12.3.2 Capacité de charge psychologique et sociale

La capacité de charge d’un site récréatif doit prendre en compte impérativement ses utilisateurs. D’après Forster, cette dimension psychologique de la capacité de charge peut être définie comme « …‘le niveau d’impact humain qui, s’il est dépassé, entraîne la détérioration de la qualité de l’expérience de détente à l’air libre’ » (1973 : 46). Cette définition s’intéresse principalement à la satisfaction du touriste : pour un équipement de taille déterminée, l’accroissement du nombre d’usagers amène une réduction de la qualité du service qu’ils reçoivent. En outre, cette définition souligne le fait que les touristes ont des pratiques, des attentes et perceptions différentes d’un même écosystème et d’un même espace. Ces différences vont être fonction de leur niveau culturel, de leurs caractéristiques socio-démographiques, de leurs motivations (in)conscientes et de ‘leur nombre’ 145 . En conséquence, la perception détermine les types de touristes qui visitent un espace donné : ceux qui sont à la recherche de calme et de milieux naturels éviteront les zones de concentration qui, au contraire, attireront de plus en plus de monde parmi les touristes qui sont assez indifférents au spectacle de la nature. Autrement dit, l’expérience de la vie en pleine nature n’est pas forcément la même pour tous les individus. Néanmoins, cette dimension de la capacité de charge est dépendante des caractéristiques géographiques et paysagères de l’aire protégée en question (Runte, 1987 ; Richez, 1992 ; Deprest, 1997).

Les responsables d’aires protégées doivent aussi déterminer le coefficient de rotation des touristes sur les parcs/réserves. Ce coefficient dépend d’un rapport entre le nombre d’heures d’ouverture de l’aire protégée à la visite, et le temps de visite moyen par touriste. Ensuite, on associe ce coefficient à la capacité de charge (écologique ou psychologique et sociale) pour déduire le ‘nombre limite de visites quotidiennes’ 146 qu’une aire protégée peut supporter. Comme le dit Deprest (1997), ces concepts, capacité de charge et coefficient de rotation, semblent parfois un peu abstraits et détachés des problèmes réels du terrain. Cependant, ils ont au moins le mérite d’exister, et de pouvoir aider les gestionnaires des aires protégées dans la réflexion sur les problèmes quotidiens dans les zones de leurs opérations.

Comme nous l’avons évoqué dans les lignes précédentes, le dépassement de la capacité de charge du parc induit le déclin de la destination (ou moins par le même segment de clientèle, mais pas fortément en nombre absolu). Cela nous conduit à la notion de cycle de vie de la destination touristique (Butler, 1980). Un cycle est « un mouvement » qui revient à une situation antérieure (cf. Butler, 1980 ; Deprest, 1997). Comme le précisent Stankey et al. (1985), pourtant sensible aux mérites d’une telle théorie, le modèle général du cycle de vie du produit n’est qu’une simplification de la réalité observée. Certains produits connaissent une croissance rapide et soutenue dès leur introduction, d’autres connaissent une maturité rapide avec une introduction réussie mais atteignent rapidement un plafond. D’autres passent du stade de la maturité non pas à celui de déclin, mais à une nouvelle croissance. Bref, chaque produit ou destination touristique s’inscrit dans un contexte particulier.

Notes
145.

Il suffit de ne pas dépasser la limite. Il suffit de ne pas avoir trop de touristes. Mais qu’est-ce que le trop ? Voilà la difficile question qu’il faut résoudre et sur laquelle les scientifiques travaillent sans relâche : à partir de quel moment, sur quels indicateurs objectifs peut-on distinguer le trop du pas assez ? (cf. Deprest, 1997).

146.

Nombre limite de visites quotidiennes = capacité de charge X coefficient de rotation.