Pour les paroissiens, fidèles ou épisodiques, la paroisse apporte à la fois certitudes et inquiétudes. La vue d’un clocher est sécurisante pour beaucoup, repère pour le voyageur égaré, signe d’habitation, de vie locale et bien entendu, religieuse. A cette certitude, s’associe celle de l’existence de la paroisse avec son prêtre, sa communauté et son territoire. S’ajoute à cela l’idée d’un système de relations et d’une institution qui pourra conduire les paroissiens durant leur vie. Pour d’autres, pris dans les méandres et les incertitudes d’un monde en mouvement perpétuel et d’une multitude d’espaces, la paroisse peut symboliser l’enracinement, la convivialité, l’équilibre. Ces phénomènes s’inscrivent dans le bouleversement des territoires urbains qui trouve son origine dans :
Cette évolution amène à des réactions contradictoires, car si d’un côté on assiste à une hyper individualisation, de l’autre, on voit poindre de nombreux regroupements communautaires et identitaires. La religion y devient, comme cela a été esquissé, un mode d’identification pour permettre aux populations de se positionner vis à vis des bouleversements profonds et difficilement maîtrisables de la société, que peuvent être la mondialisation, le développement des techniques (tout ce qui est lié à la vitesse) et la disparition du communisme comme contre poids au capitalisme et modèle possible de société. Dans un univers de flux planétaires divers, la quête d’une identité collective ou individuelle, attribuée ou construite, devient la source première de signification sociale.
Certes, la religion –et plus encore le catholicisme- a toujours été depuis le fond des âges la racine du sens des sociétés humaines mais elle en devient aujourd’hui une des sources principales dans une période historique que caractérisent la déstructuration générale des organisations, la perte de légitimité des institutions, le dépérissement des grands mouvements sociaux et la fugacité des expressions culturelles.
Dès lors, la vie paroissiale s’exprime conjointement dans une communauté, et c’est bien sa définition première, mais aussi comme une entreprise de services. Une sorte de transposition semble s’effectuer entre l’ancien rôle social de la paroisse et une dimension particulière, un rôle nouveau, de « station service spirituelle » comme cela était déjà souligné en 1965 dans le numéro 100 du Bulletin du Centre protestant d’études et de documentation. Les recompositions actuelles bouleversent ces certitudes et traduisent les nouvelles attentes formulées sur la paroisse. La mobilité ôte au critère territorial identifiant communes, régions, Etats et bien entendu, paroisses, son caractère rassurant. Cependant, il ne faut pas oublier le fait que cette même paroisse tient de la localité et inversement, la vie religieuse tient de la vie sociale et dans une certaine mesure, réciproquement.
Territoire ou communauté ? Qu’importe l’identité des paroisses quand les enjeux de cette adaptation d’un service à la recomposition des territoires sont plus sociaux que religieux.
Le mot paroisse reste donc employé, mais il ne désigne plus une communauté de chrétiens, pouvant, durant toute leur existence entretenir des liens de voisinage. Le territoire de l’Eglise locale s’est agrandi alors que le nombre de ceux qui le composent s’est, lui, réduit. Devenus moins nombreux, les chrétiens y sont de plus en plus dispersés. Le maintien de la superposition entre l’espace social et l’espace religieux n’étant plus possible, les paroisses se regroupent. D’ailleurs, c’est l’unité même de l’espace de la vie quotidienne qui a volé en éclat. Il s’est entièrement transformé dans une mutation de la société tout entière.
Néanmoins, il reste utilisé au risque d’entretenir l’illusion, mais surtout de créer des malentendus qui obscurcissent les débats relatifs à l’Eglise locale. Il désigne aujourd’hui la circonscription ecclésiastique reconstituée pour des raisons administratives et financières. Mais les réaménagements pastoraux ne peuvent pas résulter d’une simple opération comptable à partir des seules données statistiques. Il est évident, qu’« ils interrogent la nature du lien d’attachement territorial qui tend à s’effacer au profit d’une appartenance communautaire postulée 13 ». Dans beaucoup de cas, ses contours ne correspondent à aucune autre logique sociale que celle d’assurer la desserte d’un territoire par un ministère pastoral.
Morcelée, parfois atomisée, elle est la paroisse des dispersés. Ici et là, il est question de la restructuration des paroisses, de la création de « relais paroissiaux » pour désigner des anciennes paroisses et de la nécessité accrue d’une coresponsabilité « prêtes-laïcs ». L’érosion du tissu ecclésial est telle que c’est « la visibilité de l’Eglise qui est en jeu ! » 14 .
BONNEVILLE M p 190 « Les paroisses entre ancienne et nouvelle figures de la proximité » Article, in Les Annales de la recherche urbaine, n°90 pages 190-198
DUMAY J.M, 1-12 novembre 1990 in « La fin d’une France des clochers » Le Monde .