Annexe A3: Questionnaire for the parc administrators

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Annexe A4 : Maasaï d’hier

Au XIX° siècle, ‘la communauté maasaï’ 165 s’était rendue maîtresse d’un territoire d’environ 750 km du nord au sud sur 200, une partie sur le Kenya actuel et une partie en Tanzanie. Toujours nomade, et dont le maintien à son profit ne pouvait être assuré que par une organisation pastorale forte, à la fois guerrière et policière, sans qu’il y ait jamais eu pour autant formation d’un Etat. Cette organisation repose sur l’enrôlement des jeunes gens en « classe d’âge - olporor ». Tout, dans ce système, commence à l’initiation.

Tous les sept ans, on procède à la circoncision des garçons de treize à dix-sept ans, qui constituent ainsi une même promotion, portant le nom d’un chef légendaire ou d’un événement historique. Les initiés appartenant à cette « classe d’âge » sont, dès lors, fraternellement unis pour le meilleur et pour le pire. On profite de cette initiation, des fêtes et des réjouissances pour exciser les filles. Le jeune homme est devenu – c’est le rêve de sa vie – moran 166 . Par groupes de 300, tous les moran circoncis vont désormais vivre dans des camps non clos, mais auxquels les autres hommes n’auront pas accès, et commencer leur éducation de guerrier – sans objet aujourd’hui : apprentissage des razzias de troupeaux, manière d’abreuver le bétail dans des conditions difficiles, épreuves enfin pour passer à un échelon supérieur. Tout autre travail est interdit au moran. Les jeunes filles – enditto - viennent souvent prendre soin du camp, dans lequel règne alors la plus grande licence. Apprendre à se battre, à faire l’amour, à danser, c’est tout ce que les Maasaï exigent de leurs adolescents auxquels le mariage reste interdit.

Au camp, le jeune Maasaï ne se nourrit que de lait et de la viande d’un bœuf abattu de temps en temps. Durant huit jours, il boit du lait, puis se purge avant d’absorber la viande accompagnée seulement d’eau, car le lait ne doit jamais être mêlé à une autre nourriture. Cette vie de camp dure de longs mois, jusqu’au jour où le moran est déclaré apte à défendre la société. Pour l’occasion, il revêt la tenue de guerre : le corps est enduit d’un mélange de terre ocre et de graisse de bœuf, les cheveux sont tressés en petites nattes tombant derrière la tête et sur l’arête nasale ; coiffure de plumes d’autruche, manteau flottant de toile blanche rayée de rouge, parfois une cape de plumes de vautour sur les épaules, anneaux aux chevilles et aux bras ; le moran s’arme d’un casse-tête, d’une courte épée « romaine », toujours d’une lance et d’un bouclier de peau. Ainsi équipé et paré, le jeune Maasaï a l’allure d’une sombre divinité antique. Il est prêt désormais à piller, prêt pour les coups durs et les expéditions.

A la ‘classe d’âge’ 167 qui prendra en main la défense de la tribu, succédera un groupe plus jeune et une nouvelle classe d’âge. La cérémonie de « passation des pouvoirs » comporte un ensemble de rites méticuleusement mis au point par le magicien, l’ololoiboni ou laibone. Ceux qui sont libérés – pas avant trente ans – sont devenus « adultes » : ils peuvent se marier et s’établir. Ils fréquentent alors les foires aux fiancées dans lesquelles ils choisissent parmi les jeunes filles présentes. Celles-ci prennent des poses en faisant tinter des clochettes dont le nombre est fonction de la richesse des parents. Celles qui n’ont pas trouvé de mari iront de marché en marché, le bâton à la main, parfois dansant, récoltant des cadeaux qu’elles rapporteront à la famille ; certaines fiancées attendent ainsi des mois avant d’être sollicitées.

Pendant que le Maasaï paît son troupeau dans la savane, toujours armé de sa lance, la vie continue au village, ou manyatta. Le seuil de la manyatta franchi, à droite c’est la hutte de la première femme dont le rôle est toujours prépondérant, à gauche celle de la seconde épouse, puis à droite encore, après la hutte de la première, celle de la troisième, et ainsi de suite. Préséances qui reflètent le droit primitif et règlent les questions d’héritage. Selon que l’enfant est né « à droite » ou « à gauche », les droits et les privilèges diffèrent. Dans la pénombre des huttes, on distingue mal les lits formés de peaux avec parfois des compartiments, puis quelques ustensiles, outres, sandales, récipients en bois, calebasses. Le dénuement est total.

