D. L’Eglise est là où se trouve la communauté.

Cette idée que l’Eglise se manifeste dans des rassemblements et des communautés a toujours tenu une grande place dans l’histoire du christianisme. Mais ici, l’accent est mis, non pas sur le lieu cultuel ni sur le service du christ dans le monde mais sur l’expérience de la foi. Elle se doit d’être privilégiée dans la mesure où c’est l’expérience qui authentifie la foi.

C’est une tendance assez forte dans le protestantisme et ces branches mais n’est pas étrangère au glissement de sens dans l’Eglise catholique. Elle concentre l’attention sur l’expérience personnelle, intime, de la rencontre avec Dieu. Cette expérience marque une rupture dans la vie de l’individu (le baptême chez les adultes). L’Evangile fait trace dans la vie du croyant, à la fois comme expérimentation qui authentifie l’identité chrétienne et comme acte de conversion, de seuil dans son histoire personnelle. Cette expérience va conduire à l’adhésion à la communauté chrétienne, par une démarche personnelle du croyant. Elle implique qu’il confesse sa foi en témoignant de ce qui lui est arrivé et du changement intervenu dans sa vie. L’assemblée des croyants est ici fortement qualifiée et valorisée par l’expérience semblable faite par chacun de ses membres, dépositaires et vecteurs de la rencontre avec Dieu et du don de l’Esprit. C’est cette expérience commune qui identifie les croyants et contribue à les séparer du monde. Cette même communauté peut aussi devenir une contre-société, un espace social où l’Esprit est à l’œuvre et recrée des liens de fraternité, de solidarité et de partage. Elle devient un lieu et un milieu où se vérifie une vie nouvelle. Ce courant se ramifie dans plusieurs directions et marque l’attrait grandissant des membres de l’Eglise catholiques pour les mouvements charismatiques, d’action sociale… Il y a création d’assemblées autour desquelles s’organise tout un réseau d’activités spirituelles, sociales, sportives mêmes.

La communauté aspire et encadre la vie de ses membres. Elle dessine autour d’eux l’espace propre de l’Eglise – même si les contours sont de plus en plus floue. Mais et ce jusqu’à aujourd’hui, la communion pouvait et était souvent synonyme d’enfermement.

Il en est ainsi lorsque l’Eglise se définit par son centre et par ses limites. Plus encore lorsqu’il s’agit d’une frontière qui sépare au lieu d’articuler deux espaces : l’espace ecclésial placé sous le signe du salut et l’espace du monde qui refuse l’Evangile. La communauté risque de devenir un lieu clos qui n’a plus grand chose à voir avec son projet spirituel initial. La question qui anime le débat de la recomposition, est celle sur la qualité de relation entre les membres de l’Eglise catholique, leur pratique du partage et de la solidarité.

Dans l’idéal religieux, l’Eglise est là où la parole de Dieu la fait naître. L’indétermination de cette phrase lapidaire laisse ouverte une pluralité de situations où l’Eglise puisse prendre forme. Mais, aussi nécessaire soit-elle, ce n’est pas sa localisation qui fait l’Eglise. Mais de tout temps a prédominé l’idée que l’authenticité de l’Eglise ne pouvait être que dans un type particulier de localisation. C’est d’ailleurs à contre sens de cela que l’Eglise catholique semble vouloir définir son existence : l’Eglise est appelée à prendre forme localement, mais elle n’a pas de lieu spécifique. Il appartient aux chrétiens de lui donner consistance et visibilité, là où la parole les a saisis et les fait vivre dans la foi. L’Eglise locale n’a pas de lieu spécifique et unique. Cependant, la cathédrale et la présence de l’évêque soudent l’ensemble des communautés et peuvent apparaître à bien des égards comme des lieux spécifiques.