Un territoire

Si l’Eglise épiscopale est définie par son centre, l’évêque en tant que responsable et foyer de rayonnement de toute communauté, la paroisse est désignée comme un espace. C’est une circonscription territoriale qui épouse les contours de la vie sociale. Cette délimitation à caractère géographique est le signe d’une conquête, d’une occupation par laquelle le territoire, terre et lieu de vie, sont revendiqués pour Dieu. En quelques siècles, on est passé de l’exode des « étrangers et voyageurs » au partage de la terre, promise. Des lieux de culte sont implantés et des croix sont plantées, non pas dans un but fonctionnel mais symbolique. Il s’agit de marquer la prise de possession du sol par Dieu et l’éviction des divinités païennes. Enfin, en acquérant des propriétés, l’Eglise inscrit sa présence dans le tissu social. Par cette entreprise conquérante, l’Eglise entend signifier à la fois que « la terre appartient à Dieu » ( Dt10,14. Ps24,1) et ce bien avant tout ce qu’elle produit, tous ceux qui l’habitent et que l’Eglise est mandatée pour y tenir une place centrale en donnant sens à la société entière. Elle se pose comme le centre organisateur de l’espace et du temps vécu par toutes les populations. La paroisse est l’expression de cette emprise en un lieu. On lui appartient du seul fait d’y résider. Cette même paroisse n’est plus comme à l’origine une communauté particulière distincte de la population par le biais d’un appel mais la population même, identifiable au territoire qu’elle occupe et où, le plus souvent, elle est née. Cette omniprésence de l‘Eglise se traduit aussi par l’érection d’églises dont les flèches et les clochers entre en concurrence avec ceux des beffrois. Le bâtiment cultuel sera au centre, comme référence commune et les cloches rythmeront ainsi la vie de tous.

La paroisse deviendra progressivement l’expression d’un pouvoir qui imprimera bien plus qu’une simple marque, une matrice, dans les mentalités autant que dans les comportements de l’existence commune. Durant des siècles, le triomphe de l’Eglise apparaît comme une confirmation de la bénédiction divine sur le type de société qu’elle structure. N’est-ce pas l’édification d’une église qui marque la prise de contrôle du nouveau monde par Christophe Colomb ? (voir le film 1492 Christophe Colomb)

Dès lors, l’amalgame entre universalité de l’Evangile et celle de l’Eglise est réalisé. Cette dernière voulant assurer par l’emprise de son propre pouvoir et de ses institutions l’universalité de l’Evangile. Alors qu’à la base, elle revendiquait le monde pour Dieu, l’Eglise se l’est approprié.