13.3.1.1 Importance de l’intégration économique

Une valorisation d’une aire protégée rend nécessaire l’harmonisation et la conciliation des priorités des différents acteurs touristiques. Une telle harmonisation doit devenir une philosophie inhérente aux actions mises en place afin que les besoins de conservation et de développement deviennent « complémentaires » et non plus « contradictoires ». Elle doit donc adopter une approche multidisciplinaire voire multisectorielle. Un telle approche rend nécessaire l’analyse parallèle de l’interdépendance des différentes décisions politiques concernant les différents secteurs d’activités (tourisme, environnement, agriculture, pastoralisme, transport, télécommunication et cætera) et l’évaluation de leurs retombées sur le développement touristique dans une aire protégée. Il est de ce fait important de tracer une ligne directrice pour les différents acteurs, l’objectif primordial à retenir étant de faire converger les diverses initiatives tant à l’échelle (inter)régionale/locale (sous-système régional – cf. section 5.2.2), que nationale (sous-système national – cf. section 5.2.3). Si les actions sont bien projetées, il devient possible d’harmoniser voire d’intégrer le développement touristique à la nécessité de conservation de l’environnement. L’articulation au moindre coût de ces divers objectifs, toutefois, ne pouvait se faire que dans le cadre d’une politique, qui, à travers certains tâtonnements, fut précoce et constante (cf. chapitre XIV).

L’attention du gouvernement aux avantages économiques potentiels du tourisme est la raison principale de la planification touristique. Le résultat a souvent été toutefois « ‘une planification et une promotion de haut en bas (top-down planning) qui laisse aux communautés locales une participation non-significative et donc une voix négligeable sur le contrôle de leur propre avenir ’» (Murphy, 1985 : 153). Cependant, l’attention est graduellement concentrée sur la nécessité d’intégrer des préoccupations socio-environnementales dans l’objectif économique du développement touristique (Runte, 1987 ; Wood, 1992 ; Funnel, 1999 ; Hall & Page, 1999 ; Holden, 2000 ; Karanja, 2002). Le tourisme doit être intégré dans le processus global de planification afin de favoriser les effets positifs sur le plan économique, social et environnemental, effets qui peuvent être réalisés par le développement touristique approprié (Hall & Page, 1999). Comme Murphy (1985 : 156) l’observe, « …‘la planification est concernée par l’anticipation et la régulation des changements d’un système, pour favoriser le développement ordonné afin d’augmenter les avantages socio-économiques et environnementaux du processus de développement ’». Par conséquent, la planification et le développement touristique doivent être « un processus, basé sur la recherche et l’évaluation, qui cherche à optimiser sa contribution potentielle au bien-être humain et à la qualité environnementale » (Getz, 1993 : 590).

Le PNA n’est pas une « île » (cf. figure 13.1). Géographiquement, biologiquement et écologiquement il dépend fortement des GRs adjacents (cf. figures 4.3, 4.4 & 13.1). De toute façon, les plantes et les animaux ne s’arrêtent pas à la frontière du parc politiquement établie. Ou, la frontière peut-elle empêcher les migrations des antilopes ? Tandis qu’à chaque saison sèche les Maasaïs et leur bétail exploitaient traditionnellement les ressources en eau et en pâturages des terres aujourd’hui incluses dans le parc, les animaux sauvages, à contrario, continuent de quitter leurs réserves à chaque saison des pluies, pour exploiter les ressources comprises dans les GRs (cf. aussi section 3.4.1 & note de page 62). L’intégrité environnementale du PNA dépend alors de la gestion prudente de ces GRs. Bien sûr une bonne vision mais trop mécaniste ou simpliste. Pourquoi ? Comme nous l’affirmait un répondant de GR d’Olorashi, « …‘on nous a chassés du Parc d’Amboseli et maintenant qu’on dispose sur nos autres terres de titres modernes de propriété, on nous ordonne d’y préserver les animaux sauvages provenant du parc, alors même qu’on nous en interdit l’accès… ’» (cf. aussi section 10.2.2), il est clair, à la limité à ce chercheur, que des politiques de conservation de l’environnement imposé aux communautés locales ne sauraient supprimer cette contradiction manifeste 157 . Cependant, du point de vue général, les zones autour du parc (cf. figure 4.3 & 13.1) doivent rester dans un état relativement naturel dans l’intérêt de la communauté biologique du PNA et de sa viabilité. Certaines des activités humaines sur la forêt nationale environnante et les terres privées (GRs), bien que politiquement indépendantes de PNA, constituent des menaces graves pour la faune, l’eau, l’air et d’autres aspects du parc lui-même (cf. aussi section 10.2.1.1).

Figure 13.1 : Croquis schématique des types d’occupation du sol autour du PNA
Figure 13.1 : Croquis schématique des types d’occupation du sol autour du PNA

Source : Elaboration personnelle

Notes
157.

De telles politiques devront être plus ambitieuses que de simples programmes « éducatifs » relatifs à la conservation des espèces et des écosystèmes, souvent proposés aux Maasaïs. Quelle ironie de l’histoire pour un peuple qui, précisément par ses activités socio-économiques vis-à-vis des bêtes sauvages, avait su créer les conditions nécessaires au développement de la wildlife ! (cf. par exemple section 5.2.2.2 & annexe A4).