B. La quête d’horizon par les valeurs

Les valeurs qu’une société affirme ou intériorise (liberté, égalité, fraternité, santé, solidarité….) prennent corps et sens dans des institutions ou des modèles qui ont à être fonctionnels. Elles éclairent le mode dans lequel toute société évolue. Elles transcendent les conduites individuelles ou collectives qu’elles contribuent à orienter. Les valeurs s’inscrivent dans une tradition en désignant un horizon vers lequel plusieurs cheminements peuvent conduire. A la fois mémoire d’une origine dans le présent et symbole d’avenir. Leur rôle n’est pas de fixer des règles de vie mais d’esquisser un cadre d’une possible pluralité de représentations et de comportements.

Quand cet horizon imaginaire ou symbolique disparaît, l’indifférence gagne les institutions car elles perdent la signification – légitimité- qui leur donnait autorité et cohérence. Certes, elles fonctionnent toujours mais elles ont perdu leur élan et leur capacité médiatrice : elles ne représentent plus qu’elles mêmes. Elles ne sont plus habitées.

Inversement, les valeurs ont besoin du crédit que leur apportent la confirmation et la reconnaissance d’institutions et de modèles qui les font vivre. Sans celles ci, les valeurs ne peuvent s’incarner et restent incantatoires voire délirantes. Valeurs et institutions sont donc imbriquées, tirant pouvoir et vitalité les unes des autres. Les valeurs perdent toute crédibilité quand les institutions qui les invoquent ont perdu la leur. Le mariage, désavoué pour des raisons propres et respectables, en est la parfaite illustration. Que cela soit pour des raisons d’image trop réductrice donnée au couple et plus encore à l’amour ou par les valeurs de fidélités qui n’avaient plus court, le lien entre l’institution et les valeurs est rompu. L’institution a perdu sa capacité d’ériger un modèle d’identification et de régulation de la vie sociale.

Plus que de parler de perte des valeurs, il est plus juste d’évoquer la perte de confiance que l’on porte à une institution et à ses modèles d’identification. Ainsi l’Eglise catholique a perdu toute crédibilité aux yeux d’un grand nombre de personnes. Un certain relativisme en découle et entraîne une dévalorisation des institutions et une indifférence à l’égard des comportements. La société est devenue nomade dans le sens où, ayant perdu ses ancrages (territoires et valeurs), elle va et vient, s’attache aux objets, en suit les évolutions, va au plus offrant ou au plus disant. Il faut se garder de confondre les valeurs, les institutions et les modèles, mais ils sont liés. Séparés, ils se retrouvent désincarnés.

Il existe tout un jeu d’interactions entre les institutions et les valeurs. Le repère va avec la route comme la boussole va avec le cap. C’est cette interaction et cette complémentarité qui définissent le cheminement. Les institutions sont des médiations. Les Eglises indiquent un chemin à suivre, mais elles ne peuvent réussir que quand elles ne cherchent pas à fixer le message – l’Evangile- qu’elles ont à transmettre dans des institutions et des modèles, à commencer par leur propres structures. Encore une fois, cela a été démontré auparavant, c’est en reconnaissant leurs caractères provisoires que les Eglises témoignent du Dieu de Jésus Christ. La foi relativise et témoigne que sur terre, l’homme est bel et bien un étranger, un voyageur.