce chapitre (cf. section 10.0).

Pour atténuer ces ressentiments des locaux au sujet du PNA, les gestionnaires du parc devraient concilier les exigences antagonistes de conservation de l’environnement et de création des opportunités récréatives d’une part et de soutein du développement local d’autre part, tout en maintenant le principe de la pérennité du parc.