Quand l’herbe se raréfie dans la contrée, on replie tentes et peaux. Le matériel est chargé sur les ânes dont c’est le seul travail, on met le feu à ce qui reste de la manyatta. Hommes et femmes, enfants, bêtes s’en vont à la recherche d’une savane un peu moins brûlée. Hommes aux cheveux tressés et gras, une épaule couverte d’une grande pièce de tissu brun rouge drapé sur l’épaule, l’autre restant nue. Femmes au crâne rasé, gosse au dos, abondamment parées : lobes d’oreilles percés et distendus, soutenant des rondelles de cuir dont les plus grands atteignent les épaules et les seins, bracelets, anneaux de chevilles ; enfants nus, vieillards loqueteux… Caravane impressionnante, anxieuse. La vie des Maasaï dépend de celle du troupeau – jusqu’à l’asservissement. Comme pour les moran, le fond de la nourriture ici c’est le lait et le sang ; peu de viande et seulement à l’occasion d’un rite, d’une fête. Sa consommation s’assortit d’interdits qu’on ne transgresse pas. « Si on boit du lait et si le même jour on mange de la viande, la vache en sera malade et mourra ». Les Maasaïs ne consomment d’ailleurs que la chair de leurs propres bestiaux : pas d’animaux sauvages, pas de poissons, pas d’oiseaux.

Pour plaire à leurs jeunes filles, pour débarrasser aussi l’entour de la boma, les Maasaïs chassent le lion à la lance. « Exploit qu’il leur est difficile d’accomplir aujourd’hui ».

Quand un enfant naît, le père doit tuer un premier bœuf pour les femmes et les enfants de la manyatta et un second quatre jours plus tard pour les hommes. Puis l’enfant est « baptisé » ; s’il y a doute sur la paternité, le rejeton est placé au milieu de l’enceinte. S’il est écrasé par les bêtes, c’est un bâtard. On tue encore des bœufs à la circoncision – « la cérémonie de nom – Adungoki enkerai enkarana 168  ».

Entre eux, les Maasaïs ont au plus haut point le sens de l’hospitalité. Un Maasaï de passage arrive à la manyatta, il plante sa lance devant une hutte, et peut partager incontinent le vivre et le couvert avec le maître du logis, s’ils sont de même classe d’âge ; et l’hôte peut vivre dans ces conditions autant qu’il lui plaira.

Il y a eu une législation qui distingue les délits privés et les délits publics. L’homicide peut être puni de mort, même s’il n’est dû qu’à l’imprudence ; s’il n’y a qu’indemnité, c’est l’affaire du clan qui doit payer. Pour une femme, l’indemnité est ramenée au tiers. Pour une blessure, chaque épine ayant servi à recoudre la plaie représente une chèvre à donner à titre d’amende. Pour des délits sexuels, il n’y a amende que si la femme est enceinte ; si la femme est rendue « inutilisable », il faut payer son prix au mari ; l’adultère est puni par une compensation au même mari, compensation très faible si la femme est restée au foyer ; l’enlèvement entraîne la restitution de la dot. Les délits publics entraînent une mise en scène plus importante, avec sacrifice d’animaux mangés en conseil. Le sorcier est expulsé du territoire, ou lapidé, ou noyé, ou attaché sur une fourmilière, et ses biens sont confisqués.

Au terme de sa vie, après avoir donné beaucoup de bons conseils aux jeunes, l’ancien va retourner au néant. On profitera de l’agonie pour le dépouiller avec douceur de ses colliers et de ses bracelets : ses proches auront ainsi de lui quelques souvenirs. S’il est déjà mort, on ne touchera à rien. Frères et femmes tuent un bœuf sous un arbre ; on mange la viande et on enduit la dépouille de la graisse de l’animal sacrifié ; on ne touchera ni aux os, ni au sang. Si le mort était une personnalité, le corps est logé dans une excavation profonde, la tête tournée vers l’est, jambes remontées, la main gauche sous la joue, la droite tenant une touffe d’herbe, symbolisant les intentions pacifiques du voyageur ; aux pieds, des sandales neuves pour la longue marche sur les routes de l’autre monde.

Aujourd’hui les vrais Maasaï deviendront de plus en plus rares. Ombres d’eux-mêmes, ils restent encore pour un temps le peuple le plus original et plus attachant peut-être d’Afrique en général.

Source : Elaboration personnelle

Notes
165.

Pour des informations plus profondes et surtout pour les autres communautés kenyanes, reportez-vous à l’œuvre de Milley, publié en 1973 ; néanmoins, on doit faire attention aux penchants nettement marqués de l’auteur contre les cultures africaines, avec l’intention profonde de montrer que les Africains sont toujours non civilisés et barbares!.

166.

Guerrier en puissance.

167.

Chez les Maasaïs, le système des âges a une fonction à la fois symbolique et organisatrice en ce qu’il crée en même temps un ordre de groupes et une structure de représentations et d’entente, qu’il est un phénomène social total, à la fois politique, économique, religieux, et cætera.

168.

Si le père se nomme Sakata et le fils Lemayain, le nom du père devient Menye (père de) Lemayain et celui du fils Lemayain Ole (fils de) Sakata.