15.3 Développement touristique-conservation de l’environnement-développement local :une conciliation inévitable

Enfin, la troisième partie a examiné les sujets qui sont considérées comme des défis du développement touristique par quelques chercheurs (cf. par exemple Murphy, 1983; Runte, 1987; Getz, 1993; Holden, 2000; Kastenholz, 2000; Sharpley & Tefler, 2002; Spindler, 2003). Certains de ces défis, discutés au chapitre XI, se rapportent aux caractéristiques des produits touristiques, envisagés dans le contexte de l’économie politique du tourisme. Par ailleurs, il y a incontestablement un paradoxe 163 dans le sentiment de dépossession qui anime la communauté locale ; il faut donc bien se demander jusqu’où ce mode de fonctionnement, pour l’instant satisfaisant (pour les acteurs écocentriques), peut aller sans risque pour la qualité de l’espace qui est protégé en raison de sa valeur exceptionnelle. Pourquoi ? Dans un parc national où le tourisme constitue 95% des recettes (KWS, 1997), on doit s’inquieter de la conciliation entre la conservation de la nature et le développement touristique. On peut également redouter que les responsables ne se laissent entraîner à construire de nouveaux équipements d’accueil qui induiraient de nouveaux flux sans respecter ni la capacité de charge ni la LCA (cf. chapitre XII). Cependant, jusqu’ici en tout cas, l’aménagement des infrastructures d’accueil et d’hébergement et la gestion du PNA sont une incontestable réussite à mettre au compte, pour l’essentiel, des professionnels du tourisme qui en sont à l’origine. En même temps, il semble que les relations entre les populations locales et l’administration du PNA se soient sensiblement détériorées depuis le début des années 90 (cf. chapitre V).

Ce travail a donc étudié une difficulté importante : celle de concilier sur un même espace développement touristique, protection de la nature et amélioration des conditions de vie des populations locales (figure 15.1) non seulement parce qu’il y a incontestablement de l’inconciliable entre ces activités, mais aussi parce que le premier est source de revenus très élevés, alors que la troisième, à court terme au moins, coûte plus qu’elle ne rapporte. En outre, la conservation du capital qu’est la nature ne peut pas se faire sur le dos des populations locales, c’est-à-dire en leur en faisant payer le prix. Comme « gardiens » des zones protégées, ils doivent aussi bénéficier des retombées, sinon ils pourraient se considérer comme les « perdants » de la conservation (Davis, et al., 1988 ; Kiss, 1990 ; Wood, 1992 ; KWS, 1994). Par ailleurs, le tourisme doit être articulé sur des initiatives et des projets de développement local de telle sorte que son apport contribue à ce développement. Néanmoins, à travers ces initiatives, il reste évident que le tourisme n’évoluera dans un sens positif que si le touriste lui-même prend conscience de sa propre responsabilité et en vient à orienter l’activité touristique par ses choix ou ses refus.

Figure 15.1 : Relation environnement-communauté locale-tourisme
Figure 15.1 : Relation environnement-communauté locale-tourisme

Source: Elaboration personnelle

La figure 15.1 suggère que les résidents locaux soutiendraient des projets de conservation de l’environnement et donc l’activité touristique s’ils reçevaient des bénéfices économiques de tels projets. En même temps, l’environnement bien protégé favoriserait le développement touristique qui en conséquence générerait des finances pour des projets de conservation environnementale. Dans la logique du tourisme durable, donc, on pourrait dire sans exagération que, dans notre terrain d’étude, les notions de tourisme, d’environnement et de communauté locale sont des concepts distincts mais indéfectiblement liés : l’un a des incidences sur les autres de façon systémique (cf section 5.1).

Finalement, il est aussi fondamental d’insister sur le fait que le développement touristique a besoin d’être réfléchi et planifié. D’ailleurs, la participation des acteurs locaux est indispensable pour que la région d’Amboseli ne soit pas seulement perçue en termes d’espace-support. Cette Troisième partie de notre étude a fait apparaître que les projets touristiques qui n'établissent pas des liens forts avec l’économie locale, auront peu d’impacts positifs sur les résidents locaux. Le chapitre XIV a proposé certaines formes préférables pour le développement touristique de sorte que les ‘retombées économiques’ 164 puissent être maximalisées. L’activité touristique doit s’aligner sur les mécanismes internationaux qui régissent le secteur tout en participant au développement de l’économie rurale et en répondant aux attentes de la communauté locale. En conclusion, il convient de noter que si le tourisme peut aider à développer une région, il peut aussi la rendre dépendante des organismes/entreprises métropolitains qui perpétueront la domination des citadins représenté par les touristes sur la communauté rurale dans la région d’Amboseli par le biais du tourisme au XXIème siècle.

Notes
163.

La communauté locale souhaite bénéficier des avantages du tourisme mais est hostile à l’éxistence du parc.

164.

L’idée de retombées économiques est expliquée par la théorie de trickle-down selon laquelle la richesse finit par toucher les plus pauvres.