11.1.1 Caractéristiques des produits touristiques

L’hétérogénéité réside dans le fait qu’il est pratiquement impossible de produire des services touristiques identiques. Même si la nature des prestations offertes reste constante, une différence de qualité peut toujours exister. La gestion de la relation de service touristique occupe donc une place centrale dans ces transactions. La reproductibilité des méthodes est peu probable tant les situations à traiter sont spécifiques, l’incertitude du résultat y est relativement importante, mais le professionnalisme est justement la meilleure des garanties possibles pour la réduire (cf. par exemple section 9.6). La modification de l’hébergement ou du moyen de transport ou des horaires, par exemple, peut transformer les caractéristiques du produit. Malgré cette difficulté à assurer la reproduction des « performances » annoncées aux touristes, il n’est pas exclu de gagner en efficacité productive (au sens industriel du terme) en standardisant certaines des prestations composant le produit touristique. En outre, cette hétérogénéité rend possible une certaine interchangeabilité entre les différents sous-produits touristiques. Par exemple, au lieu de loger dans l’hôtel bâti en dur, les touristes en safari au PNA doivent utiliser les campings en dehors du parc.

L’inélasticité du produit tient au fait qu’il est peu adaptable à la demande de modifications. Sa production n’est pas stockable. Un hébergement ou un transport non-utilisé pendant une période ne peut être reporté sur une autre période. Autrement dit, les services touristiques tels que les nuitées d’hôtels ou les sièges d’avion ne peuvent être stockés. Une théorie commence à émerger : une place d’avion inutilisée pendant un vol ou un lit d’hôtel resté vide pendant une nuit représentent des ressources perdues à tout jamais ; il faut donc rentabiliser le produit en le bradant jusqu’à la dernière minute. Cette argumentation implique des dynamiques qui finissent toujours par saturer les destinations, faire chuter les prix et anéantir les efforts entrepris par les experts locaux pour limiter les capacités de charge et garantir au produit sa qualité et sa valeur. La non-utilisation est toujours coûteuse.

Le produit touristique ne peut-être qu’un objet perçu puisqu’il ne peut être ni essayé, ni vu avant d’être consommé, ce qui évoque son aspect d’intangibilité. Le produit touristique est déterminé avant que la demande des clients ne se manifeste. Or pour que la transaction s’effectue selon le processus décrit par la théorie économique standard 138 , il est nécessaire de faire l’hypothèse que le produit pré-existe à l’acte d’achat. Autrement dit, du fait de son immatérialité, il ne peut être essayé préalablement à l’achat. En effet, la demande de produits touristiques se définit dans ce cadre comme la quantité d’un bien que les « acheteurs » souhaitent acquérir pour chacun des prix possibles.

La complémentarité du produit touristique signifie qu’il n’est pas composé d’un seul service mais d’un ensemble de sous-produits/services complémentaires. Cette caractéristique conditionne la production du produit touristique et sa qualité. L’insuffisance d’un seul des services composant l’ensemble du produit peut remettre en cause la qualité du produit final. Autrement dit, le produit touristique est comme un système : la qualité du produit final peut être altérée par celle d’un sous-produit médiocre – The chain effect 139 . Cette complémentarité conditionne la production du produit touristique par plusieurs acteurs, ce qui en constitue une des difficultés (de la production).

L’inséparabilité des composantes du produit est due au fait que le phénomène touristique procède d’un flux d’échanges mondial provenant d’autres secteurs économiques parce qu’ici des consommateurs (les touristes) sont déplacées vers le produit à consommer (cf. section 5.2.2.2). Cette particularité entraîne un phénomène de délocalisation de la consommation auquel succède un processus de relocalisation, concernant à la fois les équipements d’accueil et leurs utilisateurs (Cazes, 1992c). Or, les produits touristiques sont caractérisés par la suppression de la déconnexion entre la production et la consommation. Le produit est alors, dans la plupart des cas, coproduit par le prestataire et le touriste-client. Même si, suivant le type de service envisagé, le degré de participation du client diffère, la coopération par la révélation des besoins et des attentes du client est un élément essentiel dans le processus de production du produit touristique. On peut donc dire que chaque produit touristique est un résultat d’un processus de coordination entre producteurs et consommateurs où l’accord sur la qualité du produit se construit dans le même temps que le produit se fabrique. La qualité, dans ce cadre, ne préexiste donc pas à l’échange et à la production, elle est le résultat d’une construction sociale (Cuveiler, 1998). A priori, la qualité étant difficilement mesurable (cf. note de page N°. 8), le prix devient la seule modalité d’évaluation externe qui soit possible et observable toute au long du processus (cf. aussi section 12.4.1). L’estimation des niveaux de qualité par les prix simplifie considérablement le problème mais suppose que les différents acteurs du marché puissent connaître, préalablement à l’échange, les différentes caractéristiques du produit touristique.

Notes
138.

Selon la théorie économique standard, l’économie comprend un ensemble d’initiatives autogérées, dont la production de biens, la distribution, la consomation et la prestation de services. Les gens qui y travaillent sont les acteurs de leurs propres entreprises. Et ils défendent des principes comme la lutte contre l’exclusion de toute la chaîne de production et le respect du concommateur –touriste.

139.

Une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible.