Un patrimoine.

Ce vocable englobe tous les biens ecclésiastiques appartenant, au commencement, à l’évêque. Ce dernier est censé recueillir les offrandes et les redistribuer équitablement pour assurer la pérennité de l’Eglise (clergé et bâtiments). Les prêtres reçoivent une rémunération ( beneficium) attachée à leur charge ( officium) ou au titre ( titulus) conférés par l’évêque. La aussi l’autonomie va bientôt gagner chaque paroisse dans la gestion de ces biens que cela soit pour des raisons d’autorité et de contrôle difficiles à conserver, de la montée en puissance des féodalités locales (chute de l’empire Romain) ou encore de la création de véritables protectorats crées par tel ou tel riche propriétaire terrien. Certaines paroisses vont ainsi acquérir des biens propres et assurer l’ordinaire. L’évêque n’étant plus que le propriétaire des bâtiments. Rivalités et inégalités vont être les deux traits caractéristiques des paroisses et l’indépendance économique va distendre les liens avec l’évêque et permettre à certains prêtres de revendiquer une autonomie conséquence à la fois de faits mais de droit.

Ces trois éléments constitutifs de la paroisse contribueront à façonner, pour toute la société occidentale, le « système paroissial » 9 , dont les principes fondamentaux figurent dans la définition officielle de la paroisse, comme : partie délimitée du diocèse, ayant une église en propre et une population déterminée, confiée à un pasteur 10 . Ce système va perdurer, traversant régimes politiques et ruptures religieuses (la réforme, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat et Vatican 2), presque sans changements. Il exprime la fidélité à une forme d’Eglise, l’attachement à un mode de fonctionnement religieux de la société. Car le modèle paroissial a un impact qui va au-delà du domaine ecclésial. Il implique une manière d’être en société, une manière d’inscrire son existence et d’être un élément d’une culture commune. De « système paroissial » à « civilisation paroissiale », il n’y a qu’un pas que certains franchiront aisément. Toutefois ce raccourci mérite d’être nuancé.

Dès son origine, l’Eglise n’est pas toute entière inscrite dans la paroisse. Celle ci sera toujours traversée par des courants et des mouvements qui même reconnus, bouleverseront le bel édifice. Les pèlerinages par exemple, en inscrivant l’itinérance comme nouveau comportement chrétien, donneront l’occasion de créer des liens nouveaux et de se soustraire au magistère local. D’autre part, les mouvements monastiques ont souvent disputé au clergé séculier la pastorale des régions peu ou pas du tout intégrées au réseau paroissial.

La Réforme, même si elle ne détruira pas la paroisse, en modifiera la compréhension et le fonctionnement à partir de quelque principes fondamentaux : l’Eglise est une réalité locale. Elle existe là où la prédication suscite la foi et rassemble une communauté. L’accent est mis sur la Parole et sur la communauté qui en vit, non sur un territoire ou une institution. Deuxièmement, aucune communauté n’est Eglise hors de la communion et de la solidarité avec les autres Eglises. Ce lien trouve son expression à travers les réseaux d’assemblées, de synodes et de conseils où siègent laïcs et pasteurs. Enfin, les ministères – le ministère pastoral en particulier- sont les canaux de la prédication. C’est la raison de leur importance et de la place qui leur est faite. Toutefois, ils n’ont pas qualité pour exercer un ministère doctrinal car l’Ecriture seule fait autorité.

Après le concordat Napoléonien qui confirme le droit de cité du Protestantisme, ce dernier n’est pas composé de paroisses mais de consistoires. Le terme paroisse n’apparaîtra que dans le décret du 26 mars 1852 qui lui laissera une marque presque indélébile dans l’organisation des Protestants en cautionnant l’équation : une paroisse, un conseil presbytéral, un pasteur. Enfin, après la loi de séparation de 1905 et l’adoption du régime des associations cultuelles, un véritable système paroissial se mettra en place dans le protestantisme français.

Notes
9.

D.HERVIEU LEGER, 1986, in « Vers un nouveau christianisme ? » p 57 , Paris Ed du Cerf.

10.

In LONGCHAMP A. 1992. « L’Eglise, qu’est ce que c’est ? » Centurion.Paris.136p