12.5 Limites du Changement Acceptable

La capacité de charge n’est pas une valeur absolue à découvrir, mais plutôt une série de valeurs qui sont fonction des objectifs de gestion pour un espace donné. Il s’agit de définir ce que les utilisateurs et/ou les administrateurs considèrent comme ‘acceptable’ 154 . Dans cette nouvelle approche, LCA, la capacité de charge touristique inclut la notion physique objective et la dimension sociale-psychologique au travers de la réaction de la communauté d’accueil et/ou de la satisfaction du touriste. En cela, elle rejoint la théorie de seuil de tolérance sociale. Cette théorie souligne l’importance de connaître le côté humain (habitants, visiteurs et gestionnaires) de l’équation de la capacité de charge.

L’approche de LCA détermine le caractère et le taux de changement qui mènerait à des conditions inacceptables, biologique ou sociale, dans une destination. Alors que l’intérêt initial de LCA concernait la gestion du milieu naturel, il pourrait être employé pour analyser les problèmes posés par les activités récréatives. Comme il est précisé par Stankey et al. (1985), LCA est une partie intégrante du concept de capacité de charge où les limites de capacité sont le produit des jugements et représentations de valeur aussi bien que de la science. L’identification de la gestion des destinations touristiques (touristes et leurs impacts) est inhérente à ce jugement de valeur. Trois facteurs devraient, donc, être considérés en fonction de ces jugements :

Autrement dit, les mécanismes de l’approche de LCA impliquent l’adoption d’un ensemble d’indicateurs qui réflètent les états environnementaux d’une zone, et proposent des standards et l’évaluation de taux de changement. Typiquement, les indicateurs se relieraient à l’état des ressources naturelles des destinations, des critères économiques, et de l’expérience des habitants locaux et des touristes. Les indicateurs seraient donc un mélange des mesures scientifiques et sociales. Par exemple: les niveaux de la pollution de l’eau, de l’air et du bruit ont pu être contrôlés; le pourcentage des gens employés dans le secteur touristique évalué; les taux de crimes associés au tourisme enregistré; et les niveaux de satisfaction des touristes évalués. De tels indicateurs seraient symptomatiques de l’impact touristique dans la destination, et de son effet sur la qualité de vie des résidents. Les indicateurs sont régulièrement contrôlés et évalués, et des stratégies sont identifiées et mises en œuvre par les gestionnaires pour rectifier tous les problèmes, et pour progresser vers les conditions environnementales et sociales désirées dont la réalisation est rendue possible grâce au système de LCA. Il est important de préciser que, du fait de la nature des indicateurs, la mesure ne peut pas être purement scientifique ou professionnelle, mais dépend également de la participation des personnes locales. Donc on peut dire, sans exagération, que le succès du LCA réside dans la mobilisation et la gestion des ressources (offre, personnel, finances…), la distribution des pouvoirs, l’unité de décision et la possibilité de réduire les temps de réponse du système.

Comme le nom le suggère, LCA accepte qu’un certain changement soit inévitable. La question est de savoir quels changements sont superflus. Plutôt que d’essayer de répondre à cette question, le LCA se concentre sur le nombre de changements tolérables. Enfin ce seuil doit être traduit en nombre d’utilisateurs. Le LCA doit donc définir le nombre maximum d’utilisateurs potentiels dans le cadre de nouvelles conditions. A défaut, il doit proposer une autre forme de gestion : le perfectionnement des ressources existantes pour les rendre plus résistantes aux effets négatifs. Ainsi on pourra élever le nombre des utilisateurs (cf. figure 11.5). Cette approche est donc dépendante de l’identification des conditions socio-environnementales désirées dans une zone, ce qui en conséquence rend nécessaire la participation de la communauté locale pour déterminer les conditions désirées et souhaitées. Pourtant, la décentralisation de l’action publique pourrait déboucher sur une complexité néfaste d’un trop grand nombre d’acteurs qui peut conduire à d’énormes gaspillages de ressources rares.

Selon la figure 12.5, le système de LCA est guidé par des questions et des problèmes qui concerne les touristes et la destination en considération. Le choix des indicateurs, ou des facteurs de limitation, des objectifs est guidé par :

Par ailleurs la figure12.5 montre que, le LCA n’est pas la recherche d’un nombre magique, mais la prescription d’une condition désirée et des politiques et des actions nécessaires pour maintenir ou reconstituer les conditions désirées. Des indicateurs sociaux ou des indicateurs de ressources peuvent alors être employés pour déterminer quand la capacité a été atteinte.

Du point de vue général, cette section a montré que, les concepts de capacité de charge, de cycle de vie d’une destination touristique et de Limites du Changement Acceptable sont non seulement des concepts importants qui ne sont pas des modèles en concurrence mais plutôt complémentaires. Ensemble, ils forment la base théorique de la gestion d’une destination touristique. Cependant, cette théorie de gestion doit fonctionner dans le contexte du modèle global de système touristique et de ses environnements sociopolitiques décrits dans le cinquième chapitre.

Figure 12.5: Système de planification induit par les Limites du Changement Acceptable
Figure 12.5: Système de planification induit par les Limites du Changement Acceptable

Source : Elaboration personnelle d’après: Dunn, 1980; Kendall & Var, 1984; Murphy, 1985; Stankey et al., 1985; Medlik, 1991; Dunlap et al., 1992; Gunn, 1998; Sharpley & Tefler, 2002

Notes
154.

L’« acceptable » et une notion relative. Elle renvoie à un choix fait dans le cadre d’un système de principes et de valeurs. Par exemple, dans une société donnée, à un moment donné de l’histoire, l’«acceptable » des uns peut être l’« inacceptable » des autres.