B. Un christianisme laïque ou la quête d’authenticité

Etre sans Eglise, c’est aussi un parti pris délibéré qui procède de la conviction que les Eglises ont défiguré le christianisme. La Réforme signifiait cela, les nouveaux comportements religieux signifient que le catholicisme, malgré Vatican II, défigure toujours le christianisme – pour certains. En quelque sorte, l’Eglise a pactisé avec le monde et surtout ses pouvoirs pour exercer sa propre domination. Elle a confisqué les Ecritures en leur imposant des grilles de lecture doctrinales et cléricales. Elles ont barré l’accès direct à l’Evangile par les médiations de leurs appareils, de leurs orthodoxies et de leurs rites. C’est la critique de l’institution qui est à l’origine de la décision de quitter ou de s’éloigner de l’Eglise, parfois de la combattre, en tout cas, afin de mener une recherche personnelle. C’est une quête de liberté qui aspire à inventer et réinterpréter les conditions d’un christianisme pour marquer une indépendance vis à vis des traditions et organisations ecclésiales. Elle est une affaire d’individus, mais s’effectue souvent dans des groupes qu’anime la même volonté de transformation de la vie personnelle et sociale.

Après s’être largement appliquée aux rapports entre Dieu et le monde ou à la dimension politique de l’Evangile durant les années soixante, la recherche s’est investie dans le registre des spiritualités que mettait à l’ordre du jour le développement surprenant de nouveaux mouvements religieux, à l’intérieur du catholicisme (communautés charismatiques comme l’Emmanuel) ou à l’extérieur (sectes, Bouddhisme….). Toutefois, il ne faut pas perdre à l’esprit que la contestation ne date pas d’hier.

Cette contestation a amené bon nombre de groupes à se structurer dans une démarche laïque, c’est à dire non cléricale. La démarche spirituelle tient une grande place dans ces communautés qui accordent la plus grande importance à l’expérience individuelle et à l’émotion dont chacun attend qu’elles authentifient son rapport à Dieu. Le politique ne génère plus d’utopies mobilisatrices comme avant, mais il ne faut pas oublier que de nombreux groupes investissent dans un engagement « humanitaire », une aspiration spirituelle qui veut ne pas séparer la relation à Dieu et le service des hommes.

Toutes ces critiques ouvrent des brèches dans l’ordre et la suffisance qui caractérisent les Eglises traditionnelles. Lorsque l’Eglise prête à ses structures ou à ses productions une attention plus grande qu’au message qui est sa raison d’être, n’oublie-t-elle pas que celui ci le dépasse et qu’il concerne d’abord les hommes où qu’ils soient ? L’Evangile précède et déborde l’Eglise. Il ne leur appartient pas. Il ne faut pas que les institutionnels oublient que le christianisme a commencé comme un mouvement. A un moment où personne n’en avait le contrôle, il a commencé « comme un mouvement de renouveau provoqué par Jésus et intérieur au Judaïsme 54  ». Michel DE CERTEAU dans de nombreux ouvrages a constaté que la rupture d’un certain conformisme des chrétiens a laissé place à une dissémination d’expériences à la fois autonomes et diverses. C’est le système des représentations qui est dans le catholicisme, comme ailleurs, en crise.

Notes
54.

THEISSEN G, 1978, in « Le christianisme de Jésus » p 17, Paris, Desclée de Brower